Comment la délégation de la Polynésie française à Paris change


La délégation de la Polynésie française à Paris a été créée en 1971. Elle a pour vocation première d'assurer la représentation institutionnelle du Pays en France et en Europe.
PAPEETE, le 3 octobre 2016. Les agents travaillant à la délégation de la Polynésie ont passé il y a un mois un examen professionnel pour intégrer la fonction publique du Pays. Objectif : mettre fin au régime dérogatoire qui existait jusque-là.

En mai dernier, l'assemblée a adopté une loi du Pays qui avait pour but d'intégrer les personnels de la
Délégation de la Polynésie française à Paris recrutés à durée indéterminée dans la fonction publique de la Polynésie française.
En effet, jusqu'à cette année, les personnes qui y travaillaient étaient recrutés par contrat à durée déterminée ou indéterminée par le président de la Polynésie française et étaient classés dans une des catégories D1 à D4 selon les fonctions qu'ils exerçaient sans condition de diplôme.
La délégation de la Polynésie française comprenait ainsi 25 agents, dont 15 en poste à la Délégation de Paris en contrat de droit public, trois étaient des agents de la fonction publique de la Polynésie française détachés et sept étaient en position de détachement à Tahiti dans des services publics ! Ceux-ci se retrouvaient ainsi à travailler avec des collègues fonctionnaires mais sans avoir le même statut.

En 2011, la chambre territoriale des comptes (CTC) avait noté qu'une "partie de l’effectif (de la délégation) est en complète inadéquation avec les tâches incombant aux fonctions occupées". La CTC notait alors qu'il y "aurait sans doute un intérêt à intégrer l’ensemble des personnels de la délégation dans l’administration territoriale. Les besoins de la délégation pourraient être pourvus sur profil par appel à candidature, au sein de l’administration territoriale".
Un examen professionnel a donc été mis en place fin août et début septembre. Il s'agissait d'un entretien d'une durée de 30 minutes avec un "exposé devant le jury portant sur l'expérience professionnelle du candidat, les études ou travaux qu'il a pu réaliser" et "une conversation avec le jury", détaille l'arrêté du 3 août dernier.

DIX-NEUF ADMIS
Dans un arrêté du 8 septembre, on apprend que 19 personnes ont réussi avec succès l'examen, soit 100 % de réussite. La même semaine, la cour administrative d'appel de Paris prononçait une relaxe générale pour Maeva Salmon, déléguée à la Polynésie française de 2007 à 2013, accusée de harcèlement moral. Les parties au procès n'ont pas formé de pourvoi en cassation. L'arrêt est donc désormais définitif.

Maeva Salmon était poursuivie pour harcèlement moral par quatre employés de la Délégation de la Polynésie française à Paris. Relaxée dans un dossier sur quatre, elle avait fait appel, tout comme les trois gagnants et la perdante en première instance.
C'est le pôle 6 de la cour administrative d'appel, spécialisé dans les questions de harcèlement, qui a réexaminé cette affaire. Dans son arrêt en date du 6 septembre dernier, la cour indique, selon le site paristribune.info, "(...) qu'aucun fait précis et circonstancié n'a pu être établi à l'encontre de la prévenue (...) et Marc Hélias (un des plaignants, NDLR), en charge d'une mission de valorisation de la Polynésie française, a accompagné son choix de couvrir les commandes des membres du gouvernement polynésien en métropole d'une opposition ouverte et radicale aux directives de la déléguée générale dont il était le second, allant même jusqu'à user de ses fonctions pour mener contre elle une véritable entreprise de déstabilisation".

" Il y a un fond politique incontournable (dans ce dossier) avec des clans. C'est ce qui caractérise ce dossier par rapport à n'importe quel autre dossier de harcèlement mora
l", analyse maître Jacquot, avocat de Maeva Salmon, selon le site Paris Tribune. "Il est totalement atypique en réalité, et je pense que c'est ce qui est apparu à l'audience. La Délégation de la Polynésie française est un système particulier, c'est une représentation de la Polynésie française mais dont l'origine est liée au clan politique et les personnes qui sont employées dans cette délégation sont nommées par des clans politiques. Ce sont des emplois cabinet. C'est dans ce contexte que ma cliente est arrivée à la tête de la Délégation. Le rapport de la Chambre territoriale des comptes dénonce bien, expose bien ces tensions à l'intérieur de la Délégation du fait de l'origine des clans, des nominations politiques, des nominations de cabinet."
Du côté du gouvernement, on note qu'il n'y a pas de lien direct entre cette affaire et le changement de statut des agents de la délégation mais que le but est bien de mettre fin au "clientélisme". "Il n'y aura plus de régime dérogatoire. Ce sera la même porte d'entrée pour tout le monde et il y aura un statut commun pour tous", insiste-t-on
Lors des débats à l'assemblée en mai, l'opposition, par la voix de Chantal Tahiata, avait dénoncé l'examen d'intégration : "Tout le monde sait très bien que ces concours n’ont de concours que le nom. Il s’agit d’une pure hypocrisie administrative, un abus de langage ! L’intégration n’est pas un concours dans le sens noble du terme. L’intégration vient au contraire renforcer la cooptation et multiplier les risques de copinage, de piston, de clientélisme".

Jean-Christophe Bouissou, ministre de la Fonction publique, interpellait les représentants à Tarahoi lors de l'assemblée : "Est-ce que vous trouvez normal que le président de la Polynésie française puisse, tout seul, procéder à des recrutements au sein de la délégation et affecter le personnel comme bon lui semble, et y compris sur le plan de la rémunération qui ne serait pas en rapport avec des diplômes et des fonctions occupées ?" A l'avenir, ce ne sera plus possible en tout cas.


Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 3 Octobre 2016 à 15:41 | Lu 4556 fois