Covid, obligation vaccinale, barrages...le CHU de Martinique au bord de l'implosion


ALAIN JOCARD / AFP
Fort-de-France, France | AFP | jeudi 02/12/2021 - "Tout a lâché": en Martinique, le centre hospitalier universitaire (CHU) fortement touché par la pandémie de Covid est au bord de l'implosion après une semaine de conflits sociaux et de barrages qui paralysent l'île.

"Tout a lâché. Les médecins lâchent, les soignants lâchent, on ne sait même plus ce qu'on doit faire", souffle épuisé à l'AFP le chef des urgences Yannick Brouste.

Avant d'être accepté à l'hôpital, les patients sont testés. Ce matin-là, c'est "le rush". Un homme porte un bandage sur l'oeil, un autre sur un genou ensanglanté, deux femmes attendent le résultat du test, chacune allongée sur un brancard, trois camions de pompiers amènent déjà d'autres patients.

Il fait 30 degrés, le personnel soignant enchaîne les tests antigéniques. "Négatif, c'est bon !", lance une infirmière à des pompiers qui s'empressent de transporter le malade à l'intérieur. 

"Certains refusent le test, d'autres nous insultent", raconte Yannick Brouste qui constate une nouvelle hausse des cas positifs au Covid depuis une dizaine de jours alors que "le Covid n'a jamais vraiment baissé en Martinique", frappée par une violente vague cet été.

En 24 heures, 99 cas de Covid ont été confirmés, 107 personnes hospitalisées et 32 patients sont en soins critiques, selon la préfecture.

Mais il y a aussi les autres pathologies. "Le service est plein de +non Covid+, je ne peux pas faire les deux", explique le chef des urgences, masque sur le nez et cernes sous les yeux.

A cela s'ajoute le conflit social que connaît la Martinique depuis plus d'une semaine sur fond de refus de l'obligation vaccinale pour les personnels et soignants et qui paralyse l'île.

"Racketté deux fois"

"Dès que vous entravez le système de santé, des gens se mettent à mourir", déclare à l'AFP Hosseim Mehdoui, chef du pôle réanimation. Dans ce service, les lits réservés aux "cas Covid" sont aujourd'hui tous occupés.

Les alarmes ne cessent de sonner de leurs "bips" stridents alors que le personnel soignant gardant sa sérénité, enchaîne les gestes précis. Au dessus des masques des infirmières et infirmiers, dont certains venus en renfort de Métropole, les yeux laissent toutefois percevoir la lassitude.

"Le personnel est fatigué", explique le professeur Mehdoui. "En ce moment c'est un peu compliqué de travailler en ne sachant pas qui sera là demain", explique-t-il, lui-même n'ayant pu venir le matin à cause d'un barrage. 

Yannick Brouste a déjà mis trois heures pour venir travailler et deux heures pour rentrer chez lui le soir, à cause des barrages. "En une semaine je me suis fait racketter deux fois", ajoute-t-il expliquant que le personnel féminin "a peur".

Marine, 26 ans, infirmière en réanimation, a mis trois heures pour rejoindre le CHU, au lieu de 25 minutes habituellement et reconnaît "ne pas savoir ce qui peut se passer sur la route ce soir". "Je ne suis pas rassurée", dit-elle.

L'hôpital a bien mis en place un système de chambres pouvant accueillir le personnel qui ne souhaite pas prendre la route le soir mais "c'est une période où on n'a pas envie de rester seule mais de retrouver nos proches", explique Marine.

Pour le directeur adjoint du CHU, Stéphane Bernias, l'épuisement du personnel s'explique par plusieurs facteurs : un absentéisme "qui monte en flèche depuis septembre, passant de 9% à 12%", "un impact de la mise en place du contrôle de l'obligation vaccinale des soignants, avec des gens en droit de retrait ou en grève" et "le contexte social et les barrages qui font que le personnel motivé, encore présent se retrouve en difficulté, en stress".

"On arrive aux limites du supportable", estime Yannic Brouste qui souligne que les soignants ne sont pas les seuls à ne pas pouvoir circuler: huit conteneurs de matériel pour l'hôpital sont bloqués au port. "Tout est touché", s'agace-t-il, n'excluant désormais plus "de partir".

le Jeudi 2 Décembre 2021 à 03:19 | Lu 1234 fois