Cyril Le Gayic victime d’une "coquetterie" de la justice, selon Maître Antz


Quelques questions à Dominique Antz, avocat de Cyril Le Gayic.
Le syndicaliste, secrétaire général de la Confédération des syndicats indépendants (CSIP) a fait appel de son placement en détention provisoire, devant la chambre de l’instruction, mardi 13 novembre. Il a été mis en examen, pour des faits de corruption passive et abus de confiance, puis incarcéré à Nuutania, le 31 octobre dernier.
Le placement en détention provisoire est ordonné pour une période de quatre mois éventuellement renouvelable une fois.

Sur quels motifs repose votre appel du placement en détention provisoire de Cyril Le Gayic ?

Me Antz : J’ai soulevé diverses irrégularités contenues dans la saisine du juge des libertés et dans l’ordonnance de placement. Irrégularités qui à mes yeux devraient être suffisantes. Et bien sûr, au fond, il ne faut pas oublier que le placement en détention provisoire est l’unique moyen trouvé par les juges afin d’empêcher la concertation de M. Le Gayic avec d’autres personnes qui sont, on le sait, incarcérées au centre pénitentiaire.

Vous avez dénoncé ce moyen arguant qu’à Nuutania, ils peuvent se parler.

Me Antz : Sur le plan purement pratique, si on les met tous les trois au centre pénitentiaire, on fait en sorte de leur donner le moyen de plus facilement se concerter, s’ils le souhaitent. Ensuite, je ne veux pas que l’on entre dans un système où, si confrontation il doit y avoir, celle-ci aura lieu dans 15 jours, 1 mois, 3 mois… Et pendant ce temps, les personnes restent en détention provisoire.

On reproche à M. Le Gayic d’avoir touché des enveloppes provenant de M. Ravel alors qu’il prétend ne pas en avoir touché la totalité.

Me Antz : L’instruction part d’un tableau dressé par la comptable de M. Ravel. Sur ce document figurent des dates et des sommes à destinations de personnes sensées avoir perçu ces versements. Les enquêteurs ont soumis les dates et les sommes à M. Le Gayic et celui-ci a nié avoir reçu les sommes aux dates indiquées.

Sur le fond du dossier, on a l’impression que les prévenus se renvoient la balle. Ravel accuse Le Gayic, Le Gayic accuse Tetuanui.

Me Antz : Il s’avère qu’il a été présenté à M. Ravel les prétentions de M. Le Gayic, par l’intermédiaire d’un troisième homme, Gaston Tetuanui. M. Le Gayic et M. Ravel ne se connaissent pas, ne se sont jamais rencontré et par définition n’ont jamais parlé des sommes en question. Il s’avère donc que le seul interlocuteur de M. Ravel est ce troisième homme, mis également en détention provisoire. Cette tierce personne devra répondre de ce qu’il a dit à M. Ravel pour obtenir le paiement de certaines sommes, que manifestement il n’a jamais remises à Cyril Le Gayic.

Vous avez dénoncé une justice qui use de méthodes jouant avec la liberté des gens, avec « coquetterie et mauvaise foi », concernant la mise en détention provisoire de votre client. Qu’entendez-vous par là ?

Me Antz : Je veux dire que l’on ne joue pas avec la liberté et encore moins avec la détention provisoire : on est présumés innocents ; il ne s’agit pas d’une pré-sanction ; on n’est pas jugés, encore moins sanctionnés ; on parle de faits qui sont encore à prouver. Malgré cela, on vous met à un endroit qui, aujourd’hui on le sait, est un véritable cloaque, dans les mêmes conditions indignes qu’un condamné. Ce qui vaut pour un condamné ne devrait valoir pour personne d’autre. Surtout pas pour une personne qui se trouve, d’une minute à l’autre, transportée de son cadre de vie habituel vers le centre pénitentiaire pour y rester quelques mois, alors qu’elle est présumée innocente. Alors oui, je fais en sorte – et c’est notre rôle – de lutter contre cette facilité qu’ont les juges de placer les gens en détention provisoire. J’ai parlé de coquetterie parce qu’on me dit que finalement on ne sait pas si les uns et les autres sont tentés de venir parasiter la manifestation de la vérité. Mais on le suppose. Donc, au nom de cela on va les placer en détention provisoire.
Je dénonce aussi le placement en détention provisoire en ce sens où le législateur a prévu des solutions alternatives, parce qu’il en connaît le caractère grave et contraire à l’esprit même de la loi, puisqu’il s’agit en fait d’un pré-jugement. Ces solutions sont l’assignation à résidence, le contrôle judiciaire. C’est pour cela que j’ai proposé, en faveur de M. Le Gayic si on craint qu’il puisse éventuellement entrer en contact avec des personnes, à résider dans d’autres îles éloignées. Et bien sûr il répondra aux convocations de la justice.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 13 Novembre 2012 à 17:16 | Lu 2000 fois