BAIE DU MARIN (France / district de Crozet), 23 nov 2012 (AFP) - Au pied de falaises volcaniques de la Baie du Marin dans l'archipel de Crozet, s'égaillent des milliers de manchots et leurs poussins au duvet gonflé par le vent de l'hiver austral. Quel lien entre cette nature sauvage et une paire de lentilles de contact ? Une molécule antibactérienne prometteuse.
Tout a commencé avec l'observation du nourrissage des poussins, à l'éclosion. Il est normalement assuré par la femelle qui part en mer chercher le poisson, or avec le réchauffement climatique et le déplacement du front polaire plus au sud, elle doit parfois pousser sa quête à 500-600 km de Crozet au lieu de 300-400 km.
"Elle revient alors une semaine trop tard, après l'éclosion. On a mis en évidence que le mâle, qui assure les dernières semaines d'incubation, était capable de nourrir le petit à l'éclosion", raconte Yvon Le Maho, chercheur à l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS) de Strasbourg.
"Il est donc capable de conserver de la nourriture intacte pendant plusieurs semaines dans son estomac, à 37°C. Il fallait comprendre ce phénomène de conservation", poursuit le physiologiste, qui ne compte plus ses missions à Crozet ou en Terre Adélie (Antarctique), deux paradis pour manchots.
Un travail pluridisciplinaire s'enclenche. Connaissant les travaux de son confrère Jules Hoffmann sur les défensines de la drosophile -- qui lui ont valu un prix Nobel en 2011 --, M. Le Maho songe à "des molécules comparables pouvant expliquer ce mécanisme de conservation".
Avec le biologiste-biochimiste Philippe Bulet et Cécile Thouzeau, la fameuse molécule est identifiée: une protéine appelée sphénicine, antibactérienne et antifongique.
"Elle a une propriété particulière: elle conserve son action en milieu salin, comme dans l'estomac du manchot et ça nous intéresse parce que la plupart des antibiotiques perdent leur activité en milieu salin élevé", explique Philippe Bulet.
La sphénicine pourrait alors être utilisée pour les pathologies liées à un environnement salé comme la mucoviscidose: "les poumons des malades sécrètent un mucus très salé favorable au développement de champignons et bactéries", rappelle le biologiste.
"On s'intéresse beaucoup aussi aux infections oculaires, par exemple liées au port des lentilles de contact. Cette molécule pourrait être un agent nettoyeur", poursuit le biochimiste.
Selon le chercheur, "on pourrait aussi développer des applications pour éviter le développement de biofilms, ces fines couvertures de bactéries et de champignons qui se forment sur les prothèses, cathéters, toutes ces choses introduites de l'extérieur dans le corps humain".
"Ces protéines représentent potentiellement de nouveaux antibiotiques", affirme M. Bulet, qui pourraient être efficaces contre le staphylocoque doré, devenu très résistant aux antibiotiques en milieu hospitalier, ou encore contre le champignon responsable de l'aspergillose, dont "on peut mourir en moins de quatre jours"
Le brevet déposé par les trois chercheurs couvre les potentialités comme agent thérapeutique mais aussi comme agent de conservation alimentaire, un autre champ à explorer.
Entre la découverte de la molécule, peu avant les années 2000, et le développement concret d'un médicament, "il faut compter une dizaine d'années", rappelle M. Bulet.
Pendant ce temps, sur la baie du Marin, dehors par beau temps ou abrités dans des préfabriqués blancs par grand vent, des scientifiques continuent les travaux sur les manchots.
Sylvia Pardonnet, 26 ans, qui avait travaillé sur les tortues luth au Costa Rica et les papillons au Pérou avant de venir en volontaire service civique (VSC) à Crozet, est chargée de prélèvement sur différents tissus où a été repérée la sphénicine.
En ciré jaune bien épais et gants, la jeune femme repère dans la manchotière un animal tout juste tué par un prédateur. "Je fais des prélèvements sur plage, sur des cadavres extrêmement frais et ensuite je les rends à la colonie", explique-t-elle . "Tous les charognards vont se nourrir des restes, il faut éviter toute prédation inutile".
Tout a commencé avec l'observation du nourrissage des poussins, à l'éclosion. Il est normalement assuré par la femelle qui part en mer chercher le poisson, or avec le réchauffement climatique et le déplacement du front polaire plus au sud, elle doit parfois pousser sa quête à 500-600 km de Crozet au lieu de 300-400 km.
"Elle revient alors une semaine trop tard, après l'éclosion. On a mis en évidence que le mâle, qui assure les dernières semaines d'incubation, était capable de nourrir le petit à l'éclosion", raconte Yvon Le Maho, chercheur à l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS) de Strasbourg.
"Il est donc capable de conserver de la nourriture intacte pendant plusieurs semaines dans son estomac, à 37°C. Il fallait comprendre ce phénomène de conservation", poursuit le physiologiste, qui ne compte plus ses missions à Crozet ou en Terre Adélie (Antarctique), deux paradis pour manchots.
Un travail pluridisciplinaire s'enclenche. Connaissant les travaux de son confrère Jules Hoffmann sur les défensines de la drosophile -- qui lui ont valu un prix Nobel en 2011 --, M. Le Maho songe à "des molécules comparables pouvant expliquer ce mécanisme de conservation".
Avec le biologiste-biochimiste Philippe Bulet et Cécile Thouzeau, la fameuse molécule est identifiée: une protéine appelée sphénicine, antibactérienne et antifongique.
"Elle a une propriété particulière: elle conserve son action en milieu salin, comme dans l'estomac du manchot et ça nous intéresse parce que la plupart des antibiotiques perdent leur activité en milieu salin élevé", explique Philippe Bulet.
La sphénicine pourrait alors être utilisée pour les pathologies liées à un environnement salé comme la mucoviscidose: "les poumons des malades sécrètent un mucus très salé favorable au développement de champignons et bactéries", rappelle le biologiste.
"On s'intéresse beaucoup aussi aux infections oculaires, par exemple liées au port des lentilles de contact. Cette molécule pourrait être un agent nettoyeur", poursuit le biochimiste.
Selon le chercheur, "on pourrait aussi développer des applications pour éviter le développement de biofilms, ces fines couvertures de bactéries et de champignons qui se forment sur les prothèses, cathéters, toutes ces choses introduites de l'extérieur dans le corps humain".
"Ces protéines représentent potentiellement de nouveaux antibiotiques", affirme M. Bulet, qui pourraient être efficaces contre le staphylocoque doré, devenu très résistant aux antibiotiques en milieu hospitalier, ou encore contre le champignon responsable de l'aspergillose, dont "on peut mourir en moins de quatre jours"
Le brevet déposé par les trois chercheurs couvre les potentialités comme agent thérapeutique mais aussi comme agent de conservation alimentaire, un autre champ à explorer.
Entre la découverte de la molécule, peu avant les années 2000, et le développement concret d'un médicament, "il faut compter une dizaine d'années", rappelle M. Bulet.
Pendant ce temps, sur la baie du Marin, dehors par beau temps ou abrités dans des préfabriqués blancs par grand vent, des scientifiques continuent les travaux sur les manchots.
Sylvia Pardonnet, 26 ans, qui avait travaillé sur les tortues luth au Costa Rica et les papillons au Pérou avant de venir en volontaire service civique (VSC) à Crozet, est chargée de prélèvement sur différents tissus où a été repérée la sphénicine.
En ciré jaune bien épais et gants, la jeune femme repère dans la manchotière un animal tout juste tué par un prédateur. "Je fais des prélèvements sur plage, sur des cadavres extrêmement frais et ensuite je les rends à la colonie", explique-t-elle . "Tous les charognards vont se nourrir des restes, il faut éviter toute prédation inutile".