Crise du logement : pour Hervé Mariton de la Fedom, "l'addition" plutôt que la "stigmatisation"


Selon l'ISPF, le nombre de meublés de tourisme, de type Airbnb, a augmenté de 36,9 % entre 2017 et 2022, pour atteindre 9 200 logements.
Tahiti, le 21 mai 2024 - La Fédération des entreprises des Outre-mer (Fedom) a organisé ce mardi à la CCISM, un séminaire dédié à la construction et au logement. Un événement qui met en lumière un certain nombre de problèmes, notamment celui de l'accès au logement, dû en partie au choix économique du territoire qui a fait du tourisme une priorité. Pour Hervé Mariton, président de la Fedom, il n'est pas question de stigmatiser la construction touristique, mais plutôt d'élargir la palette d'offres en matière d'habitations.
 
La Fédération des entreprises des Outre-mer (Fedom) a organisé ce mardi en partenariat avec la CCISM et le Medef Polynésie un séminaire dédié à la construction et au logement. En effet, en Polynésie et dans les outremers en général, même si les raisons sont diverses, la crise du logement impacte fortement les habitants et les entreprises. Au Fenua, les demandes d'accès à des logements sociaux et intermédiaires ne cessent de croître, obligeant souvent des familles à vivre entassées dans des appartements ou maisons trop petites et souvent insalubres, ou à casser littéralement leur tirelire pour accéder à un logement décent. Un phénomène notamment dû à l'économie du territoire, essentiellement tournée vers le tourisme. À titre d'exemple, en février dernier, l'Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF) avait révélé un chiffre édifiant sur le nombre de meublés de tourisme, de type Airbnb, qui a augmenté de 36,9% entre 2017 et 2022, pour atteindre 9 200 logements.
 
Autant de logements non attribués à la population, qui ont un impact sur l'économie locale, comme l'expliqué à Tahiti Infos, Hervé Mariton, le président de la Fedom et ancien ministre des Outre-mer sous le gouvernement de Dominique de Villepin en 2007. “C'est un frein à la mobilité de l'emploi et à l'efficacité de l'économie. Ce qui souligne l'importance du logement, non seulement pour les entreprises de construction mais pour le secteur du logement dans son ensemble [...]. L'OPH a d'ailleurs bien précisé la nécessité de développer le logement intermédiaire pour assurer une fluidité des parcours et essayer de résoudre, du moins en partie, la demande de logement social”, nous explique-t-il par téléphone, n'ayant pu assister au séminaire qu'en visioconférence, bloqué en Nouvelle-Calédonie en raison des événements sur place.
 

Hervé Mariton, président de la Fedom depuis 2021, n'a pas pu assister physiquement au séminaire organisé ce mardi à la CCISM. Il est bloqué en Nouvelle-Calédonie en raison des émeutes qui touchent le Caillou depuis la semaine dernière. Crédit photo : AFP.
Ne pas restreindre le tourisme
 
Mais alors, cela signifie-t-il qu'il faut restreindre le nombre de constructions dédiées au tourisme ? Pour Hervé Mariton, il s'agit plus “d'addition” que de “stigmatisation” : “La Polynésie a fait un choix stratégique économique fort au profit du tourisme, et il ne faut pas être dans une forme d'affrontement ou de stigmatisation, mais plutôt de déplacer l'offre et d'assumer qu'en effet, une part des logements soit réservée au tourisme”, estime-t-il. “Il faut plutôt opérer un déplacement et un développement de l'offre. Il y a des territoires en France ou dans le monde où l'on stigmatise les logements touristiques. En Polynésie française, on ne peut pas le faire, et ça n'aurait justement pas de sens. Il faut véritablement compléter et additionner les offres existantes.” Hervé Mariton estime au demeurant qu'il faut répondre, en priorité, aux besoins de logement principaux “aux demandes des uns et des autres [...]. Il faut que les gens puissent se loger ; assurément oui.”
 

Souci de réglementation

Au cours du séminaire qui s'est déroulé ce mardi à la CCISM, les intervenants ont soulevé de nombreux points importants, comme celui de la réglementation des matériaux et des bâtiments, qui régissent le secteur de la construction. En effet, les matériaux, aluminium, poutre, bois, PVC... doivent répondre à des normes françaises et/ou européennes. Ce qui engendre des coûts supplémentaires pour les sociétés qui affrètent ces marchandises, le plus souvent depuis la France. "Ça impacte réellement les entreprises, car les réglementations ne sont pas toujours adaptées aux besoins des marchés locaux. Ça a un coût pour les entreprises. À l'inverse, une adaptation de la réglementation pourrait favoriser la production locale" précise Hervé Mariton. "De plus, cela pourrait ouvrir une réflexion locale qui pourrait être enrichie entre les outre-mer sur le 'bâti tropical' et donner des idées sur comment construire avec l'augmentation des températures et comment utiliser des matériaux bio-sourcés."
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 21 Mai 2024 à 16:20 | Lu 1745 fois