Comment des travaux universitaires ont participé à la réhabilitation de Pouvana'a a Oopa


PAPEETE, le 25 octobre 2018. La Cour de révision a annulé jeudi la condamnation à la prison et à l'exil de l'autonomiste Pouvanaa A Oopa, accusé il y a soixante ans d'avoir donné l'ordre d'incendier Papeete. Le laboratoire « Gouvernance et développement insulaire de l’Université de Polynésie française souligne que c'est "exceptionnel que la révision d’un procès criminel soit obtenue à la suite de travaux universitaires".

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Déchu de son mandat de député en mai 1960, Pouvanaa A Oopa, fervent opposant aux essais nucléaires français en Polynésie, était rentré à Tahiti en novembre 1968 après avoir bénéficié d'une grâce partielle, puis avait été amnistié l'année suivante et élu sénateur en 1971.

L'ancien exilé a toujours nié les faits et avait tenté en vain de faire réviser son procès. En 1995, la Cour de cassation avait rejeté un recours déposé par ses descendants.

La nouvelle demande de révision de 2014 s'appuyait sur des éléments nouveaux: notamment de nouveaux témoignages de gendarmes, qui ont reconnu que l'accusation s'était fondée sur des déclarations fabriquées ou extorquées par la menace ou la violence.

Dans l'ouvrage Pouvana’a et De Gaulle, la candeur et la grandeur, l'historien Jean-Marc Regnault décrivait comment le procès Pouvana'a en 1959 fut dicté par la raison d’Etat alors que Paris avait pris la décision de déplacer le centre d’expérimentations nucléaires français d'Algérie en Polynésie.

Le laboratoire « Gouvernance et développement insulaire (GDI) » de l’Université de Polynésie française a salué la décision rendue ce jeudi par la Cour de révision. Dans un communiqué, il rappelle que "c’est en son sein (et en celui du laboratoire IRIDIP qui l’a précédé) que s’est élaboré le travail de recherche qui a permis d’aboutir à la décision de la Cour de Cassation". Le laboratoire souligne que c'est "exceptionnel que la révision d’un procès criminel soit obtenue à la suite de travaux universitaires".

"La plaidoirie de l’avocate générale, le 5 juillet dernier, montrait clairement que celle-ci avait été sensible au remarquable travail accompli en 2004 par une étudiante en DEA, la magistrate Catherine Vannier", relève le laboratoire. "Cette dernière avait démontré que le procès de 1959 avait été entaché d’irrégularités (instruction uniquement à charge, interventions politiques…) tandis que le fonctionnement même de la justice de l’époque, à Papeete, ne répondait pas aux règles auxquelles un territoire français devait avoir droit."

Ce mémoire de DEA, consultable à la bibliothèque de l’UPF, a été intégré dans les ouvrages que notre collègue et membre du laboratoire, Jean-Marc Regnault, a publiés sur Pouvana'a a Oopa. "Depuis sa thèse soutenue en 1994, notre collègue, persuadé, au vu des documents disponibles, que le député avait été victime de la raison d’État, n’a eu de cesse, à l’occasion de ses recherches, de tenter d’avoir accès aux documents qui pourraient confirmer ses hypothèses. Ses recherches se sont accélérées lorsque le président de la République décida d’ouvrir les archives de l’État et que l’assemblée de la Polynésie française facilita l’accès à celles-ci", souligne le communiqué de l'université. "En ce sens, notre laboratoire tient à souligner à quel point l’UPF s’intéresse à la Polynésie et contribue à son développement et à la connaissance de son histoire. Le GDI encourage tous les étudiants polynésiens à œuvrer dans cette voie."


A noter qu'en début de semaine, l’UPF et la Polynésie française ont signé une convention pour un programme de recherche portant sur la mémoire des essais nucléaires en collaboration de la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique.

le Jeudi 25 Octobre 2018 à 14:19 | Lu 4153 fois