Crise de l'eau à Mayotte: l'hôpital craint une vague de malades


Crédit Chafion MADI / AFP
Mamoudzou, France | AFP | jeudi 21/09/2023 - A Mayotte, tous les systèmes de surveillance sanitaire sont en alerte. Les autorités veulent éviter que le manque d'eau potable aggrave la situation de l'hôpital, qui souffre déjà d'un manque criant de bras.

Le département le plus pauvre de France est soumis à sa plus importante sécheresse depuis 1997, alors que son approvisionnement dépend largement des eaux pluviales.

Les déficits pluviométriques y sont aggravés par un manque d'infrastructures et d'investissements dans un territoire qui, sous pression de l'immigration clandestine venue notamment des Comores voisines, connaît une croissance démographique de 4% par an.

Pour y faire face, l'État a intensifié les coupures d'eau ces derniers mois. Depuis quinze jours, la population de cet archipel de l'océan Indien (310.000 habitants au 1er janvier 2023, selon l'Insee) est privée d'eau deux jours sur trois. Les risques sanitaires se multiplient.

"La pénurie d'eau génère une consommation insuffisante et baisse le niveau d'hygiène des habitants", alertait en début de semaine Youssouf Hassani, responsable de la cellule Mayotte au sein de l'agence Santé publique France.

En outre "lors des coupures, le réseau n'est plus sous pression, ce qui peut engendrer une infiltration d'eau contaminée. Par précaution, on demande, à la réouverture du réseau, de faire bouillir l'eau", rappelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, Olivier Brahic.

Mais "nous savons que des personnes vont consommer l'eau sans la faire bouillir", déplore Youssouf Hassani, de Santé publique France. Et certains habitants "peuvent avoir recours aux eaux de surface" de rivières polluées notamment par le lavage du linge, ou encore à "l'eau de pluie", égrène le responsable.

Autre problème: pour faire des réserves lors des coupures, les habitants stockent l'eau dans des bassines ou de grandes poubelles dont la propreté peut laisser à désirer.

Or, à Mayotte, certaines maladies à transmission hydrique sont endémiques.

Santé publique France a relevé 123 cas de fièvre typhoïde en 2022, contre 39 en moyenne habituellement. Les derniers cas de choléra remontent, eux, aux années 2000, mais l'ARS surveille de près une potentielle reprise épidémique, tout comme d'éventuelles suspicions d'hépatite A et de poliomyélite.

Désert médical

A ce stade, les soignants s'alarment surtout d'une vague de gastro-entérite. "L'épidémie est en plein boom, on est complètement sous l'eau", alerte un infirmier du Samu au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui souhaite rester anonyme.

Au sein de l'hôpital de Petite-Terre, l'épidémie de "gastro" ne faiblit pas non plus, estime Jonathan Cambriels, infirmier aux urgences.

Fin août, déjà, "une dizaine de personnes, présentant des troubles digestifs, avec des vomissements, des diarrhées et des déshydratations arrivaient quotidiennement", confie-t-il.

Ces dernières semaines, les ventes d'antidiarrhéiques sont "supérieures à la moyenne des années précédentes", confirme le responsable de Santé publique France, qui précise que les pics des épidémies de 2021 et 2022 ont déjà été dépassés.

L'institut de veille sanitaire observe l'activité globale des urgences et guette une éventuelle surmortalité, semaine par semaine.

Les soignants du CHM redoutent cette hausse des décès en plein "sous-effectif médical", qui ne "s'arrange pas", alerte l'infirmier du Samu. "En pédiatrie, au CHM, il y a six médecins contre quinze habituellement", complète un médecin du service.

Aux urgences, le constat est encore plus alarmant. Le service ne compte que six médecins titulaires pour 32 postes, et fonctionne grâce à des remplaçants, venus parfois seulement pour quelques jours.

Mayotte, qui connaît un fort manque d'attractivité, est le plus grand désert médical de France. Le territoire comptait 86 médecins généralistes et spécialistes pour 100.000 habitants en 2021, contre 339 en métropole.

le Jeudi 21 Septembre 2023 à 04:18 | Lu 226 fois