"La convention de Genève qui régit la question des réfugiés n'a pas été pensée pour les problèmes de changement climatique", souligne Bastien Alix.
PAPEETE, le 14 juin 2016. Bastien Alix, chercheur à l'Iris, think tank français travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques, était à Tahiti la semaine dernière pour le séminaire sur l'impact des changements climatiques sur notre sécurité. Pas moins de 24 pays et des organisations non-gouvernementales étaient réunis pour discuter de cette problématique. Dans le Pacifique, de plus en plus d'habitants pourraient être contraints de quitter leur île en raison du changement climatique. Mais qui les accueillera ? Cette question n'a aujourd'hui pas de réponses. La notion de réfugié climatique aujourd'hui n'existe pas juridiquement. Explications avec Bastien Alix.
Quels sont les impacts du changement climatique sur la défense nationale ?
Bastien Alix : "Cela touche un large spectre de sujets. Lors de mon intervention mardi matin, j'ai commencé par les répercussions de la COP 21 à Paris, mais nous avons aussi abordé les risques et menaces liés au changement climatique. On a aussi parlé des impacts sur les capacités opérationnelles de l'outil de défense à la fois en terme d'efficacité dans un contexte où l'armée doit faire attention aussi à son empreinte carbone mais aussi d'impacts sur sa capacité à réagir aux multiples crises. L'armée va à la fois devoir répondre à une multitude de crises notamment à caractère humanitaire et surveiller son empreinte carbone. Il faut savoir comment concilier les deux impératifs : assurer un effort sur son impact carbone et une efficacité opérationnelle.
Les crises vont être multiples mais plutôt à caractère humanitaire. On est d'accord que les manifestations du changement climatique vont être renforcées en termes de fréquence et intensité. La Polynésie est moins exposée que La Réunion en termes de risques cycloniques par exemple mais vous êtes exposés à la question de la montée des eaux qui a des implications très concrètes. Quand on parle d'une élévation du niveau de la mer pour une plage dont la pente est à 1%, l'élévation d'un mètre du niveau de la mer implique un retrait du trait de côte de 100 mètres. C'est très concret
Souvent on a du mal à voir ce que représente l'élévation du niveau de la mer. Cela a des implications en termes de déplacement de la population. On sait malheureusement que certains atolls seront voués à disparaitre. Il y a toute la problématique de la récupération de ces populations du devenir de leur passeport d'un pays qui n'existe plus.
Quelles sont les réponses qui existent actuellement ?
On n'a pas tellement de réponses mais plutôt des interrogations. Le problème est énorme. Comment déterminer la responsabilité du changement climatique ? Si Kiribati disparait, est-ce la faute des Etats-Unis qui a été le plus gros émetteur pendant des décennies, est-ce la faute des Etats européens, qui ont aussi été de gros émetteurs au début de la révolution industrielle, est-ce la faute de l'Australie qui est un pays plus proche et aussi un gros émetteur, est-ce la faute de la Chine, le premier émetteur aujourd'hui ? Comment déterminer cette responsabilité et déterminer qui doit prendre en charge ces populations ? Pour l'instant, la solution c'est de travailler sur des mécanismes internationaux, c'est ce qu'aura à terme à gérer un organisme comme le fonds vert pour le changement climatique.
Pour l'instant on n'a pas de solution clé en main.
Où en est la notion de réfugié climatique ?
Il y a un gros débat sur la notion de réfugié climatique. On sait qu'il n'y a pas de statut international de réfugié climatique puisque la convention de Genève qui régit la question des réfugiés n'a pas été pensée pour ce type de problématique. Elle répond à des personnes qui subissent des persécutions et qui peuvent demander le droit d'asile. Aujourd'hui on ne peut pas déterminer si le changement climatique est une persécution. Cette convention n'est pas adaptée. Il y a de grosses difficultés à la réformer puisque l'enjeu est d'établir une responsabilité et savoir qui prendra en charge les personnes qui devront migrer et quitter leur territoire puisqu'il n'existera plus.
Des tensions qui n'existent pas aujourd'hui pourraient-elles apparaitre à cause du changement climatique ?
Oui, il y a la question des zones de pêche. Comment va-t-on faire alors que les stocks halieutiques sont impactés à la fois par l'acidification des océans, la modification des courants marins et la modification de la salinité de l'eau ? Ces paramètres vont impacter le comportement des acteurs du secteur de la pêche. On n'est pas à l'abri d'avoir des pêcheurs battant pavillon d'autre pays venir pêcher dans les Zones économiques exclusives (ZEE) des pays voisins et il y a la question de la gestion de la haute-mer qui n'est pas réglée par le droit maritime aujourd'hui.
C'est plus un enjeu en termes d'intrusion dans les zones de pêche. Ça ne se pose pas encore mais cela va se poser avec plus d'acuité dans les années qui viennent.
Quels sont les impacts du changement climatique sur la défense nationale ?
Bastien Alix : "Cela touche un large spectre de sujets. Lors de mon intervention mardi matin, j'ai commencé par les répercussions de la COP 21 à Paris, mais nous avons aussi abordé les risques et menaces liés au changement climatique. On a aussi parlé des impacts sur les capacités opérationnelles de l'outil de défense à la fois en terme d'efficacité dans un contexte où l'armée doit faire attention aussi à son empreinte carbone mais aussi d'impacts sur sa capacité à réagir aux multiples crises. L'armée va à la fois devoir répondre à une multitude de crises notamment à caractère humanitaire et surveiller son empreinte carbone. Il faut savoir comment concilier les deux impératifs : assurer un effort sur son impact carbone et une efficacité opérationnelle.
Les crises vont être multiples mais plutôt à caractère humanitaire. On est d'accord que les manifestations du changement climatique vont être renforcées en termes de fréquence et intensité. La Polynésie est moins exposée que La Réunion en termes de risques cycloniques par exemple mais vous êtes exposés à la question de la montée des eaux qui a des implications très concrètes. Quand on parle d'une élévation du niveau de la mer pour une plage dont la pente est à 1%, l'élévation d'un mètre du niveau de la mer implique un retrait du trait de côte de 100 mètres. C'est très concret
Souvent on a du mal à voir ce que représente l'élévation du niveau de la mer. Cela a des implications en termes de déplacement de la population. On sait malheureusement que certains atolls seront voués à disparaitre. Il y a toute la problématique de la récupération de ces populations du devenir de leur passeport d'un pays qui n'existe plus.
Quelles sont les réponses qui existent actuellement ?
On n'a pas tellement de réponses mais plutôt des interrogations. Le problème est énorme. Comment déterminer la responsabilité du changement climatique ? Si Kiribati disparait, est-ce la faute des Etats-Unis qui a été le plus gros émetteur pendant des décennies, est-ce la faute des Etats européens, qui ont aussi été de gros émetteurs au début de la révolution industrielle, est-ce la faute de l'Australie qui est un pays plus proche et aussi un gros émetteur, est-ce la faute de la Chine, le premier émetteur aujourd'hui ? Comment déterminer cette responsabilité et déterminer qui doit prendre en charge ces populations ? Pour l'instant, la solution c'est de travailler sur des mécanismes internationaux, c'est ce qu'aura à terme à gérer un organisme comme le fonds vert pour le changement climatique.
Pour l'instant on n'a pas de solution clé en main.
Où en est la notion de réfugié climatique ?
Il y a un gros débat sur la notion de réfugié climatique. On sait qu'il n'y a pas de statut international de réfugié climatique puisque la convention de Genève qui régit la question des réfugiés n'a pas été pensée pour ce type de problématique. Elle répond à des personnes qui subissent des persécutions et qui peuvent demander le droit d'asile. Aujourd'hui on ne peut pas déterminer si le changement climatique est une persécution. Cette convention n'est pas adaptée. Il y a de grosses difficultés à la réformer puisque l'enjeu est d'établir une responsabilité et savoir qui prendra en charge les personnes qui devront migrer et quitter leur territoire puisqu'il n'existera plus.
Des tensions qui n'existent pas aujourd'hui pourraient-elles apparaitre à cause du changement climatique ?
Oui, il y a la question des zones de pêche. Comment va-t-on faire alors que les stocks halieutiques sont impactés à la fois par l'acidification des océans, la modification des courants marins et la modification de la salinité de l'eau ? Ces paramètres vont impacter le comportement des acteurs du secteur de la pêche. On n'est pas à l'abri d'avoir des pêcheurs battant pavillon d'autre pays venir pêcher dans les Zones économiques exclusives (ZEE) des pays voisins et il y a la question de la gestion de la haute-mer qui n'est pas réglée par le droit maritime aujourd'hui.
C'est plus un enjeu en termes d'intrusion dans les zones de pêche. Ça ne se pose pas encore mais cela va se poser avec plus d'acuité dans les années qui viennent.
Mieux comprendre la problématique du réfugié climatique
Hervé Raimana Lallemant-Moe, enseignant-chercheur spécialisé dans les problématiques en droit de l'environnement et en droit international de l’environnement, explique la problématique de la notion du réfugié climatique.