Covid : Ces morts qu'on ne compte pas


Tahiti, le 26 août 2021 – Alors que la seconde vague de Covid en Polynésie a déjà causé un nombre de décès sans précédent, les entreprises funéraires et les autorités sanitaires confirment que d'autres morts de l'épidémie "à domicile" sont à déplorer sans être nécessairement comptabilisés dans le bilan officiel.
 
Depuis deux semaines, le nombre de décès liés au Covid recensés quotidiennement par le bulletin épidémiologique oscille entre 10 et 25. Un chiffre qui prend uniquement en compte les décès constatés dans les structures hospitalières publiques et privées du fenua. Mais il apparait aujourd'hui que ce triste bilan est encore en dessous de la réalité.
 
En effet, plusieurs entreprises funéraires constatent également ces dernières semaines une augmentation substantielle du nombre de décès à domicile. Des décès parfois directement liés au Covid mais non comptabilisés dans le bilan officiel, confirme Poussy Timau, thanatopractrice au sein de l'entreprise funéraire Min Chiu. “La semaine dernière, on a eu environ 25 décès à gérer par jour, uniquement du coté de Min Chiu. Parmi ces décès, 90% sont des cas Covid. Sur les 25 décès annoncés mercredi, il y en avait réellement beaucoup plus… C'est quasiment autant de décès à domicile sur la même journée”.
 
Contactées, les autorités sanitaires du Pays confirment l'information. Une réunion s'est d'ailleurs tenue cette semaine au haut-commissariat, durant laquelle les professionnels du secteur ont alerté sur cette situation. Et il ne fait que peu de doutes pour ces autorités que ces décès supplémentaires -dans le contexte d'une crise sanitaire sans précédent au fenua- sont liés à l'épidémie et échappent donc aux statistiques officielles. Le bilan, déjà lourd, de 226 morts recensés depuis le début de la seconde vague ne reflète hélas même pas à lui seul la gravité de l'épidémie.
 
"On essaie de gérer au mieux"
 
Du côté des services funéraires, le rythme est effréné. Déjà habituellement disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les professionnels s'avouent aujourd'hui “surchargés, débordés et épuisés”, poursuit Poussy Timau. “On a énormément d'inhumations et de décès à traiter par jour. On demande aux familles de patienter car on essaie de gérer au mieux. Mais les démarches administratives sont longues et les papiers ne sont pas toujours prêts tout de suite”.
 
Ces démarches administratives évoquées par la thanatopractrice ont été largement débattues jeudi matin à Papeete, à l'occasion d'une rencontre entre la mairie de la commune et les différentes sociétés funéraires de la zone urbaine. Les responsables des pompes funèbres présents ont formulé une requête commune : alléger la procédure pour acquérir l'acte de naissance d'une personne décédée, un document indispensable pour constituer une déclaration de décès. Cet acte, c'est la mairie de la commune de naissance du défunt qui le détient.

Or, les mairies sont régies par une réglementation qui ne leur permet pas de transmettre ce document directement aux pompes funèbres, “mais uniquement aux ayants droit, c’est-à-dire la famille”, précise Poussy Timau. “Aujourd'hui, on a demandé à la mairie d'être plus flexible, en sachant qu'un bon pourcentage de la population est née à Papeete”. En temps de crise sanitaire, les sociétés funéraires espèrent une procédure exceptionnelle pour tenter de désengorger leurs services respectifs. “Les décès sont souvent déclarés dans la nuit et nous devons attendre l'ouverture des bureaux des mairies le lendemain matin”. Ce traitement au cas par cas avec les différentes mairies fait perdre un temps précieux aux services funéraires, “retardés” dans leur mission.
 
Une mesure pour désengorger
 
Mercredi, une réunion entre les maries et le haut-commissariat a débouché sur la mise en place d'une mesure exceptionnelle allant dans ce sens. Ainsi, l'état civil de Papeete assurera une astreinte pour traiter les appels de la mairie de Pirae du vendredi au lundi entre 14h30 et 7h et de 15h30 à 7h le reste de la semaine. À la suite de la réception du certificat de décès et de la procuration de famille, l'état civil délivrera les actes de naissance des défunts nés à Papeete et facilitera ainsi le travail des pompes funèbres. La réactivité avec laquelle sont transmis les actes de naissance est primordiale dans l'objectif de désengorger ces services funéraires saturés. L'acte de naissance permet la création de la déclaration de décès qui, à son tour, autorise la production d'un permis d'inhumer. C'est seulement à ce moment-là que le cercueil du défunt peut être acheminé vers le cimetière.

Un conteneur réfrigéré pour les défunts de Papeete

Jeudi matin, la mairie de Papeete a présenté aux responsables des différents services funéraires une convention détaillant les modalités de fonctionnement du conteneur réfrigéré installé sur le parking du cimetière de l'Uranie. Ce dépositoire, mis à disposition gratuitement pour les pompes funèbres comme pour les familles, sera réservé à l'accueil de défunts bien précis : “C’est un conteneur pour les résidents de Papeete décédés du Covid également dans la commune”, indique Poussy Timau. La mairie a précisé qu'un cercueil ne pourra rester plus de 48 heures dans le conteneur.

C'est un renfort non négligeable pour les services funéraires, confrontés ces derniers jours à un nombre de décès record. “On a un problème au niveau de l'entreposage des cercueils dans l'attende de l'inhumation. Les communes et les mairies n'ont pas mis à disposition des containers réfrigérés pour pouvoir “stocker” les défunts morts du Covid. La mairie de Papeete est la première à le faire”.

Un conteneur réfrigéré peut accueillir jusqu'à huit cercueils en simultané. Les services funéraires de Papara, ainsi que les pompes funèbres Min Chiu en possède chacun un tandis que le CHPF en compte désormais trois. Ce conteneur réfrigéré de l'Uranie est opérationnel et n'attend plus que la signature de la convention par les services funéraires pour apporter leur soutien. Il y aura alors 48 emplacements de disponibles à Tahiti pour l'accueil de cercueils Covid.

Rédigé par Etienne Dorin le Vendredi 27 Aout 2021 à 16:37 | Lu 10620 fois