Correctionnelle : "C'est pour ça qu'il faut arrêter la politique"


PAPEETE, le 20 février 2015 - Cette affaire jugée hier au tribunal correctionnel de Papeete est une illustration du fait que prendre la politique trop au sérieux peut être dangereux pour la santé.

Elle concerne des faits qui se sont déroulés pendant la campagne des municipales de 2014, à Faa'a, entre un "activiste" du tavini (selon les mots utilisés par le juge) et une ancienne militante du parti indépendantiste. Tous deux ont atteint la soixantaine et se connaissent depuis très longtemps.

Cette ancienne militante était partie plusieurs années en métropole, et venait de rentrer sur le Territoire. En pleine campagne électorale, elle croise son ancien comparse devant la mairie de Faa'a, et celui-ci entame la discussion avec sa "sœur". Elle lui demande qui est le candidat du parti à Papeete, où elle habite, et il lui répond que c'est Tauhiti Nena. "C'est qui Nena ?" demande-t-elle. "L'ancien ministre, tu sais bien" lui répond-il en tahitien, pensant qu'elle le charrie. Il lui demande pour qui elle va voter, Nena ou Buillard, mais elle refuse de répondre argumentant que ça ne le regarde pas. L'accusé assure qu'elle lui donne en même temps des coups de coude dans les côtes pour rigoler (ce qu'elle nie), et qu'au bout d'un moment, il en a eu assez et l'a repoussée, sans mauvaises intentions.

Mais l'ancienne militante, qui sort d'une lourde opération du canal carpien à la main, et n'est déjà pas d'une constitution très robuste, bascule en arrière et chute lourdement. Elle se fait mal à la cheville, au coude, et rouvre ses points de suture à la main. Son agresseur involontaire se confond en excuses, l'aide à se relever avec le concours du frère de la dame qui justement vendait des choux à quelques mètres de là, et l'aide à rejoindre la voiture de son mari garée devant la pharmacie.

"C'est une affaire stupide" dira le juge

Quand le mari voit sa femme arriver en clopinant et qu'elle lui raconte sa mésaventure, il lui lance : "C'est pour ça qu'il faut arrêter la politique !" Rentrée chez elle, son état s'aggrave et elle n'arrive même plus à marcher. Elle finira par se rendre à l'hôpital, et le médecin lui signera un certificat médical avec 10 jours d'ITT pour sa foulure à la cheville et sa nouvelle blessure à la main.

La victime décide alors de porter plainte pour violences volontaires. Lors du procès, son avocat reconnaîtra que l'acte était involontaire, mais que ses conséquences sont très lourdes sur la santé de la victime et qu'elle a beaucoup souffert. "Aujourd'hui encore, devant vous M. le juge, elle tremble en repensant à ce jour." L'avocat réclame 200 000 Fcfp pour le préjudice physique, et 100 000 Fcfp pour le préjudice moral.

Mais la défense, elle, entame directement par "cette affaire n'aurait jamais dû arriver jusqu'à vous. C'est parole contre parole, c'est un jeu. Il l'appelle "ma sœur", elle l'appelle "mon frère"… Il n'y a pas d'intention volontaire : c'était un accident."

Le juge, lui, donnera le verdict de Salomon : "J'ai le sentiment d'une chamaillerie entre deux grands enfants. C'est une affaire stupide." Il condamnera donc le militant à 100 000 Fcfp d'amende avec sursis pour l'aspect pénal.

Pour les demandes civiles, il accordera 100 000 Fcfp à la victime pour le "pretium doloris" (prix de la douleur), et 50 000 Fcfp pour le préjudice moral. Il déboute la victime de ses demandes de réparation pour les dommages physique, tout comme la CPS qui était également partie civile : les demandeurs n'ont apporté en guise d'éléments de preuve que l'ensemble des frais médicaux de la victime depuis son opération, qui a eu lieu avant même la douloureuse bousculade…

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 20 Février 2015 à 11:36 | Lu 2987 fois