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Covid-19, cinq ans déjà


Covid-19, cinq ans déjà
Tahiti, le 13 mars 2025 - Tout est allé vite, si vite. Alors que la Polynésie française surfait sur une confiance et un tourisme retrouvés après des années marquées par les bascules politiques récurrentes et une crise économique conséquente, le Covid s’est invité et a tout chamboulé. Cinq années se sont écoulées depuis la détection du premier cas en Polynésie française en mars 2020 et Tahiti Infos a fait le choix aujourd’hui de redonner la parole à quelques-uns des acteurs de la lutte qui s’est alors mise en place. Du médecin urgentiste qui a vu la situation se dégrader, à l’ancien président du Pays qui revient sur ces années de “sauve-qui-peut” mais aussi les erreurs commises. Un choix peu évident que de regarder dans le rétroviseur sur ces années difficiles, ou chacun a perdu un proche, ou plusieurs. Un choix rendu encore moins évident à l’heure du grand n’importe quoi des réseaux sociaux, des théories complotistes plus farfelues les unes que les autres propagées par ceux qui pensent que crier en meute une ineptie lui donnera force de vérité.

 
Né en Chine, d’une origine incertaine allant de la fuite de laboratoire jusqu’à la mutation après transmission de l’animal à l’homme, le Sars-CoV-2, ou Covid-19, a parcouru la planète en un temps record, semant la mort ; près de 7 millions de décès connus dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé, dont les estimations officieuses oscillent entre 19 et 35 millions.

En Polynésie française, le premier cas était recensé le 10 mars 2020, un mois et demi après les premières mesures mises en place : adoption des gestes barrières, procédure d’identification et de prise en charge des cas suspects, règles d’hygiène et de sécurité dans les établissements de santé et administratifs et, plus globalement, au sein de la population, suspension des missions à destination et en provenance de l’international, et isolement à domicile des personnes revenant d’une zone géographique à risque pour une période de quatorze jours.

Le 18 mars, le plan blanc était activé à l’hôpital de Taaone pour se préparer à une arrivée que chacun savait inéluctable. Le 20 mars déjà, 15 cas étaient confirmés, dont un qui requerrait une hospitalisation en observation. Alors que la France était entrée en confinement le 16 mars, la Polynésie française suivait quatre jours plus tard. “La France est en guerre”, prévenait le président de la République.

Le 3 avril, les liaisons intérieures aériennes étaient stoppées et chacun attendait le pire. Mais rien. Loin des premières images inquiétantes en Europe et aux États-Unis, le Fenua passait entre les gouttes. Le 13 mai, les premières mesures d’allégement du confinement intervenaient. Seuls 60 cas avaient été recensés, sans décès, ni hospitalisation.

Alors que la Polynésie respirait, un peu, dans les établissements de santé, les médecins, urgentistes, aides-soignants, infirmiers, agents d’hygiène et d’entretien, ambulanciers, brancardiers, membres de l’administration et direction, les cliniques, la Direction de la santé, les laboratoires et le secteur libéral restaient en état d’alerte. Quelques mois de répit étaient offerts.

Les premiers morts

En septembre 2020, le Covid faisait son retour, et son premier mort était à déplorer. Une dame âgée de Vaitavatava, porteuse de plusieurs pathologies aggravantes. Les clusters étaient pourtant traqués, comme celui du restaurant le Piment rouge où une soirée avait fait beaucoup parler. Pour autant, pas de confinement au programme. “Un confinement, comme nous l’avons vécu en avril dernier, serait un nouveau blocage de la vie quotidienne dans notre pays : arrêt du travail, arrêt des déplacements, arrêt de nos écoles, des cultes… ce serait une catastrophe économique et sociale pour tous les Polynésiens”, déclarait le président Édouard Fritch fin octobre 2020.

141 personnes allaient perdre la vie entre septembre 2020 et mars 2021. Entre-temps, les frontières ont été fermées en février et finalement un second confinement était mis en place sur insistance du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu.

Suite à une nouvelle accalmie, les frontières étaient rouvertes le 1er mai 2021 et les touristes américains, avec un protocole sanitaire strict, revenaient tout doucement. Les premiers vaccins, qui ont de suite rencontré l’opposition d’une partie de la population et des différents cultes, étaient ouverts à tous les Polynésiens âgés de 16 ans ou plus. Seuls 18% de la population étaient vaccinés en mai. À peine 28% en juillet, quand le variant Delta s’est installé.

L’incendie

Début juillet 2021, la situation allait dégénérer. Diagnostiqué porteur du variant Delta après son arrivée à l'aéroport de Tahiti-Faa'a, un voyageur non vacciné, ne respectait pas son isolement de dix jours, ni les tests à J+4 et à J+8. L'enquête de “contact tracing” tentait d'éteindre l'incendie mais le mal était fait.

Malgré quelques mesures mises en place – confinement les week-end, couvre-feu, etc. – très contagieux, le variant s’est répandu comme une traînée de poudre. En l’espace d’un mois, plus de 200 personnes par jour étaient contaminées, et ce n’était que le début.

La suite… Chacun la connaît, chacun l'a vécue, dans sa chair, dans son âme. 649 personnes sont décédées de complications liées au Covid-19 au Fenua.

Il y a tout juste cinq ans, la Polynésie, comme le reste du monde, n’était pas prête à affronter le Covid. Viennent alors ces mots récents de la journaliste canadienne Isabelle Hachey : “Il reste que l’ennemi, ce n’étaient ni les autorités sanitaires, ni les politiciens, ni les scientifiques, ni les journalistes. L’ennemi, c’était un virus. À l’heure des bilans, ce serait bien qu’on s’en souvienne. Plutôt que de chercher à réécrire l’histoire de la pandémie, rendons hommage, pour une fois, à notre solidarité, à notre résilience et à nos morts.”

Rédigé par Bertrand PREVOST le Vendredi 14 Mars 2025 à 09:34 | Lu 829 fois