Covid-19: faut-il ouvrir la porte au masque à la maison?


Paris, France | AFP | vendredi 06/11/2020 - Après les lieux fermés publics puis la rue, des professionnels de santé plaident pour qu'on porte carrément le masque à la maison afin de freiner l'épidémie de Covid-19. Mais d'autres médecins jugent cette idée "extrême" et "déconnectée de la réalité".

On peut lutter contre la deuxième vague "en respectant les gestes barrières, en mettant le masque, y compris chez soi, en faisant chacun tous les efforts qu'il faut", a déclaré le Premier ministre Jean Castex, dimanche soir sur TF1.

"Moi, j'ai commencé à essayer de mettre le masque dans l'univers familial", a assuré jeudi sur LCI Gilles Pialoux, chef du service maladies infectieuses de l'hôpital Tenon à Paris, qui, en tant que soignant, est particulièrement susceptible de ramener le virus chez lui.

"Je sais qu'il y a des gens qui disent +mais attends, c'est n'importe quoi+, mais j'ai commencé à le faire. J'ai des enfants de tout âge, c'est compliqué, c'est contraignant, il faut s'organiser, mais on est dans une situation où il faut être innovant", a-t-il poursuivi.

De son côté, William Dab, ancien Directeur général de la Santé (le n°2 du ministère), a conseillé sur BFMTV que les élèves "gardent le masque quand ils rentrent à la maison" et que les membres de la famille ne mangent pas en même temps pour éviter de se côtoyer le visage découvert.

"Choix délicat"

"Ma position n'est pas le port du masque systématique à la maison", a-t-il toutefois nuancé jeudi dans le journal Le Monde. "C'est à chaque famille de décider, c'est un choix délicat entre le besoin affectif et le besoin sanitaire".

"La représentation dominante est qu'il n'y a pas de problème à la maison, où on a le sentiment d'être protégé. Ce n'est pas vrai", a toutefois prévenu William Dab.

C'est ce que montre une étude publiée le 30 octobre par les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC). Elle conclut que la transmission du nouveau coronavirus "entre les membres d'un même foyer est fréquente, que ce soit par les enfants ou les adultes".

Sur 191 personnes qui vivaient avec un individu infecté, plus de la moitié (102, soit 53%) a été contaminée.

Les chercheurs américains recommandent donc le masque à la maison pour toute la famille dès qu'une personne du foyer a des symptômes. Mais le porter systématiquement même sans symptômes, c'est aller encore plus loin.

"C'est vraiment la solution extrême, alors qu'il y a tellement d'autres choses qui ne sont pas faites", dit à l'AFP le Dr Michaël Rochoy.

"Culpabilisant"

Ce généraliste est l'un des fondateurs du collectif Stop-Postillons, qui a insisté très tôt, dès mars, sur l'utilité du port du masque par la population, bien avant que les autorités sanitaires ne le conseillent.

Mais préconiser son port à la maison si on n'a pas de symptôme, c'est "être complètement déconnecté de la réalité", juge celui qui est pourtant un ardent défenseur du masque.

"C'est culpabilisant, ça revient à dire +Vous vous contaminez dans vos familles+. Mais si on ramène le virus dans la famille, c'est qu'on s'est contaminé à l'extérieur", ajoute-t-il.

Il faut donc faire "le maximum en dehors" pour "pouvoir vivre normalement à la maison, au sein de la famille": "C'est le dernier endroit que tout le monde voudrait protéger", estime le Dr Rochoy.

Selon lui, le masque à la maison est en revanche pertinent si on a des symptômes, s'il y a une personne à risques dans la famille ou si on va voir des grands-parents.

Un deuxième collectif de médecins auquel il appartient, Du côté de la science, réclamait de longue date le masque dès l'école primaire, mesure finalement entrée en vigueur cette semaine. Ce collectif appelle en outre à un protocole renforcé dans les écoles et à davantage de télétravail.

le Vendredi 6 Novembre 2020 à 05:24 | Lu 240 fois