Cinq ans après l'incendie mortel de Faa'a, les “logeurs” condamnés


Tahiti, le 3 septembre 2024 – Un couple de sexagénaires a été jugé, mardi en correctionnelle, pour homicide involontaire. En juin 2018 à Faa'a, un homme de 31 ans auquel ils louaient une chambre avait perdu la vie dans un incendie et ce, alors que la maison des “logeurs” n'était pas en conformité avec la réglementation. Ils ont écopé de trois ans de prison avec sursis simple.
 
Le tribunal correctionnel a jugé, mardi, un homme de 69 ans et son épouse âgée de 61 ans qui étaient poursuivis pour un homicide involontaire commis à Faa'a le 11 juin 2018. Ce jour-là, un violent incendie s'était déclaré au deuxième étage de leur maison où se situaient plusieurs chambres qu'ils louaient à des personnes majeures se trouvant, pour certaines, sous tutelle et prises en charge par Tutelger. Un homme de 31 ans avait perdu la vie après avoir inhalé des fumées toxiques.
 
Dans le cadre de l'enquête ouverte à la suite de ce drame et tel que l'a rappelé le président du tribunal correctionnel lors de l'audience, il était ressorti que ce couple avait agi dans “l'illégalité la plus totale” : les deux étages avaient été construits sans permis de construire, ils n'étaient pas assurés car principalement composés de bois et n'étaient dotés d'aucune signalétique ou de sorties de secours. Des manquements commis alors que le couple louait régulièrement les quatre appartements et les trois chambres répartis sur les deux étages à plus d'une dizaine de personnes dont plusieurs se trouvaient en état de vulnérabilité. De plus, le couple de “logeurs” n'avait pas de patente pour exercer cette activité qu'ils avaient décrite comme celle d'une “pension”.
 
“L'amour de l'argent”
 
Jusque-là inconnue de la justice, la prévenue a concédé à la barre du tribunal mardi qu'elle n'avait pas demandé de permis de construire car elle savait qu'un refus lui serait opposé. Ne sachant “pas quoi répondre” lorsqu'elle était interrogée sur les nombreux manquements aux règles établis dans cette affaire, la sexagénaire a ensuite expliqué au président qu'elle avait agi par “bonté de cœur” en aidant des personnes en difficulté. Une réflexion qui a passablement agacé le magistrat qui lui a opposé qu'il ne savait pas ce qu'en penserait la famille de la victime qui “a brûlé au fond de sa chambre”. “Cela ne relève pas de la bonté de cœur mais plutôt de l'amour de l'argent”, a-t-il ensuite asséné.
 
Alors que l'audience se poursuivait, la prévenue a été prise d'un malaise qui a nécessité l'intervention des pompiers puis sa prise en charge. Après une courte suspension, le procureur de la République a ensuite pris la parole pour évoquer un dossier “très pénible” et assez “effrayant” dans lequel on constate que ce bâtiment a servi de “poubelle” à des services qui n'ont pas “désapprouvé” que des personnes sous tutelle y soient logées. “Quand on est Tutelger, envoyer des gens là-bas, il fallait oser”, a tancé le représentant du ministère public avant de dénoncer la “crapulerie” et la “bêtise” du couple qui avait engrangé plusieurs centaines de milliers de francs par mois avec ses loyers car “l'avarie commence où la pauvreté cesse”. Cinq ans de prison avec sursis ont finalement été requis contre le prévenu et son épouse.
 
Constituée pour la défense du couple, Me Béatrice Eyrignoux a expliqué lors de sa plaidoirie que ses clients se trouvaient bien seuls à la barre alors que l'on pouvait aussi s'interroger sur la responsabilité de Tutelger, qui “ne s'est pas posé de questions” en envoyant des gens vivre dans cette maison, mais aussi de la mairie de Faa'a qui ne pouvait ignorer l'absence de certains manquements commis par le couple.
 
Après en avoir délibéré, le tribunal correctionnel a finalement condamné les deux sexagénaires à trois ans de prison avec sursis et à un million de francs de dommages et intérêts.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 3 Septembre 2024 à 16:10 | Lu 2073 fois