Crack à Paris: les toxicomanes déplacés à l'abri des regards


Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 24/09/2021 - Ils ont été déplacés de moins de 2 km : les toxicomanes ont été évacués vendredi du quartier des jardins d'Eole, haut lieu de consommation de crack à Paris, soulageant les riverains, mais sans apporter de solution pérenne à cet épineux problème.

Fortement encadrée par la police, l'évacuation s'est déroulée dans le calme et s'est achevée vers 11H30, a constaté un journaliste de l'AFP. 

Une cinquantaine de toxicomanes ont été transportés en cars vers le nord-est parisien, à la lisière d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). 

L'opération a été menée par la préfecture de police (PP) sur instruction du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. 

"Nous avons pris nos responsabilités (...) On ne peut pas avoir un discours pour légitimer la consommation de drogue" a déclaré M. Darmanin au micro de BFM Paris.

Engagé depuis plusieurs mois dans une passe d'armes avec Beauvau, la mairie de Paris a regretté d'avoir été mise devant le fait accompli, tout en saluant cette décision, qui soulage les habitants du quartier.

"J’ai eu la maire de Paris il y a 48 heures" a répondu Gérald Darmanin, en affirmant qu'Anne Hidalgo (PS) avait demandé à la préfecture l'évacuation des abords des jardins d'Eole.

Depuis le 30 juin et l'évacuation, décidée par Anne Hidalgo, des toxicomanes de l'intérieur des jardins d'Eole, ces derniers se sont regroupés en bordure nord du parc, au coin des rues Riquet et d'Aubervilliers.

Dans des conditions précaires, un petit campement de vendeurs et d'accros au crack - dérivé fumable, bon marché et très addictif de la cocaïne - s'est ainsi constitué à ciel ouvert, entraînant dégradation de l'espace public et fortes nuisances pour les habitants.

Cette fois, aucun logement ne se situe à proximité du square de la porte de la Villette où ils ont été regroupés, à quelques encablures du périphérique, a constaté un journaliste de l'AFP.

Pour autant, Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, a souligné le "risque réel" que cette évacuation ne fasse que "déplacer le problème".

"Déplacement de la scène"

"Nous aurions préféré une évacuation mieux coordonnée avec mise à l'abri de type +prise en charge humanitaire+. D'ailleurs nous demandons une réunion urgente des pouvoirs publics compétents (PP, mairie de Paris, préfecture de région, Agence régionale de santé, NDLR) pour faire en sorte que le déplacement de la scène ne reconstitue pas une +colline du crack+ ailleurs", a-t-il ajouté.

Le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, de son côté "n’accepte pas la méthode choisie qui consiste à simplement déplacer le problème aux portes de la Seine-Saint-Denis!".

"La colline du crack", terrain vague près de la porte de la Chapelle (nord de Paris), était devenue le point de fixation des consommateurs et vendeurs de crack de la capitale avant d'être évacué en 2019. 

Les toxicomanes s'étaient ensuite déplacés vers Stalingrad, puis, de nouveau chassés, dans les jardins d'Eole jusqu'au 30 juin.

Les riverains et Emmanuel Grégoire appellent donc à "apporter une solution pérenne" à ce problème, qui affecte le nord-est de Paris depuis des décennies.

Dans un communiqué, le préfet de police Didier Lallement a estimé que l'évacuation, "nécessaire", ne représentait qu'une solution "temporaire", "dans l'attente de la mise en place concrète des salles d'accueil par la mairie de Paris, et du renforcement des prises en charge sanitaires et sociales".

La mairie de Paris souhaite la création de lieux médico-sociaux d'accueil et de repos pour les usagers du crack, afin de tenter de les accompagner vers le sevrage et la réinsertion. 

Elle s'était engagée à en ouvrir un avant l'automne. La mairie a reçu le feu vert le 15 septembre de Matignon qui, après des mois d'impasse, a validé la création de tels lieux, sous réserve d'une offre et d'une localisation adaptées, et sans mentionner la possibilité de consommer sur place.

Le Premier ministre Jean Castex a également arbitré en faveur de la prorogation du dispositif, au-delà de 2022, des salles de consommation à moindre risque (SCMR), dites "salles de shoot", un sujet qui divisait jusqu'au sein du gouvernement. Deux SCMR existent actuellement en France, l'une à Paris, l'autre à Strasbourg.

le Vendredi 24 Septembre 2021 à 05:54 | Lu 304 fois