Coup de rabot sur les retraites


PAPEETE, le 5 mai 2014 – Une nouvelle réforme des retraites pour la tranche A conduit à un changement important du mode de calcul des pensions pour les retraités, beaucoup moins favorable que le précédent. La CPS prépare maintenant une réforme de la tranche B pour les hauts salaires.

Les cotisants qui se préparent à partir en retraite en cette année 2014 vont devoir sortir leur calculatrice : une nouvelle réforme applicable immédiatement modifie le calcul des pensions de la tranche A, celle qui concerne tous les revenus inférieurs à 254 000 Fcfp.

Pour déterminer le montant de sa pension un futur retraité doit d’abord établir son salaire moyen de référence, qui sera ensuite ajusté en fonction de différents abattements. Et c’est directement à cette base que s’attaque la réforme. Depuis le 1er mai, pour calculer ce salaire de référence il faut prendre la moyenne des rémunérations soumises à cotisation des 120 meilleurs mois (10 ans) tirés de ses 180 derniers mois (15 ans) d’activité. Le système précédent permettait de calculer son revenu de référence en prenant les 60 meilleurs mois (5 ans) des 120 derniers mois (10 ans) d’activité du cotisant. En résumé, c’est la moyenne de vos 10 meilleures années de salaire qui sera utilisée, au lieu de se baser sur vos cinq meilleures années. Puisque les plus hauts revenus d’un salarié sont généralement réalisés en fin de carrière, la plupart des nouveaux retraités vont constater une baisse de leur pension avec ce nouveau mode de calcul.

Après que ce revenu moyen a été calculé, il faut maintenant inclure les abattements. Pour un travailleur ayant cotisé 35 ans, quel que soit l’âge où il partira à la retraite, il aura droit au taux plein. Il lui suffit de multiplier son salaire moyen de référence par 70% pour déterminer sa pension de base brute. Pour tout départ sans ces 35 annuités, la pension sera baissée au prorata des années manquantes (2 points de moins par année manquante), et le cotisant s’expose à des abattements supplémentaires s’il arrête de travailler avant 60 ans.

La fin des départs anticipés

Car en plus de cette réforme concernant le montant du salaire moyen de référence, un sérieux rabotage va être effectué sur les départs anticipés dès le 1er juin 2014. L’ancien système, très avantageux par rapport à ses équivalents en Nouvelle Calédonie et en Métropole, permettait de partir à la retraite avant 60 ans avec de faibles décotes (par exemple 15% de moins pour un départ avec 5 ans d’avance par rapport à l’âge légal de 60 ans). Mais l’abattement passe de 0,75% à 2% par trimestre manquant. Cela représente donc 8% par année d’avance au lieu de 3%, du coup un salarié qui voudrait partir à 55 ans mais qui n’a pas ses 35 années de cotisation devra en plus subir une amputation de sa retraite de 40%.

Avec cette mesure, le régime des départs anticipés en Polynésie devient d’un seul coup l’un des moins favorables de France. Un retraité de moins de 60 ans deviendra donc une chose rare dans nos îles. Cette décision est assumée par Luc Tapeta, président de la CPS : « C’est un souci d’équité, quelqu’un qui partait à la retraite à 50 ans emportait beaucoup plus du régime que quelqu’un qui partait à 60 ans, à cause de l’augmentation de l’espérance de vie. Il ne faut pas essayer de comparer avec les autres, il faut voir l’impact que ça sur notre régime. C’est vrai que si on avait fait ces changements il y a longtemps, on ne serait pas obligé d’en arriver là. » Il précise tout de même que les dispositifs concernant les travaux pénibles, qui permettent de partir en retraite plus jeune dans certains cas, sont conservés.

La tranche B sera aussi touchée

Cette réforme se consacre pour l’instant à la Tranche A, mais les hauts salaires ne seront pas épargnés. La CPS prépare déjà la réforme de la tranche B, qui sera négociée entre partenaires sociaux après le renouvellement du conseil d’administration de la CPS fin mai. Mais selon Luc Tapeta « les discutions sur la tranche A ont été longues et laborieuses donc on s’est concentré dessus, car ça concerne tout le monde, c’était le plus gros morceau. »

C’est par arrêté du conseil des ministres que la controversée réforme des retraites a finalement été passée par le gouvernement le 2 avril 2014. La méthode peut sembler cavalière, mais on se souvient que les dernières tentatives de réforme par la voie législative ont systématiquement été attaquées devant le conseil d’Etat. La dernière en date, celle de juillet 2012, a été retoquée en juin 2013 pour vice de forme lors des débats. Mais cette réforme devrait être approuvée à posteriori dans le prochain collectif budgétaire.

Hausse de l’assiette et du taux de cotisation

Depuis le 1er janvier 2014, le plafond de l’assiette des cotisations a été passé de 246 000 Fcfp par mois à 254 000 Fcfp pour la tranche A, et de 492 000 Fcfp à 508 000 Fcfp pour la tranche B. Cette assiette augmentera désormais de 0,5% par an. A la même date, les taux de cotisation ont été augmentés de presque 1,4 point pour passer à 18,15%, un an à peine après une augmentation du même ordre de grandeur. Mais Luc Tapeta prévient : « le taux de cotisation va continuer d’augmenter, à défaut de pouvoir augmenter l’assiette. La seule chose qui permettrait de l’éviter serait une très forte augmentation des emplois. »

L'exemple d'un retraité de la distribution

Prenons l’exemple d’un salarié de la distribution, sans aucun bonus ou particularité spéciale, qui a commencé à travailler à 25 ans et qui à 55 ans gagnerait 220 000 Fcfp bruts par mois (188 000 Fcfp nets). Nous prenons pour base qu'il bénéficie tous les ans d'une augmentation de 2000 Fcfp. Ces calculs sont très approximatifs, mais servent à donner une idée de l’échelle :

Pour obtenir le montant de la pension nette, il faut encore retirer aux chiffres bruts le montant des cotisations à l'assurance maladie et la CST.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 5 Mai 2014 à 13:59 | Lu 5434 fois