Confirmation des peines requise contre Auroy et Haddad dans l'affaire de la SEP


Tahiti, le 29 février 2024 – Au terme de deux jours de procès devant la cour d'appel, l'avocat général a requis jeudi la confirmation des peines prononcées dans l'affaire de la SEP à l'encontre des principaux prévenus, les hommes d'affaires Hubert Haddad et Dominique Auroy. Décision le 16 mai. 

Initialement prévu sur trois jours, le procès de l'affaire de la Société environnement polynésien (SEP) portant sur des atteintes à la probité s'est finalement achevé jeudi au terme d'un peu moins de deux jours de débats devant la cour d'appel. 

En ce dernier jour de procès, la parole a été donnée à l'avocat général qui est longuement revenu lors de ses réquisitions sur les éléments de ce dossier portant sur des accusations de détournements de fonds publics, de prise illégale d'intérêts et de corruption. Il a tout d'abord rappelé que cette affaire avait éclaté suite à un rapport de la Chambre territoriale des comptes (CTC) sur la gestion de la SEP qui était, à l'époque des faits, présidée par Karl Meuel. “Un fait récurrent dans les affaires politico-financières où les atteintes à la probité sont souvent révélées par des audits de la CTC ou des dénonciations anonymes.”
 
Omnipotence
 
Bien que Karl Meuel – condamné en première instance à cinq ans de prison dont deux avec sursis – se soit désisté de son appel mardi, l'avocat général a tout de même tenu à préciser que ce dernier s'était “comporté de manière omnipotente” et qu'il avait mis la SEP, chargée d'une “mission de service public”, dans un état “catastrophique”. Le représentant du ministère public a ensuite abordé le cas de Dominique Auroy auquel il est reproché, dans cette affaire, d'avoir octroyé un prêt de 15 millions à son “ami” Karl Meuel concomitamment à l'achat, par la SEP, d'une chaîne de tri “hors d'usage” appartenant à une société détenue par Dominique Auroy. 

Pour l'avocat général, ce prêt de 15 millions tombait à pic puisqu'ayant été informé de l'audit de la CTC, Karl Meuel devait renflouer les comptes. Tout cela “corrélé” à l'achat de la chaîne de tri alors même qu'il n'y avait “aucun intérêt pour la SEP de l'acheter au regard de ses objectifs et de sa situation financière”. Trois ans de prison avec sursis et une amende de dix millions ont été requis contre l'ancien propriétaire de La Dépêche de Tahiti
 
Contrats “léonins”
 
Concernant Hubert Haddad, auquel il était reproché d'avoir remis des espèces à Karl Meuel lors de la signature de contrats entre la SEP et le groupe 2H appartenant à l'homme d'affaires, le représentant du ministère public a rappelé que le “paiement avant facturation intervenait à hauteur de 50, voire 100%” alors même que dans ce domaine, il était plutôt d'usage de verser 20 %. Des contrats “léonins et non conformes aux usages professionnels en vigueur”. Pour ces faits de corruption, l'avocat général a demandé la confirmation de la peine prononcée contre Hubert Haddad en première instance, soit quatre ans de prison dont deux avec sursis et l'interdiction de gérer une entreprise commerciale pendant cinq ans, avec exécution provisoire. 

Au terme de deux heures de réquisitions, les avocats de la défense ont ensuite pris la parole en dénonçant, pour la plupart, la manière dont avait été menée l'instruction dans le cadre de cette affaire. Pour la défense de Dominique Auroy, Me Jean-Pierre Thuillant a ainsi assuré que le prêt octroyé par son client avait été fait à titre “amical” et que le magistrat instructeur avait tenté de lier ce prêt à la vente de la chaîne de tri afin de pouvoir mettre Dominique Auroy “dans la boucle”. “Il n'y a pas de preuves mais l'on nous parle d'une concomitance qui laisse à penser et l'on ne condamne pas un homme de 81 ans à la carrière remarquable sur cette base.”
 
Monopole
 
En l'absence de son client, l'avocate de Hubert Haddad, Me Sofia Bougrine, a clos les plaidoiries en expliquant que s'il y avait eu une augmentation des marchés et des dépenses, c'est parce que le groupe de son client était en situation “assumée” de “quasi-monopole” et que cela explique donc pourquoi il n'y avait pas de concurrence et donc pas de baisse des prix. L'avocate a également assuré qu'il n'y avait aucune preuve dans le dossier que Karl Meuel avait touché des espèces en contrepartie de la passation de contrats. La cour d'appel rendra sa décision le 16 mai. 

Peines requises contre les autres prévenus

  Une amende de 200 000 francs à l'encontre de l'ex-femme de Karl Meuel à laquelle il était notamment reproché d'avoir utilisé la voiture de fonction de son époux et d'avoir bénéficié, au travers de voyages, de l'argent détourné. Une amende de 500 000 francs requise contre l'adjoint au maire de Papeete, Patrick Bordet, qui avait reçu 500 000 francs de la part de Karl Meuel pour rédiger une étude sur la gestion des déchets dans les Tuamotu. En première instance, l'intéressé avait été relaxé. Six mois de sursis requis contre Michel Yonker auquel il était reproché d'avoir “décaissé” 800 000 francs sur ordre de son patron, Hubert Haddad, pour les remettre à Karl Meuel. 18 mois de prison avec sursis demandé contre Jean-Louis Chailly qui était directeur de l'entreprise qui avait vendu la chaîne de tri à la SEP. Tout comme Patrick Bordet, Jean-Louis Chailly avait été relaxé en première instance.   

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 29 Février 2024 à 16:33 | Lu 3470 fois