Cyril Tetuanui convoqué devant la justice en janvier pour trafic d'influence


Les ennuis judiciaire s'accumulent pour le tavana de Tumara'a et président du SPC.
PAPEETE, le 4 octobre 2016 - Le maire de Tumara'a est soupçonné par la justice d'avoir accepté 1,5 million de francs en espèces des mains d'un commerçant de Raiatea, en échange de quoi l'édile aurait favorisé les affaires du marchand avec la commune.


Placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie en milieu de semaine dernière, pour y être interrogé dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte par le parquet pour des faits présumés de corruption, Cyril Tetuanui fait aujourd'hui l'objet d'une convocation par officier de police judiciaire dans cette affaire.

En clair : le maire de Tumara'a et président du Syndicat pour la promotion des communes (SPC) est convoqué devant le tribunal correctionnel. Selon nos informations, l'audience se tiendra le 17 janvier 2017. L'édile est renvoyé devant les juges pour des faits présumés de trafic d'influence. Il ne sera pas seul à la barre ce jour-là, le commerçant soupçonné de lui avoir "graissé la patte" devra lui aussi s'expliquer devant les magistrats.

Une enquête incidente

Ce dernier est actuellement écroué dans une affaire distincte de trafic de produits stupéfiants. Mais c'est à la faveur de l'enquête le concernant que la procédure incidente visant Cyril Tetuanui avait vu le jour. Selon nos informations, les enquêteurs avaient en effet découvert de façon fortuite, lors des perquisitions chez le commerçant, un document papier signé faisant état d'un versement de 1,5 million de francs au bénéfice du tavana de Tumara'a. Interrogé par la suite sur ce point, ce dernier aurait reconnu le versement d'espèces en échange de quoi Cyril Tetuanui s'engagerait à favoriser ses affaires avec la commune. Des révélations que le juge d'instruction se serait empressé de communiquer au parquet, provoquant l'ouverture de l'enquête préliminaire dont il est question aujourd'hui et qui vaut au président du SPC cette nouvelle convocation devant le tribunal correctionnel. Auditionnée elle aussi mais librement dans le cadre de cette affaire, la sénatrice et épouse de Cyril Tetuanui, Lana Tetuanui, a été totalement mise hors de cause confient des sources proches du dossier. Le commerçant avait pendant un temps mis les enquêteurs sur la piste d'un éventuel financement politique pour justifier les traces de cette transaction.


2 ans d'inéligibilité requis ce mardi dans l'affaire des salles omnisports

Actualité judiciaire chargée pour Cyril Tetuanui. L'élu était en effet jugé ce mardi, devant le tribunal correctionnel, pour "atteintes aux règles de liberté et d'accès aux marchés publics" dans l'affaire des gymnases de Raiatea. Il lui était cette fois reproché d'avoir envoyé au règlement, en sa qualité de maire à l'époque, huit factures présumées frauduleuses transmises a posteriori par l'entrepreneur bénéficiaire du marché et censées couvrir près de 20 millions de francs de dépassement de budget dans la construction des deux salles omnisports des districts de Fetuna et Tehurui. Une enquête avait été ouverte en janvier 2011 pour favoritisme sur ces faits datant de la période 2008-2010.

Le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis et 3 ans de mise à l'épreuve contre le tavana, 3 millions de francs d'amende et 2 ans d'inéligibilité. Le tribunal a mis son délibéré au 13 décembre prochain.

Pour sa défense, Cyril Tetuanui a répété qu'il n'avait fait que prendre le train en marche, récupérant le règlement final d'un projet lancé et monté par l'ancienne mairesse et contre lequel il s'était d'ailleurs élevé du temps où il était dans l'opposition. L'élu qui a aussi rappelé l'approbation unanime de ces règlements litigieux par le conseil municipal, pressé de régulariser la situation de la commune vis-à-vis de l'entrepreneur pour récupérer les ouvrages finis au plus vite, sur fond d'élections municipales à venir.

Pas de corruption

Le représentant du ministère public, lui, tout en écartant tout "pacte de corruption" dans ce dossier, a estimé ce mardi que Cyril Tetuanui, ancien régisseur, maire, "rompu aux fonctions d'élu", ne pouvait pas "méconnaître la réglementation des marchés publics" de la sorte. L'accusation soutient que ces travaux de peinture, d'assemblage, de couvrage des structures métalliques et les études complémentaires dont il est question et qui ont à son sens abusivement été facturés à la collectivité, étaient pourtant déjà compris dans le cahier des charges initial du projet, qu'ils auraient au mieux du faire l'objet d'un nouvel appel à concurrence, au pire d'un recours en contentieux devant le tribunal administratif.

Sur le terrain purement juridique, Me Quinquis, dans les intérêts de Cyril Tetuanui, s'est attaché à démontrer que son client, tout au long de la gestion du règlement de ce dossier, n'avait fait que suivre les recommandations "pas toujours très avisées" des représentants de l'Etat qu'étaient l'administrateur des Iles-sous-le-vent et le trésorier payeur général, dans un contexte de vide juridique qui persiste encore aujourd'hui en matière de commande publique par les communes de Polynésie française.

12 mois de prison avec sursis et 5 millions de francs d'amende ont enfin été requis contre l'entrepreneur en bâtiment chargé du projet, poursuivi pour "recel de favoritisme et usage de faux en écriture privée". De 6 à 8 mois de prison avec sursis ont été suggérés pour "altération frauduleuse de la vérité dans un écrit" contre l'auteur des études complémentaires, un ancien expert judiciaire en bâtiment mandaté a posteriori par le premier.

Rappelons que Cyril Tetuanui a déjà été condamné pour prise illégale d'intérêt et abus de confiance par un élu et faux en écriture en 2011 par la cour d'appel de Paris. Il avait écopé de 12 mois de prison avec sursis simple et 1 an d'inéligibilité.

Délibéré le 13 décembre.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 4 Octobre 2016 à 18:29 | Lu 2180 fois