Classement des sites océaniens au patrimoine mondial de l'UNESCO : 100 pour 100 de réussite

BRASILIA, 2 août 2010 (Flash d'Océanie) – L’ancien site d’essais nucléaires de Bikini (îles Marshall), ainsi que l’aire marine protégée des îles Phoenix (Kiribati) sont deux des quatre sites océaniens qui ont passé ce week-end leur examen d’entrée à l’inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO, dont le comité de sélection se déroule depuis une semaine à Brasilia (Brésil).


Au titre de la liste du patrimoine mondial pour 2010annoncée dimanche par le comité de l’UNESCO, l’atoll de Bikini, aux îles Marshall, a été retenu en tant que « site d’essais nucléaires ».
« Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, en étroite relation avec les débuts de la guerre froide, les États-Unis décidèrent de reprendre leurs essais nucléaires dans l'océan Pacifique sur l'atoll de Bikini dans l'archipel des Marshall. Une fois les habitants déplacés, 67 tirs nucléaires furent réalisés entre 1946 et 1958, dont celui de la première bombe H (1952). La flotte coulée dans le lagon par les essais de 1946 ou le gigantesque cratère Bravo constituent des témoignages directs des tirs nucléaires. D'une puissance totale 7000 fois supérieure à celle d'Hiroshima, ils eurent des conséquences importantes sur la géologie de Bikini, son environnement naturel et la santé des populations irradiées. Par son histoire, l'atoll symbolise l'entrée dans l'âge nucléaire malgré une image paradoxale de paix et de paradis terrestre. Il s'agit du premier site des Iles Marshall à être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial », précise l’UNESCO.
Selon le gouvernement des îles Marshall, qui présentait la candidature controversée au titre du patrimoine mondial historique et culturel, l’atoll de Bikini, d’une certaine manière, a « façonné le monde ».
La série de 23 essais nucléaires, qui a débuté par la mise à feu de la bombe à hydrogène américaine baptisée « Bravo », a eu lieu entre 1946 et 1958.
Elle a été assortie de l’arrivée du nom « Bikini » sur la scène mondiale… de la mode, avec la création d’un modèle deux pièces de maillot de bain par le styliste français Louis Réard, cinq jours après le lancement des essais américains dans le Pacifique.

Bikini « a façonné le monde »… Y compris celui de la mode

Il avait alors expliqué le choix de ce nom par l’effet escompté de l’arrivée sur le marché de cet article et de ses effets qui, prédisait-il, feraient « l’effet d’une bombe atomique » sur les habitudes vestimentaires et balnéaires de l’époque.
Au plan de la biodiversité, les îles Marshall font aussi valoir le fait que depuis que l’atoll de Bikini a été évacué, juste avant le début des essais, il n’a jamais été habité et peut ainsi témoigner, après la fin des essais, des capacités de la nature à recoloniser un environnement endommagé par les radiations.
Ce site est aussi, désormais, une destination privilégiée des plongeurs sous-marins du monde entier, qui viennent y explorer des épaves datant de la seconde guerre mondiale.
Pour les îles Phoenix de Kiribati, les autorités de cet État insulaire océanien cherchent elles aussi à faire reconnaître la valeur de ce site au plan de la biodiversité sous-marine.

Les bagnes australiens

Toujours en Océanie, l’Australie a obtenu la classification d’une série de onze sites (que ce pays avait lui-même classé en 2008) ayant tous pour point commun le fait qu’ils ont marqué le début de la colonisation pénale britannique, essentiellement à Sydney, à la fin du dix huitième siècle.
Un quartier historique de Sydney, en souvenir de cette époque, s’appelle toujours « The Rocks » les cailloux, en référence à ceux que cassaient les bagnards).
Ces sites sont répartis à Sydney, ainsi qu’en d’autres points du même État de la Nouvelle-Galles-du-Sud et, plus au Sud, dans les États de la Tasmanie (dont le célèbre site de Port Arthur), une prison à Fremantle et un autre site sur l’île de Norfolk.
« Le site comprend une sélection de onze colonies pénitentiaires, parmi les milliers qu'établit l'Empire britannique en Australie aux 18e et 19e siècles. Elles sont situées sur le pourtour maritime fertile, dont les Aborigènes furent chassés, principalement autour de Sydney et dans l'île de Tasmanie, mais aussi dans l'île Norfolk et à Fremantle. Ces bagnes accueillirent des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, condamnés par la justice britannique. Chacun des sites avait une vocation propre, qu'il s'agisse d'enfermement punitif ou de rééducation par le travail forcé au service du projet colonial. Le bien présente les meilleurs exemples survivants de la déportation de criminels à grande échelle et de l'expansion colonisatrice des puissances européennes par la présence et le travail des bagnards », note l’UNESCO.
Dans la catégorie « mixte », les États-Unis ont obtenu cette année le classement d’un « monument marin », sur le site de Papahānaumokuākea, dans l’État américain d’Hawaii.
« Papahānaumokuākea est le nom d'un vaste groupe linéaire et isolé de petites îles et atolls à faible altitude (océan autour compris) situées à près de 250 km au nord-ouest du principal archipel hawaiien et qui s'étendent sur environ 1931 km. Le site possède une signification cosmologique pour les natifs hawaiiens, en tant qu'environnement ancestral, incarnation du concept de parenté entre les hommes et le monde naturel, berceau de la vie et terre d'accueil des esprits après la mort. Sur deux des îles, Nihoa et Makumanamana, on trouve des vestiges archéologiques relatifs au peuplement et à l'occupation des sols à l'époque pré-européenne. C'est aussi une zone d'habitats pélagiques et d'eaux profondes avec des caractéristiques remarquables telles que des monts sous-marins et des bancs submergés, de vastes récifs coralliens et des lagons. Il s'agit de l'une des aires marines protégées les plus vastes du monde », note l’UNESCO.
L’aire protégée des îles Phoenix, à Kiribati, abrite l’un des plus grands écosystèmes d’archipels coralliens océaniques, ainsi que quatorze monts sous-marins réputés anciens volcans.
Cette inscription est la première pour cet État océanien.
Deux sites présentés par la France, la Cité épiscopale d'Albi et les pitons, cirques et remparts de l’île de la Réunion (département d’Outremer de l’Océan Indien) ont aussi réussi leur examen de passage lors de la dernière session de ce week-end.
« Située en bordure du Tarn, la vieille ville d'Albi, dans le sud-ouest de la France, reflète l'épanouissement d'un ensemble architectural et urbain médiéval dont témoignent aujourd'hui encore Le Pont-Vieux, le bourg de Saint-Salvi et son église (10e-11e siècle). Au 13e siècle, la ville devint une puissante cité épiscopale au lendemain de la croisade des Albigeois contre les Cathares. D'un style gothique méridional original à base de briques aux tons rouge et orangé fabriquées localement, la cathédrale fortifiée qui domine la ville (XIIIe siècle) illustre la puissance retrouvée du clergé romain. Elle est complétée par le vaste palais épiscopal de la Berbie qui surplombe la rivière et est cernée par des quartiers d'habitations datant du Moyen Age. La cité épiscopale d'Albi forme un ensemble de monuments et de quartiers cohérent et homogène qui n'a pas subi de changements majeurs au fil des siècles », souligne l’UNESCO.
Les pitons, cirques et remparts de l’île de la Réunion représentent, pour leur part, une surface de plus de cent mille hectares, soit quarante pour cent de la surface de l’île, elle-même composée de deux massifs volcaniques joints.
L’UNESCO a en substance reconnu l’intérêt géographique de ces cirques au plan des paysages, mais aussi la biodiversité que ces écosystèmes abritent avec une forte proportion d’espèces endémiques.
Au total, sur la trentaine de sites qui étaient candidats à l’inscription, une vingtaine a été retenue jusqu’ici lors de cette session à Brasilia du 25 juillet au 3 août.
Les sites déjà classés (890), quant à eux, feront aussi l’objet d’un examen au regard du cahier des charges du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Sur les 890 sites déjà classés dans 148 pays, 689 le sont à titre culturel, 176 à titre naturel et 25 sur une base « mixte ».

Premières avancées de l’Océanie en 2008

Jusqu’ici, le Pacifique est considéré comme étant sous-représenté au sein de la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO
Néanmoins, début juillet 2008, cette vaste région a gagné en visibilité à l’issue de la session du comité de sélection du patrimoine mondial qui s’était tenue à Québec (Canada) : trois sites situés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, à Vanuatu et en Nouvelle-Calédonie avaient ainsi été ajoutés.
Le site de Kuk (Hauts-Plateaux de l'île principale de Papouasie-Nouvelle-Guinée) a été reconnu par le comité de l'organisation onusienne, sur des critères culturels.
Aux plans plan naturel et environnemental, le système de récifs lagunaires de Nouvelle-Calédonie a, lui, été reconnu pour ses valeurs en matière de biodiversité.
Enfin, le comité de l'UNESCO avait aussi accueilli au sein de sa liste mondiale de lieux culturels reconnus les sites funéraires témoignant du règne du grand chef coutumier Roy Mata, qui exerça une énorme influence sur l'île principale de cet archipel et celles environnante, au quinzième siècle.
"Le domaine du chef Roy Mata (…) consiste en trois sites des îles de Vaté, de Lelepa et d'Artok qui sont associés à la vie et la mort, aux alentours de 1600 après JC, du dernier détenteur du titre de chef Roy Mata dans ce qui est aujourd'hui le centre de Vanuatu. Le bien comprend la demeure de Roy Mata, le site de sa mort et un site funéraire collectif. Il est étroitement associé aux traditions orales entourant le chef et aux valeurs morales qu'il défendait. Le site reflète la convergence entre la tradition orale et l'archéologie; il témoigne de la persistance des réformes sociales du Roi Mata qui ont mis fin à des conflits qui restent encore d'actualité pour les habitants de la région", notait ainsi le comité de l'UNESCO dans un communiqué.
Dans les trois cas, ces inscriptions constituent aussi une première pour chacun des archipels concernés.

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Rédigé par PaD le Dimanche 1 Aout 2010 à 18:56 | Lu 928 fois