Coupe du monde : "C’est impressionnant d’être en face de ces joueurs"


Le jeu de la Croatie m’a impressionné : son pressing haut, sa transition rapide de la défense à l’attaque, etc.
PAPEETE, le 19 juillet 2018. Norbert Hauata, arbitre FIFA originaire de Moorea, est revenu au fenua après avoir officié en tant qu’arbitre durant la coupe du monde de football en Russie. Il revient sur les temps forts de cet événement mondial.

Quel était alors ton rôle en tant que quatrième arbitre durant la coupe du monde ?
En tant que quatrième arbitre, on gère la surface technique, c’est-à-dire les bancs de touche, les remplacements, le comportement des coachs. On fait un rappel à l’ordre aux coachs quand leur comportement dépasse la limite du raisonnable. Après, il ne faut pas aussi être trop sévère non plus. Leur réaction est un peu normale au vu de la pression lors de la coupe du monde. C’est seulement quand ils dépassent les limites qu’on intervient tout en étant diplomatique et respectueux.

Lors des matchs, quelles étaient tes relations en tant que quatrième arbitre avec les autres hommes en noir ?
On communique tout le temps étant donné qu’on a des oreillettes. Même quand l’arbitre central court, on discute sans cesse. Par exemple, je peux le replacer sur le terrain, je lui préviens quand il y a une faute qu’il n’a pas vue ou je lui indique s’il y a penalty ou pas. Mais je donne juste mon opinion, c’est lui qui prend la décision finale sur le terrain. Mais cela dépend aussi des arbitres. Lors du match Argentine-Croatie, l’arbitre central n’aimait pas trop qu’on lui parle. Mais à l’issue du match Argentine -Panama, l’arbitre français Clément Turmin, qui était au centre, m’a remercié plusieurs fois de lui avoir donné de bonnes consignes. En fait, si le quatrième arbitre intervient beaucoup, l’arbitre central ressent moins de pression et se sent plus à l’aise.

Est-ce que le fait d’arbitrer à Tahiti ainsi qu’à Moorea ne pénalise pas ta performance dans ce genre de tournoi ?
Je dirais qu’arbitrer une coupe du monde de football est plus facile qu’arbitrer à Moorea ou à Tahiti. Les joueurs professionnels jouent techniquement avec un jeu posé et propre tandis que chez nous, il y a beaucoup de déchets dans le jeu. On fait même n’importe quoi sur le terrain. On se croit plus professionnel que les professionnels. En plus, ça leur est égal aux joueurs du fenua de recevoir un carton vu que c’est beaucoup moins cher qu’en métropole. Les joueurs d’ici se disent que ce n'est pas grave de recevoir un carton vu que c’est le club qui paye.
Concernant les règles du jeu, ce sont les mêmes en Russie qu’aux iles Tuamotu. Pour réussir dans l’arbitrage de haut niveau, il faut travailler très dur sur ses entrainements, son comportement, son alimentation, sa concentration… Lors des séances pratiques des arbitres, j’essaie à chaque fois d’acquérir les points que les autres ont de plus.

En tant qu’arbitre, as-tu ressenti de la pression lors de cette coupe du monde?
On ressent plus de la pression par rapport au staff de la FIFA. Dès que tu arrives à l’hôtel en Russie, tu sais que le staff de la FIFA examine ton comportement partout où tu vas. Dans un match aussi, tu essayes d’être au top sur tout ce que tu fais. C’est seulement en rentrant à l’hôtel que tu souffles un peu. Ça ne rigole pas là-bas, car c’est le haut niveau. Mais, on s’entraine tous les jours pour être au top niveau. Par rapport aux spectateurs ou aux téléspectateurs, je ressentais plus de l’émotion que de la pression. La même émotion que ressentirait un footballeur lors d’un match. Surtout quand on passe de 100 spectateurs en Polynésie à 80 000 spectateurs en Russie.




Préparation du match Angleterre Panama au mondial
Une photo de toi en face de Lionel Messi (match Nigeria-Argentine) a fait le buzz sur les réseaux sociaux en Polynésie française. Es-tu impressionné d’arbitrer ces grands joueurs ?
C’est vrai que c’est impressionnant d’être en face de ces joueurs connus dans le monde entier. Mais on doit rester professionnel en cachant nos émotions. C’est seulement en rentrant dans sa chambre à l’hôtel qu’on peut se dire : « waouh, j’ai serré la main de Messi », mais pas avant.
D’ailleurs Collina Pierluigi et Massimo Bussaka, les responsables de l’arbitrage, m’ont félicité pour ce match. Mais c’est quand même une fierté d’avoir fait le tour des réseaux sociaux en Polynésie, non pas pour ma photo, mais pour les commentaires des amis. Ils m’ont même dit que j’étais plus célèbre qu’Edouard Fritch.

Que penses-tu de l’arbitrage vidéo qui a été utilisé lors de cette coupe du monde ?
Il y a eu des points positifs et des points à améliorer. Le deuxième point concerne, non pas la vidéo en elle-même, mais ceux qui la visionnent. Dans les matchs de poules, il y a eu des fautes non signalées comme des penaltys ou des accrochages dans la surface de réparation. Mais la FIFA a vite rectifié le problème en en discutant avec les arbitres. Cela s’est ensuite amélioré lors de la phase finale. Mais dans l’ensemble, l’utilisation de la vidéo a été une chose positive selon moi.

Quelles sont les équipes qui t’ont impressionné lors de ce mondial ?
J’ai aimé la Belgique. Mais c’est surtout le jeu de la Croatie qui m’a impressionné : son pressing haut, sa transition rapide de la défense à l’attaque, etc. Je suis content, en tant que français, que la France gagne. Mais ils ne m’ont pas vraiment séduit durant cette coupe du monde. A mon avis, la Croatie méritait de gagner, mais la France a eu plus de réussite que la Croatie. C’est ça le football.

Rédigé par Toatane Rurua le Jeudi 19 Juillet 2018 à 10:59 | Lu 8355 fois