Un portrait de Crook à la fin de sa vie. Pour le confort et la sécurité de ses filles, il préféra quitter Tahiti et s’installer à Sydney, puis chez son fils à Melbourne où il mourut.
Il y a deux manières d’aborder l’aventure que vécut le jeune William Pascoe Crook aux îles Marquises de 1797 à 1799 : missionnaire plein de bonne volonté, il échoua totalement à convertir au christianisme les indigènes qu’il côtoya. En revanche, la moisson d’informations qu’il ramena à son retour constitue une matière première d’un intérêt exceptionnel à la fois pour les historiens et pour les Marquisiens d’aujourd’hui. Crook est en effet arrivé au Fenua Enata alors que la société marquisienne n’avait pas encore été bouleversée par les Européens...
Mais qui était donc ce jeune missionnaire de la London Missionary Society (L.M.S.) qui eut le culot monstre de se faire débarquer à Tahuata en juin 1797 et de demander à y rester seul, au milieu d’une population dont il ignorait tout ?
Notre référence pour suivre les péripéties de Crook est bien entendu le livre qu’il rédigea lui-même, “Récit aux îles Marquises” et les diverses autres sources réunies dans cet ouvrage (éditions Haere Po) paru en 2007.
Mais qui était donc ce jeune missionnaire de la London Missionary Society (L.M.S.) qui eut le culot monstre de se faire débarquer à Tahuata en juin 1797 et de demander à y rester seul, au milieu d’une population dont il ignorait tout ?
Notre référence pour suivre les péripéties de Crook est bien entendu le livre qu’il rédigea lui-même, “Récit aux îles Marquises” et les diverses autres sources réunies dans cet ouvrage (éditions Haere Po) paru en 2007.
Le valet devient missionnaire
Le célèbre Duff, le bateau qui amena les missionnaires de la London Missionary Society dans le Pacifique Sud, au terme d’un épuisant voyage.
William Crook était né le 29 avril 1775 à Dartmouth, en Angleterre, fils de Stephen Crook et de Maria Pascoe. Orphelin de père à sept ans, Crook profita du remariage de sa mère avec un entrepreneur (certes illettré) pour éviter de connaître une enfance miséreuse, même si, sachant lire et écrire, il n’occupa que la modeste fonction de valet chez des bourgeois. Crook était pieux et il entra en contact avec la LMS à vingt ans. La société missionnaire venait d’être fondée en 1792 ambitionnant d’évangéliser le vaste Pacifique Sud où les catholiques ne s’étaient pas encore manifestés (ils le firent plus tard, avec les Maristes pour l’Océanie occidentale et les Picpus pour l’Océanie orientale).
Séduit par les ambitions de la LMS, Crook se porta volontaire pour partir ; trop jeune, il eut à suivre une formation accélérée et devint le 28 juillet 1796 missionnaire artisan. Les portes du Pacifique lui étaient ouvertes et de fait, il embarqua le 10 septembre 1796 à bord du Duff, avec une quarantaine d’autres missionnaires flanqués de leurs familles.
Séduit par les ambitions de la LMS, Crook se porta volontaire pour partir ; trop jeune, il eut à suivre une formation accélérée et devint le 28 juillet 1796 missionnaire artisan. Les portes du Pacifique lui étaient ouvertes et de fait, il embarqua le 10 septembre 1796 à bord du Duff, avec une quarantaine d’autres missionnaires flanqués de leurs familles.
Harcelé par les femmes, Harris s’enfuit
Le voyage fut long, le cap Horn se refusa à eux et ils durent repartir en direction du cap de Bonne Espérance. Le gros des “troupes” fut débarqué à Tahiti et aux Tonga, mais deux intrépides religieux, William Crook et John Harris, choisirent les lointaines et méconnues Marquises. Ils y arrivèrent le 6 juin 1797. Tous les deux étaient célibataires et il ne fait pas de doute que leur arrivée ne laissa pas indifférentes les femmes de l’île de Tahuata, dont l’épouse du chef. Très naïf, Harris commença par se faire voler le contenu de son coffre personnel, laissé sur la plage une nuit. Mais le pire était encore à venir : à terre, il eut à subir les avances de ces dames marquisiennes, le harcelant de jour comme de nuit, achevant de le convaincre qu’il n’avait rien à faire chez ces “sauvages”. Le Duff demeura trois semaines dans la baie du Resolution à Tahuata et finalement, le capitaine Wilson, à contrecœur, accepta de rembarquer Harris et de laisser Crook seul à terre, ainsi qu’il le réclamait avec force.
De la part du jeune Anglais, ce fut une décision d’une audace inouïe, car il ne parlait pour ainsi dire pas le Marquisien et surtout parce qu’il n’avait aucune expérience de la vie dans les Mers du Sud, ignorant tout des pratiques de ses hôtes, dont le cannibalisme qui l’horrifia tant par la suite.
De la part du jeune Anglais, ce fut une décision d’une audace inouïe, car il ne parlait pour ainsi dire pas le Marquisien et surtout parce qu’il n’avait aucune expérience de la vie dans les Mers du Sud, ignorant tout des pratiques de ses hôtes, dont le cannibalisme qui l’horrifia tant par la suite.
De l’intérêt à l’indifférence
Une stèle érigée à Vaitahu, sur l’île de Tahuata, rappelle à tous que ce sont les Espagnols qui découvrirent les premiers l’archipel des Marquises, en 1595. Le contact fut rude et il ne fut pas question de tenter une évangélisation de ces îles.
La suite, justement, parlons-en : cannibalisme, guerres entre tribus quasi permanentes, famines, traitements inhumains des prisonniers, soumission des femmes aux hommes, le choc fut rude lorsque le jeune missionnaire comprit que la tribu où il s’était installé (les Hema) avec la bénédiction du chef des quatre districts de l’île, Tainai, était tout sauf une sinécure et lorsqu’il prit la mesure de ce qui l’attendait. Certes, il était là pour évangéliser, mais il lui fallait d’abord observer son environnement pour le comprendre et ensuite, à dose homéopathique, parler de son dieu. Ce qu’il fit sans rencontrer le moindre succès puisque si l’histoire de son Jésus-Christ reçut de certains une oreille attentive, ils en avaient tout autant à raconter au sujet de leurs dieux à eux, des histoires qui valaient bien celle de Crook.
Au final, après quelques mois sur place, plus que de l’hostilité, c’est à un manque d’intérêt total pour ce qu’il était et ce qu’il prêchait que le jeune homme eut à faire face avant que la situation ne se complique et dégénère.
Initialement en effet, le comportement de cet homme souvent absorbé par la lecture de la Bible suscita un certain respect de la part des Marquisiens ; mais petit à petit, ce respect fit place à une grande indifférence, et au final à une franche hostilité lorsqu’un élément extérieur à l’île vint se mettre entre Crook et les habitants de Tahuata.
Au final, après quelques mois sur place, plus que de l’hostilité, c’est à un manque d’intérêt total pour ce qu’il était et ce qu’il prêchait que le jeune homme eut à faire face avant que la situation ne se complique et dégénère.
Initialement en effet, le comportement de cet homme souvent absorbé par la lecture de la Bible suscita un certain respect de la part des Marquisiens ; mais petit à petit, ce respect fit place à une grande indifférence, et au final à une franche hostilité lorsqu’un élément extérieur à l’île vint se mettre entre Crook et les habitants de Tahuata.
“Sauver ma vie !”
Le 12 mai 1798, un baleinier, le Betsey (commandant Edmund Fanning), en provenance de l’archipel Juan Fernandez, au large de Valparaiso, chargé de fourrures qu’il allait livrer en Chine, pointa le bout de son étrave devant Tahuata. Il faisait un temps de cochon et un déluge céleste avait accueilli le navire demeuré au large. Vers le milieu de l’après-midi, alors que les pluies se calmaient, une petite pirogue avec trois hommes à son bord s’approcha du baleinier, Fanning entendant dans un Anglais parfait un cri de détresse : “Monsieur, je suis Anglais et j’en appelle à vous ; si je suis venu, c’est pour sauver ma vie”.
Le ton était donné ; le missionnaire avait décidé de fuir de toute urgence Tahuata, une urgence si grande qu’il abandonna à terre tous ses effets personnels, y compris sa sacro-sainte bible. Fallait-il que la situation se soit à ce point dégradée pour le missionnaire ? Il expliqua que depuis de longues semaines, il vivait en quelques sorte un véritable calvaire, sa vie étant en permanence menacée, seules la présence et la vigilance de son ami le chef Faikiueue lui ayant permis d’échapper à une mort certaine. Crook alors n’était vêtu que d’un simple maro (morceau d’étoffe enroulé autour de sa taille ; mot tahitien dont l’équivalent marquisien est hami, qu’il portait comme les femmes, ce qui lui attirait des sarcasmes...).
De juin 1797 à février 1798, si Crook n’avait pas converti une âme, du moins n’était-il pas apparemment en danger. Mais par la suite, tout se gâta...
Le ton était donné ; le missionnaire avait décidé de fuir de toute urgence Tahuata, une urgence si grande qu’il abandonna à terre tous ses effets personnels, y compris sa sacro-sainte bible. Fallait-il que la situation se soit à ce point dégradée pour le missionnaire ? Il expliqua que depuis de longues semaines, il vivait en quelques sorte un véritable calvaire, sa vie étant en permanence menacée, seules la présence et la vigilance de son ami le chef Faikiueue lui ayant permis d’échapper à une mort certaine. Crook alors n’était vêtu que d’un simple maro (morceau d’étoffe enroulé autour de sa taille ; mot tahitien dont l’équivalent marquisien est hami, qu’il portait comme les femmes, ce qui lui attirait des sarcasmes...).
De juin 1797 à février 1798, si Crook n’avait pas converti une âme, du moins n’était-il pas apparemment en danger. Mais par la suite, tout se gâta...
L’empêcheur de s’entretuer
A partir de février, un navire en provenance de Boston, l’Alexander (capitaine Asa Dodge) fit escale à Tahuata. Si Crook put remettre des courriers à Dodge, courriers qui arrivèrent à bon port, un des marins du bord, un Hawaiien nommé Tama (qui devint Sam sous la plume du missionnaire) débarqua et s’installa à terre, bénéficiant d’une grande aura auprès des Marquisiens.
Sa désertion faite, il prit très vite une place de première importance dans l’île ; il disposait d’un mousquet, cette arme à feu lui conférant un très grand prestige. Alors que Crook incitait les tribus à demeurer en paix, Sam au contraire les poussait à entrer en guerre contre les clans de Hiva Oa et même contre certaines tribus de Tahuata.
Le conflit entre les deux hommes s’envenima au point que Sam parvint à convaincre les chefs, tous sous son influence, de tuer au plus vite cet Européen pacifiste, empêcheur de s’entretuer... Sam voyait plus loin puisqu’il espérait également profiter d’un effet de surprise pour s’emparer d’un navire européen afin de tuer tout l’équipage, récupérer le fer du navire et tout ce qui pouvait être utile (les armes en premier lieu) de manière à constituer une armée invincible aux Marquises. Et justement, le Betsey, qui avait été aperçu pendant la période de mauvais temps, devait tomber dans ce piège, ce que la météo avait empêché et que Crook permit d’éviter en informant Fanning à temps.
Sa désertion faite, il prit très vite une place de première importance dans l’île ; il disposait d’un mousquet, cette arme à feu lui conférant un très grand prestige. Alors que Crook incitait les tribus à demeurer en paix, Sam au contraire les poussait à entrer en guerre contre les clans de Hiva Oa et même contre certaines tribus de Tahuata.
Le conflit entre les deux hommes s’envenima au point que Sam parvint à convaincre les chefs, tous sous son influence, de tuer au plus vite cet Européen pacifiste, empêcheur de s’entretuer... Sam voyait plus loin puisqu’il espérait également profiter d’un effet de surprise pour s’emparer d’un navire européen afin de tuer tout l’équipage, récupérer le fer du navire et tout ce qui pouvait être utile (les armes en premier lieu) de manière à constituer une armée invincible aux Marquises. Et justement, le Betsey, qui avait été aperçu pendant la période de mauvais temps, devait tomber dans ce piège, ce que la météo avait empêché et que Crook permit d’éviter en informant Fanning à temps.
Bien reçu à Nuku Hiva
Crook s’étonne de la condition féminine aux Marquises jugeant qu’elles sont “généralement traitées avec rudesse et injustice, dépouillées sans scrupule de tout ce qui leur a été donné...”
A bord, s’étant offerts comme pilotes, figuraient déjà deux chefs marquisiens complices de Sam, ne cessant d’inciter Fanning à venir à la côte pour y jeter l’ancre et ainsi tomber dans le traquenard qui lui était tendu.
Le capitaine, bien évidemment, ne se risqua pas à aborder et accepta bien volontiers de garder à bord cet intrépide missionnaire qui, en sauvant sa propre vie, avait également sauvé son bateau et tout son équipage. Et c’est ainsi que cap fut mis sur le groupe Nord des Marquises, Nuku Hiva, où Crook se fit débarquer en mai 1798, non sans avoir rédigé un courrier à destination de la LMS.
A Taiohae, Kiatonui, chef local accueillit Crook mieux qu’il ne le fut à Tahutua. En janvier 1799, le jeune pasteur put quitter Nuku Hiva sur le Butterworth, en emmenant avec lui un jeune Marquisien, Timautete (qui décéda à Londres en décembre 1800).
Jacques Iakopo Pelleau, spécialiste de l’histoire marquisienne, nous a précisé que tout au long des quatre mois que dura le voyage de retour et jusqu’à sa mort en décembre 1800, Timautete aida Crook dans son travail de rédaction du premier dictionnaire-grammaire marquisien-anglais.
Le capitaine, bien évidemment, ne se risqua pas à aborder et accepta bien volontiers de garder à bord cet intrépide missionnaire qui, en sauvant sa propre vie, avait également sauvé son bateau et tout son équipage. Et c’est ainsi que cap fut mis sur le groupe Nord des Marquises, Nuku Hiva, où Crook se fit débarquer en mai 1798, non sans avoir rédigé un courrier à destination de la LMS.
A Taiohae, Kiatonui, chef local accueillit Crook mieux qu’il ne le fut à Tahutua. En janvier 1799, le jeune pasteur put quitter Nuku Hiva sur le Butterworth, en emmenant avec lui un jeune Marquisien, Timautete (qui décéda à Londres en décembre 1800).
Jacques Iakopo Pelleau, spécialiste de l’histoire marquisienne, nous a précisé que tout au long des quatre mois que dura le voyage de retour et jusqu’à sa mort en décembre 1800, Timautete aida Crook dans son travail de rédaction du premier dictionnaire-grammaire marquisien-anglais.
Une “bible” marquisienne...
La véritable œuvre de Crook pouvait commencer : il avait à expliquer aux autorités de la LMS les raisons de son échec, ce qui ne lui fut pas reproché, et surtout il avait à décrire cette population que l’Europe ne connaissait pour ainsi dire pas. Lui était le premier Blanc à avoir vécu au sein même de la société marquisienne, avant que les santaliers, puis les baleiniers ne viennent littéralement détruire cette communauté qui avait sa propre culture, ses propres coutumes, son propre mode de vie. Et force est de reconnaître que le tout jeune homme qu’était Crook avait pris de minutieuses notes et sut, aidé il est vrai, rédiger ce qui reste, sans jeu de mots, une bible de la culture marquisienne, son “Récit aux îles Marquises”.
Retour aux Marquises
Après son départ de Nuku Hiva, Crook eut l’opportunité de rentrer à Londres où il put co-rédiger un remarquable travail –digne d’un anthropologue moderne– sur la vie et les mœurs des Marquisiens, lui qui avait été le premier Européen à vivre au milieu d’eux.
En Angleterre, il eut l’opportunité de se marier (avec Hannah Dare, le 12 mars 1803). En janvier 1816, Crook avait alors à sa charge six filles et un garçon ; il s’embarqua à nouveau pour le Pacifique Sud. Il s’installa d’abord à Moorea puis sur le site qui devint la ville de Papeete (dont il est considéré comme le fondateur) avant d’ouvrir une mission à Taiarapu.
Enfin Crook, en 1824, revint aux Marquises flanqué de quatre catéchistes de Tahiti et de Huahine. Leur départ eut lieu le 10 janvier 1825 et leur bateau, le Lynx, parvint à Tahuata le 23 février, là même où Crook, vingt-huit ans auparavant, était venu vivre et avait tenté en vain de convertir la population.
Iotete, nouveau chef à Vaitahu, réserva un bon accueil à ces jeunes missionnaires. Crook rentra à Tahiti sur le baleinier Sarah Ann le 8 avril 1825. Des difficultés le décidèrent à partir pour Sydney fin 1830 où il mêla activités religieuses et affaires.
En 1841, il s’installa à Melbourne chez son fils.
Il décéda après une vie de sacrifices et de fatigues, le 14 juin 1846 à Melbourne. Il avait soixante et onze ans.
En Angleterre, il eut l’opportunité de se marier (avec Hannah Dare, le 12 mars 1803). En janvier 1816, Crook avait alors à sa charge six filles et un garçon ; il s’embarqua à nouveau pour le Pacifique Sud. Il s’installa d’abord à Moorea puis sur le site qui devint la ville de Papeete (dont il est considéré comme le fondateur) avant d’ouvrir une mission à Taiarapu.
Enfin Crook, en 1824, revint aux Marquises flanqué de quatre catéchistes de Tahiti et de Huahine. Leur départ eut lieu le 10 janvier 1825 et leur bateau, le Lynx, parvint à Tahuata le 23 février, là même où Crook, vingt-huit ans auparavant, était venu vivre et avait tenté en vain de convertir la population.
Iotete, nouveau chef à Vaitahu, réserva un bon accueil à ces jeunes missionnaires. Crook rentra à Tahiti sur le baleinier Sarah Ann le 8 avril 1825. Des difficultés le décidèrent à partir pour Sydney fin 1830 où il mêla activités religieuses et affaires.
En 1841, il s’installa à Melbourne chez son fils.
Il décéda après une vie de sacrifices et de fatigues, le 14 juin 1846 à Melbourne. Il avait soixante et onze ans.
La solitude des missionnaires
Crook laissé seul (à sa demande) à Tahuata en 1797.
Eugène Eyraud laissé seul à l’île de Pâques en 1864.
Près de soixante-dix ans séparent les aventures de ces deux missionnaires, l’un protestant, l’autre catholique, mais leurs échecs méritaient d’être mis en perspective. Eyraud, lui aussi, fut sauvé des mains de ses bourreaux pascuans qui lui avait tout volé et qui ne cessaient de menacer sa vie ; il l’aurait très certainement perdue si un bateau n’était venu le délivrer au bout de neuf mois de souffrances... Lui aussi était le premier Européen à s’installer parmi ce petit peuple si isolé.
Laisser des missionnaires seuls au sein de populations peu ou pas connues n’était jamais la solution que privilégiaient leurs hiérarchies et ces deux destinées, même séparées par le temps, montrent qu’isolé, il n’était guère possible de réussir. La seule différence entre les deux hommes est que Eyraud revint à l’île de Pâques en 1866, accompagné cette fois par un autre missionnaire et par trois Mangaréviens convertis. La “greffe catholique” prit, alors que le protestantisme, malgré une seconde tentative avec des catéchistes Tahitiens, n’aboutit finalement pas aux Marquises.
Eugène Eyraud laissé seul à l’île de Pâques en 1864.
Près de soixante-dix ans séparent les aventures de ces deux missionnaires, l’un protestant, l’autre catholique, mais leurs échecs méritaient d’être mis en perspective. Eyraud, lui aussi, fut sauvé des mains de ses bourreaux pascuans qui lui avait tout volé et qui ne cessaient de menacer sa vie ; il l’aurait très certainement perdue si un bateau n’était venu le délivrer au bout de neuf mois de souffrances... Lui aussi était le premier Européen à s’installer parmi ce petit peuple si isolé.
Laisser des missionnaires seuls au sein de populations peu ou pas connues n’était jamais la solution que privilégiaient leurs hiérarchies et ces deux destinées, même séparées par le temps, montrent qu’isolé, il n’était guère possible de réussir. La seule différence entre les deux hommes est que Eyraud revint à l’île de Pâques en 1866, accompagné cette fois par un autre missionnaire et par trois Mangaréviens convertis. La “greffe catholique” prit, alors que le protestantisme, malgré une seconde tentative avec des catéchistes Tahitiens, n’aboutit finalement pas aux Marquises.
LE livre
Ce n’est bien entendu pas en quelques lignes que l’on peut appréhender toute la richesse du travail du jeune Crook à Tahuata. S’il n’a probablement pas rédigé seul son “Récit aux îles Marquises”, il n’en demeure pas moins que cet ouvrage se doit de figurer dans toute bonne bibliothèque locale. Il a servi de canevas à cet article et mérite que l’on s’y attarde.
Publié en 2007 par les Editions Haere Po, il comprend outre le texte de Crook, de très riches annexes rédigées par le professeur Greg Dening, Monseigneur Hervé-Marie Le Cleac’h, Douglas Pacoke et l’éditeur lui-même, Robert Koenig.
Ce travail a été réalisé à partir de la traduction du texte anglais par Mgr Le Cleac’h, Denise Koenig et Gilles Cordonnier. On retiendra que l’auteur de ce récit exceptionnel est sans doute Crook bien entendu, mais il fut aidé par Samuel Greatheed de la LMS et le Marquisien Timautete : plus de deux cents pages méritant amplement d’être découvertes.
Publié en 2007 par les Editions Haere Po, il comprend outre le texte de Crook, de très riches annexes rédigées par le professeur Greg Dening, Monseigneur Hervé-Marie Le Cleac’h, Douglas Pacoke et l’éditeur lui-même, Robert Koenig.
Ce travail a été réalisé à partir de la traduction du texte anglais par Mgr Le Cleac’h, Denise Koenig et Gilles Cordonnier. On retiendra que l’auteur de ce récit exceptionnel est sans doute Crook bien entendu, mais il fut aidé par Samuel Greatheed de la LMS et le Marquisien Timautete : plus de deux cents pages méritant amplement d’être découvertes.
Harris le pudibond
Lorsque Crook débarqua à Tahuata, il était accompagné d’un autre missionnaire, John Harris (1754-1819), qui ne s’attarda pas, victime de vols et du harcèlement –sexuel– des femmes de l’île. Bien plus âgé que Crook, il était à bord du Duff en 1796. Le 19 mars 1797, il fut ordonné à Tahiti et partit donc avec Crook aux Marquises. Il revint avec le Duff et demeura missionnaire à Tahiti jusqu’en janvier 1800.
Il s’embarqua ensuite pour les Tonga où avaient été installés d’autres missionnaires dont on était sans nouvelles, avant de devenir chapelain et maître d’école sur l’île de Norfolk. Il cessa d’entretenir des liens avec la LMS et revint à Sydney en 1803. Il y enseigna tout en continuant à prêcher jusqu’en 1808. Il rentra ensuite en Angleterre où il fut ordonné évêque puis exerça comme vicaire de Hunstanworth, Durham, où il décéda le 6 novembre 1819.
S’il n’avait pas pris les jambes à son cou à Tahuata après seulement quelques jours de présence et quelques avances féminines, l’histoire religieuse des Marquises en eût peut-être été changée...
Il s’embarqua ensuite pour les Tonga où avaient été installés d’autres missionnaires dont on était sans nouvelles, avant de devenir chapelain et maître d’école sur l’île de Norfolk. Il cessa d’entretenir des liens avec la LMS et revint à Sydney en 1803. Il y enseigna tout en continuant à prêcher jusqu’en 1808. Il rentra ensuite en Angleterre où il fut ordonné évêque puis exerça comme vicaire de Hunstanworth, Durham, où il décéda le 6 novembre 1819.
S’il n’avait pas pris les jambes à son cou à Tahuata après seulement quelques jours de présence et quelques avances féminines, l’histoire religieuse des Marquises en eût peut-être été changée...