Cosmétique et réforme dans le tourisme


Tahiti, le 21 août 2024 - Il sera beaucoup question de tourisme ce jeudi à l'assemblée. Sur les sept textes qui seront étudiés, trois projets de loi du Pays concernent ce secteur qui doit s'adapter et se réinventer s'il veut atteindre l'objectif fixé par Moetai Brotherson de 600 000 touristes par an d'ici dix ans. Le gouvernement vient donc réformer la règlementation en matière d'hébergement touristique et réviser le dispositif d'aide aux pensions de famille.
 

Avant de réussir à attirer 600 000 touristes par an en Polynésie d'ici dix ans, un objectif plus raisonnable et plus atteignable de 280 000 touristes a été fixé par le Pays pour 2027. Jouable quand on sait qu'ils étaient 261 813 en 2023. Encore faut-il s'en donner les moyens. Car on le sait, si le tourisme reste le premier moteur économique de la Polynésie, le manque de clés représente le principal frein à son développement. Ce n'est pas nouveau. On pourrait d'ailleurs s'étonner de la suppression du dispositif de défiscalisation octroyé par le Pays aux hôtels qui en profitaient pour investir dans la rénovation ou l'extension de leurs établissements. Mais c'est un autre sujet. Du moins ce n'est pas celui-ci qui sera débattu ce jeudi à l'assemblée.
 
Les élus sont en effet invités à étudier et adopter trois textes. Ils concernent la règlementation en matière d'hébergement touristique en Polynésie, le dispositif d'aide à la création, la rénovation et l'extension des pensions de famille. Et de manière plus large, “le pilotage et la déconcentration de la politique touristique en Polynésie française”. Pour rappel, l'idée était de donner un cadre juridique aux comités de tourisme existants (27 dont 17 sont agréés) et à venir (6) afin de les structurer et les professionnaliser pour que d'ici 2027, ils deviennent autonomes notamment sur le plan financier. Il était également prévu la signature, dès 2024, d'une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens d'une durée maximale de trois ans entre chaque comité et le Pays.
 
Création d'une nouvelle catégorie : les chambres d'hôtes
 
Mais force est de constater qu'un an après son adoption, ce texte n'a pas encore permis la professionnalisation souhaitée au départ. Il convient donc de corriger le tir en venant ici “simplifier l'action des comités de tourisme en supprimant le caractère pluriannuel des conventions”. Il est ainsi proposé que ces conventions soient annuelles jusqu'à ce que tous les comités soient structurés, et qu'elles soient conclues directement avec le GIE Tahiti Tourisme plutôt qu'avec le Pays. À noter que pour cette année 2024, 41,8 millions de francs ont été prévus pour accompagner la structuration de ces comités.
 
Le gouvernement vient aussi modifier la loi du Pays concernant la règlementation en matière d'hébergement touristique en faisant un peu de cosmétique d'ordre rédactionnel. Il vient aussi compléter le texte en y ajoutant notamment une nouvelle catégorie d'hébergement : celle des chambres d'hôtes. Structure plus petite que la pension de famille, elle aura moins de contraintes et d'obligations à remplir. Selon le rapport de présentation, “198 établissements existants pourraient rentrer dans cette catégorie”, ce qui représenterait “379 unités d'hébergement pouvant accueillir jusqu'à 834 personnes”.  
 
Les villas de luxe sortent du classement
 
En revanche, exit la catégorie des “villas de luxe” du classement des hébergements touristiques. Le gouvernement fait le choix de sortir les villas de luxe qui figurent dans ce classement car comme tout établissement classé, cela les rendait éligibles aux aides publiques et aux avantages fiscaux. Un soutien financier dont ce marché de niche (trois villas sont concernées) de très haut standing peut se passer.
 
On notera par ailleurs la prépondérance des Airbnb qui explosent en Polynésie et qui dépassent même, d'une petite centaine d'unités, la grande hôtellerie internationale (2 710 contre 2 604 selon les chiffres fournis par le rapport et qui datent du 30 juin dernier). S'ils sont nécessaires au développement touristique car ils permettent une offre d'hébergement différente, ces meublés de tourisme sont aussi en partie responsables de la flambée des prix de l'immobilier.
 
C'est un constat partagé par beaucoup. Pas plus tard que la semaine dernière d'ailleurs, à l'occasion de l'examen de l'étude sur la pauvreté au Cesec, Christophe Plée proposait de les taxer davantage car “la fiscalité sur les Airbnb est ridicule”. Il appartiendra au gouvernement de légiférer en la matière. La difficulté sera de trouver le bon curseur pour ne pas pénaliser l'offre d'hébergements de tourisme qui fait déjà cruellement défaut, tout en permettant aux Polynésiens de pouvoir se loger dignement.
 
Trois types d'aides pour les pensions de famille
 
Le troisième projet de loi du Pays s'inscrit dans la logique du deuxième puisqu'il vient réviser le dispositif d'aide en faveur des pensions de famille afin de “favoriser la montée en gamme des hébergements et leur accès à la procédure de classement”. En effet, sur les 296 pensions recensées au 30 juin 2024 (dans tous les archipels), seules 83 d'entre elles sont classées ou en cours de classement. Le texte prévoit qu'il y aura désormais trois types d'aides financières : l'aide au développement de programmes de création, rénovation ou extension (un plafond de 10 millions de francs avec un montant qui peut varier en fonction de l'île), une aide au développement des activités de loisirs (5 millions de francs) et une aide à la mise en conformité (1,5 million).
 
À noter aussi que ces trois types d'aides ne seront pas cumulables entre elles à l'exception de celle relative à la conformité qui pourra être adossée à l'une ou l'autre des deux autres. Pas de cumul possible non plus avec les autres aides accordées par les pouvoirs publics comme notamment l'aide aux équipements pour les petites entreprises (AEPE).

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 21 Aout 2024 à 16:29 | Lu 2458 fois