A 91 ans, l'ethnologue Jean Guiart est un auteur et éditeur extrêmement actif.
PAPEETE, le 14 octobre 2016 - La revue Connexions vient de publier son cinquième volume, disponible en librairie et bientôt gratuitement sur internet. Elle est éditée par Jean Guiart, anthropologue, ethnologue et océaniste, connecté à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie. Il vit aujourd'hui à Punaauia et se consacre à l'édition de textes d'intérêts littéraire, historique ou ethnographique sur le Pacifique.
La revue littéraire Connexions vient de publier son dernier exemplaire, le numéro 5. Comme tous les précédents, elle est disponible dans les librairies du territoire, à prix coûtant pour son éditeur Jean Guiart, et sera bientôt disponible gratuitement sur le site www.jeanguiart.org. Les trois premiers exemplaires y sont déjà, pour ceux qui découvriraient cette collection étonnante.
Ce volume sorti cet été reste fidèle à la ligne imposée par les précédents : publier tous les auteurs touchant à, ou issus de, l'Océanie, qui ont quelque chose d'original à dire, même quand leurs écrits s'éloignent du consensus dominant : "Les points de vue doivent être d'abord exposés, quand ils sont de bonne foi, de manière autonome, et ensuite seulement analysés et taillés en pièces s'il le faut, ou seulement critiqués là où pointe une insuffisance de méthode. (…) La plus grande liberté régnera ici, personne n'imposera son point de vue, même pas moi, et toutes les idées originales pourront y prendre place" annonce Jean Guiart dès la préface.
Du coup, on retrouve dans "Connexions N°5" des écrits très variés. La revue commence par les notes d'audiences du procès de la cours d'assises qui jugea les chefs accusés d'avoir mis sur pied l'insurrection de 1917 en Nouvelle-Calédonie. Un thème qui revient en page 113 avec des documents militaires sur la même insurrection, qui apportent un éclairage différent… La revue enchaîne sur des lettres écrites par des volontaires tahitiens en 1940, qui ont été récemment retrouvées dans les archives de l'Église protestante de France. Ils s'étaient engagés parmi les radio-mitrailleurs de la France libre. Vient ensuite la biographie d'un médecin qui officia à travers le Pacifique dans les années 50. Un autre texte, publié en anglais, date des années 1920, et retraçait l'état des connaissances sur les Marquises à cette époque.
On y trouve aussi des nouvelles, des essais, un vivaa (discours canaque traditionnel, avec sa traduction)… De quoi ouvrir un œil neuf sur de nombreux sujets qui agitent notre région. Sans oublier le conseil initial de l'ethnologue qui édite la revue : ces points de vue et documents doivent encore faire face à une analyse critique pour en déterminer la valeur historique et scientifique.
La revue littéraire Connexions vient de publier son dernier exemplaire, le numéro 5. Comme tous les précédents, elle est disponible dans les librairies du territoire, à prix coûtant pour son éditeur Jean Guiart, et sera bientôt disponible gratuitement sur le site www.jeanguiart.org. Les trois premiers exemplaires y sont déjà, pour ceux qui découvriraient cette collection étonnante.
Ce volume sorti cet été reste fidèle à la ligne imposée par les précédents : publier tous les auteurs touchant à, ou issus de, l'Océanie, qui ont quelque chose d'original à dire, même quand leurs écrits s'éloignent du consensus dominant : "Les points de vue doivent être d'abord exposés, quand ils sont de bonne foi, de manière autonome, et ensuite seulement analysés et taillés en pièces s'il le faut, ou seulement critiqués là où pointe une insuffisance de méthode. (…) La plus grande liberté régnera ici, personne n'imposera son point de vue, même pas moi, et toutes les idées originales pourront y prendre place" annonce Jean Guiart dès la préface.
Du coup, on retrouve dans "Connexions N°5" des écrits très variés. La revue commence par les notes d'audiences du procès de la cours d'assises qui jugea les chefs accusés d'avoir mis sur pied l'insurrection de 1917 en Nouvelle-Calédonie. Un thème qui revient en page 113 avec des documents militaires sur la même insurrection, qui apportent un éclairage différent… La revue enchaîne sur des lettres écrites par des volontaires tahitiens en 1940, qui ont été récemment retrouvées dans les archives de l'Église protestante de France. Ils s'étaient engagés parmi les radio-mitrailleurs de la France libre. Vient ensuite la biographie d'un médecin qui officia à travers le Pacifique dans les années 50. Un autre texte, publié en anglais, date des années 1920, et retraçait l'état des connaissances sur les Marquises à cette époque.
On y trouve aussi des nouvelles, des essais, un vivaa (discours canaque traditionnel, avec sa traduction)… De quoi ouvrir un œil neuf sur de nombreux sujets qui agitent notre région. Sans oublier le conseil initial de l'ethnologue qui édite la revue : ces points de vue et documents doivent encore faire face à une analyse critique pour en déterminer la valeur historique et scientifique.
Jean Guiart, anthropologue et ethnologue spécialiste de l'Océanie
Jean Guiart, né le 22 juillet 1925 à Lyon, est un anthropologue et ethnologue français spécialiste des arts et des religions de l'Océanie, en particulier ceux de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu. Il est également considéré comme un spécialiste de la Mélanésie.
Il a été directeur d'études à l'École pratique des hautes études, puis professeur d'ethnologie générale à la Sorbonne. De 1973 à 1988, il fut professeur d'ethnologie au Muséum national d'histoire naturelle et directeur du laboratoire d'ethnologie du Musée de l'Homme. Depuis sa retraite, il vit entre Nouméa et Tahiti et se consacre à ses maisons d'édition : Le Rocher-à-la-Voile et Te Pito O Te Fenua.
Il a été directeur d'études à l'École pratique des hautes études, puis professeur d'ethnologie générale à la Sorbonne. De 1973 à 1988, il fut professeur d'ethnologie au Muséum national d'histoire naturelle et directeur du laboratoire d'ethnologie du Musée de l'Homme. Depuis sa retraite, il vit entre Nouméa et Tahiti et se consacre à ses maisons d'édition : Le Rocher-à-la-Voile et Te Pito O Te Fenua.
Parole à l'éditeur : "On a créé de toute pièce une société tahitienne qui n'a jamais existé"
Vous sortez un Connexion tous les six mois ?
Alors j'ai commencé tous les six mois, mais j'en suis déjà à trois par an. Mais j'ai publié toute une série d'autres livres, pas seulement Connexions. Là je suis en train de travailler sur un livre pour les enfants, de 10 à 12 ans, en prenant des textes traditionnels sans y toucher. Des histoires de Polynésie, Mélanésie, de tout le Pacifique. Parce que ce que l'on trouve dans la littérature, ce sont des textes réécrits, en général par des gens qui n'y connaissent rien. Donc ça peut être agréable à lire, mais complètement faux au niveau traditionnel. Donc là je prends des textes authentiques, puisque j'ai passé ma vie à les recueillir.
Il y a beaucoup de débats sur le fait que la culture polynésienne perd son authenticité. Qu'en pensez-vous en tant qu'ethnologue spécialiste du Pacifique ?
Et bien Tahiti est un gros problème. C'est le premier pays où les européens se sont installés, les Français, les Allemands, Russes, Polonais… Et c'est le premier endroit où on a imaginé une société locale qui était païenne, et par conséquent barbare. Donc on a créé de toute pièce une société tahitienne qui n'a jamais existé, avec des sacrifices humains, des femmes qui tuaient leurs enfants, toute sorte de choses qui n'ont rien à voir avec la réalité. Car la réalité, on la retrouve dès qu'on sort de Tahiti. Si vous allez à Samoa ou à Tonga, on y voit des sociétés encore assez proches de leurs situations pré-européennes, et on voit bien que ça ne marche pas comme c'est décrit pour Tahiti. C'est ici qu'il y a eu le maximum de mensonges littéraires écrits sur le pays.
Du coup les Tahitiens ne s'y retrouvent plus dans tout ça et ont beaucoup de mal à retrouver des éléments de leur culture traditionnelle. D'abord parce que le christianisme a interdit toute une série de choses tout à fait inoffensives. Par exemple la danse, ou l'organisation spontanée et autonome des adolescents. Dans son troisième voyage, James Cook a d'ailleurs raconté l'inverse de Bougainville. Il dit "j'ai commandé des équipages de jeunes hommes ardents un peu partout dans le monde, et je peux dire que les femmes tahitiennes ne sont ni plus faciles, ni plus difficiles qu'ailleurs." Tout le côté Nouvelle Cythère a été inventé.
On retrouve ces thèmes par petites touches dans Connexions. Mais j'ai pris ma retraite à 70 ans, et depuis j'ai publié 30 ouvrages sur le Pacifique où j'essaie d'expliquer comment les choses fonctionnent réellement. Ils sont gratuits sur mon site, et disponibles en librairie.
Alors j'ai commencé tous les six mois, mais j'en suis déjà à trois par an. Mais j'ai publié toute une série d'autres livres, pas seulement Connexions. Là je suis en train de travailler sur un livre pour les enfants, de 10 à 12 ans, en prenant des textes traditionnels sans y toucher. Des histoires de Polynésie, Mélanésie, de tout le Pacifique. Parce que ce que l'on trouve dans la littérature, ce sont des textes réécrits, en général par des gens qui n'y connaissent rien. Donc ça peut être agréable à lire, mais complètement faux au niveau traditionnel. Donc là je prends des textes authentiques, puisque j'ai passé ma vie à les recueillir.
Il y a beaucoup de débats sur le fait que la culture polynésienne perd son authenticité. Qu'en pensez-vous en tant qu'ethnologue spécialiste du Pacifique ?
Et bien Tahiti est un gros problème. C'est le premier pays où les européens se sont installés, les Français, les Allemands, Russes, Polonais… Et c'est le premier endroit où on a imaginé une société locale qui était païenne, et par conséquent barbare. Donc on a créé de toute pièce une société tahitienne qui n'a jamais existé, avec des sacrifices humains, des femmes qui tuaient leurs enfants, toute sorte de choses qui n'ont rien à voir avec la réalité. Car la réalité, on la retrouve dès qu'on sort de Tahiti. Si vous allez à Samoa ou à Tonga, on y voit des sociétés encore assez proches de leurs situations pré-européennes, et on voit bien que ça ne marche pas comme c'est décrit pour Tahiti. C'est ici qu'il y a eu le maximum de mensonges littéraires écrits sur le pays.
Du coup les Tahitiens ne s'y retrouvent plus dans tout ça et ont beaucoup de mal à retrouver des éléments de leur culture traditionnelle. D'abord parce que le christianisme a interdit toute une série de choses tout à fait inoffensives. Par exemple la danse, ou l'organisation spontanée et autonome des adolescents. Dans son troisième voyage, James Cook a d'ailleurs raconté l'inverse de Bougainville. Il dit "j'ai commandé des équipages de jeunes hommes ardents un peu partout dans le monde, et je peux dire que les femmes tahitiennes ne sont ni plus faciles, ni plus difficiles qu'ailleurs." Tout le côté Nouvelle Cythère a été inventé.
On retrouve ces thèmes par petites touches dans Connexions. Mais j'ai pris ma retraite à 70 ans, et depuis j'ai publié 30 ouvrages sur le Pacifique où j'essaie d'expliquer comment les choses fonctionnent réellement. Ils sont gratuits sur mon site, et disponibles en librairie.