Coup de frein sur le télétravail, dans l'attente de nouvelles règles


Paris, France | AFP | mercredi 09/09/2020 - Après plusieurs mois de télétravail forcé pendant la crise sanitaire, nombre d'entreprises rappellent leurs employés dans leurs locaux, suscitant une certaine incompréhension, et tentent de négocier des accords pour trouver la juste dose de travail à distance.

Si seulement un quart des salariés travaillaient sur site fin mars, ils étaient déjà 50% fin mai. Fin juillet, le télétravail, en plein essor avec le confinement, ne concernait plus qu'un salarié sur dix, selon les dernières données du ministère du Travail.

"Pour la rentrée, on a reçu comme consigne (de faire) un jour de télétravail par semaine", "une injonction très contradictoire" alors que les gestes barrières doivent être respectés et les réunions physiques évitées. C'est même "un peu démotivant", témoigne Damien (prénom modifié), interrogé par l'AFP.

Pour ce quadragénaire qui encadre une petite équipe dans le domaine informatique au sein d'une filiale d'EDF, septembre a donc sonné le retour au régime ante-Covid, après du télétravail à 100% pendant le confinement et un retour très progressif ensuite, au siège situé à la Défense.

Cette annonce a fait l'effet d'une "douche froide" et "les gens râlent un peu", confie ce Parisien qui passe 1H30 en moyenne quotidiennement dans les transports en commun.

"Quelques équipes ont dû perdre un peu pied" pendant le confinement et "pour éviter de faire des cas particuliers, l'entreprise fait des règles générales", avance-t-il en notant que, "du côté du top management, il y a une volonté de recadrage et de ne pas aller trop vite sur le sujet".

Car si beaucoup ont apprécié le télétravail en termes de gain de temps dans les transports et d'équilibre des temps de vie, d'autres, parmi lesquels des responsables d'équipe, émettent des réserves.

"A haute dose, il y a une difficulté supplémentaire à faire travailler ensemble des personnes qui sont là et d'autres absentes physiquement, cela crée des disparités de traitement auxquelles il faut faire attention. On perd aussi en intelligence collective, en richesse, en créativité, c'est moins stimulant", liste Alexandra (prénom modifié) dans le secteur de la presse.

Aujourd'hui, les administrations publiques reviennent à "un fonctionnement quasi-normal", indique à l'AFP Johann Theuret, président de l'association des DRH des grandes collectivités. Avec un changement notable: "des demandes massives de un à deux jours par semaine de télétravail, appuyées par les directions des ressources humaines".

"Pour certains managers, c'est comme si c'était la fin de la récré", un discours qui peut heurter les salariés mobilisés pendant le confinement, souligne Christophe Nguyen, psychologue du travail et cofondateur d'Empreinte Humaine.

"Pas de retour en arrière"

Selon un sondage OpinionWay réalisé fin mai pour ce cabinet de conseil aux entreprises, 85% des télétravailleurs souhaitent conserver la possibilité de faire du télétravail mais une majorité veut aussi plus de règles pour l'encadrer.

"Il n'y a pas de retour en arrière possible, les salariés ont été bousculés". Si les entreprises n'intègrent pas leurs nouvelles aspirations, "elles risquent de faire face à un désengagement", prévient M. Nguyen.

Les partenaires sociaux doivent décider vendredi s'ils lancent la négociation d'un accord national interprofessionnelle (ANI), souhaitée par les syndicats.

Dans de nombreuses entreprises, comme le constructeur automobile PSA ou le gestionnaire d'aéroports ADP, direction et syndicats ont déjà entamé, ou vont lancer, des négociations pour s'accorder sur les règles du télétravail.

Avec un premier accord sur le télétravail signé en 2009, Orange a un certain "recul" sur le sujet, explique à l'AFP Martine Bordonné, directrice Télétravail et Nomadisme du groupe.

En France, avant le Covid, 36.000 salariés (environ 39% des effectifs éligibles) bénéficiaient régulièrement ou occasionnellement, sur la base du volontariat et via un avenant au contrat de travail, de trois jours de télétravail maximum par semaine.

Depuis le 1er septembre, ce régime est maintenu mais "une mesure de +télétravail élargi+ permet aux salariés qui ne l'avaient pas expérimenté et à ceux qui ne télétravaillaient qu'une demi-journée ou un jour par semaine, de le faire jusqu'à deux jours par semaine", selon Mme Bordonné.

"C'est un équilibre à trouver entre l'apprentissage individuel et le travail des managers, garants de la cohésion des équipes", souligne la directrice.

le Mercredi 9 Septembre 2020 à 06:16 | Lu 374 fois