Confirmation des peines requise en appel dans l'affaire Radio Tefana


© Anne-Laure Guffroy
Tahiti, le 2 mars 2023 – Au quatrième jour et dernier jour du procès en appel de Radio Tefana, le ministère public a requis la confirmation de la plupart des peines prononcées en première instance, notamment 6 mois de prison avec sursis et 5 millions de Fcfp d'amende pour Oscar Temaru ou encore 100 millions d'amende pour l'association Te reo o Tefana. Des réquisitions qui reviennent à signer la “peine de mort” pour la radio, selon son président et son avocat. Délibéré le 24 mai.
 
Le quatrième et dernier jour du procès en appel de l'affaire de la radio Te reo o Tefana a été marqué, ce jeudi, par les réquisitions de l'avocate générale. La magistrate a globalement requis la confirmation des peines prononcées en première instance à l'encontre des prévenus et de l'association. À savoir 6 mois de prison avec sursis et 5 millions de Fcfp d'amende pour le maire de Faa'a et leader indépendantiste Oscar Temaru, poursuivi pour prise illégale d'intérêt ; 3 mois de sursis et 1 million d'amende pour l'ancien président de la radio mais aussi ancien vice-président du Tavini, Vito Maamaatuaiahutapu, poursuivi pour recel de prise illégale d'intérêt ; et 100 millions de Fcfp d'amende pour la radio. Seules les réquisitions à l'encontre de l'actuel président de la radio, Heinui Lecaill, lui aussi poursuivi pour recel de prise illégale d'intérêt, sont plus faibles. La représentante du ministère public a en effet demandé à la cour de confirmer la peine d'un mois de prison avec sursis, mais en revanche de baisser l'amende à 200 000 fcfp, contre 500 000 Fcfp en première instance.
 
L'avocate générale, qui a indiqué en préambule de son réquisitoire avoir du “respect pour le parcours politique” d'Oscar Temaru, s'est adressée à la cour lui faisant remarquer que son “audience est devenue une tribune”. Elle a longuement motivé ses réquisitions à l'encontre du président du Tavini en indiquant qu'il ne fallait pas s'intéresser au fait de savoir s'il y avait eu de la propagande ou pas – préférant parler de “radio engagée et partisane” –, mais plutôt de savoir s'il y avait eu délit de prise illégale d'intérêt, rappelant au passage sa définition au sens du code pénal, précisant qu'il s'agissait d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou avec un mandat électif trouvant un bénéfice moral ou d'ordre politique dans ses actions, “quand bien même il n'y ait pas le résultat souhaité”. Pour elle, “Oscar Temaru a suivi ses intérêts politiques”. Elle a également rappelé qu'en tant que maire, la responsabilité d'Oscar Temaru est engagée sur toutes les décisions prises par le conseil municipal. Quant au personnel mis à disposition de la radio par la mairie, “il ne peut ignorer que le personnel est à la radio et pas à la voirie”, a-t-elle indiqué. “Peu importe qu'il ait cru bien faire : la fin ne justifie pas les moyens.”
 
De leur côté, les avocats de la défense n'ont eu de cesse de dénoncer durant ces quatre jours qu'il s'agissait d'un procès “pour protéger l'intérêt de l'Éta”" et “dézinguer” un homme qui a dénoncé le fait nucléaire en allant jusqu'à déposer plainte pour crime contre l'humanité. “Grâce au parquet, l'idéologie indépendantiste a eu sa meilleure publicité”, a déclaré Me Dubois lors de sa plaidoirie.
Pour Me Antz, avocat d'Heinui Lecaill qui s'est attaché à démontrer l'absence de culpabilité d'Oscar Temaru pour prouver qu'il n'y avait pas de recel, il y a une volonté de la part de l'État d'“entacher” le leader Tavini “pour qu'il ne soit plus immaculé devant l'ONU”.
 

“Peine de mort” pour la radio

Me Antz, qui défend aussi les intérêts de la radio, s'est également ému des réquisitions du ministère public qui demande la confirmation d'une amende de 100 millions de Fcfp à l'encontre de la radio, alors que 10 millions avaient été requis lors du procès en première instance. Pour lui, le tribunal correctionnel, en première instance, avait “compensé ce que n'avait pas demandé la commune de Faa'a”, qui est constituée partie civile. “Le tribunal correctionnel invente la peine de mort pour une association”, a-t-il comparé. “En multipliant les réquisitions par dix, on a retenu la peine de mort.” Même vocable pour l'actuel président de la radio, interrogé à l'issue des réquisitions. “100 millions, c'est guillotiner Radio Tefana, c'est guillotiner les employés.” Pour l'avocate générale, en revanche, c'est “bien en-deçà du produit de l'infraction”, à savoir plus de 172 millions de Fcfp de subventions perçus sur une période de dix ans.
 
Avant les réquisitions, l'audience, ce jeudi, avait débuté par la plaidoirie de Me Stanley Cross, avocat de la commune de Faa'a, partie civile dans cette affaire. Pour lui, “Oscar Temaru est un homme intègre, honnête et soucieux de la dépense publique”. À Faa'a, “on ne dépense pas un franc pour rien”, a-t-il dit à la cour avant de lui demander de “considérer que la commune n'a pas subi de préjudice”. De son côté, l'avocate générale a estimé que “s'il n'y a pas de préjudice, il n'y a pas de partie civile”, dénonçant ensuite une “situation assez rare”, en soulignant que le “représentant de la partie civile est compagnon de route depuis longtemps d'Oscar Temaru.” À la suspension d'audience qui a suivi la plaidoirie de Me Cross, Oscar Temaru lui est tombé dans les bras. La cour d'appel rendra sa décision le 24 mai.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Jeudi 2 Mars 2023 à 17:50 | Lu 3545 fois