Chloroquine, hydroxychloroquine et Covid-19: où en est-on ?


Paris, France | AFP | jeudi 26/03/2020 - Etudes, essais, usages: que sait-on de la chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine, actuellement expérimentées, aux côtés d'autres molécules, dans plusieurs pays contre le Covid-19 ?

Qu'est-ce que c'est ?

C'est un antipaludique prescrit depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique. La chloroquine est connue sous plusieurs noms commerciaux, selon les pays et les laboratoires qui les fabriquent: Nivaquine ou Resochin par exemple.

Il existe un dérivé, l'hydroxychloroquine, mieux toléré, connu en France sous le nom de Plaquenil, utilisé contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde.

Les effets secondaires sont nombreux : nausées, vomissements, éruptions cutanées mais aussi atteintes ophtalmologiques, troubles cardiaques, neurologiques... Un surdosage de chloroquine peut être particulièrement dangereux voire mortel.

Pourquoi suscitent-elles de l'espoir ?

Dans l'attente d'un hypothétique vaccin, qui pourrait être disponible dans un an voire davantage, de très nombreuses équipes scientifiques testent plusieurs médicaments existants et combinaisons de médicaments pour tenter de trouver au plus vite un traitement.

Par rapport à d'autres molécules, la chloroquine et l'hydroxychloroquine ont l'avantage d'être déjà disponibles, bon marché et bien connues, d'où l'intérêt particulier qu'elles suscitent.

Avant même l'épidémie actuelle de SARS-CoV-2, les propriétés antivirales de la chloroquine ont fait l'objet d'une multitude d'études, in vitro ou sur des animaux et sur différents virus, avec des résultats contrastés.

"Il est connu depuis bien longtemps que la chloroquine (C) et son dérivé l'hydroxychloroquine (HC) inhibent in vitro la réplication" de certains virus, rappelle Marc Lecuit, chercheur en biologie des infections à l'institut Pasteur.

Et donc, "il a été montré il y a quelques semaines que, comme attendu, la C et l'HC ont une activité antivirale sur le SARS-CoV-2 in vitro" poursuit-il. Mais "cela n'implique pas nécessairement cependant que ces drogues ont une activité antivirale in vivo chez l'être humain", poursuit-il, rappelant qu'il "y a eu en effet moult essais décevants, concernant le virus de la dengue (pas de bénéfice) ou du chikungunya (effet délétère)" (la molécule "aide" le virus à se développer).

D'où la prudence à laquelle appellent de nombreux scientifiques ainsi que l'Organisation mondiale de la Santé ou les autorités sanitaires françaises ou américaines, qui lancent des essais cliniques encadrés, à grande échelle pour déterminer si la chloroquine -mais aussi d'autres molécules- a effectivement une efficacité sur le Covid et que son usage est sûr, avant de le généraliser.

Pourquoi fait-elle polémique ?

Deux publications, une chinoise et une française, font part de résultats positifs avec des essais cliniques, c'est-à-dire sur de vrais patients atteints du Covid.

Mais de nombreux scientifiques et l'OMS en pointent les limites, notamment parce qu'elle portent sur trop peu de patients et qu'elles n'ont pas été menées selon les protocoles scientifiques standards (tirage au sort des patients, médecins et patients ignorant qui reçoit le traitement, résultats publiés dans une revue scientifique à comité de lecture indépendant etc...).

Les essais chinois ont porté sur une centaine de personnes dans différents hôpitaux et concluaient à des effets positifs de la chloroquine.

En France, une vingtaine de patients ont reçu de l'hydroxychloroquine et, pour certains, en plus, l'antibiotique azithromycine.

"Malgré la petite taille de l'échantillon, notre étude montre que le traitement à l'hydroxychloroquine est associée, de façon significative, à une diminution/disparition de la charge virale (...) et ses effets sont renforcés par l'azithromycine", selon l'étude co-signée par le Pr Didier Raoult, de l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée infection.

Preuve de la complexité du sujet, une autre étude clinique chinoise -parue le 6 mars- n'a en revanche pas constaté d'efficacité particulière sur 30 malades.

"Il n'y pas d'étude qui montre quoi que ce soit quant à l'efficacité in vivo", résume Christophe D'Enfert, directeur scientifique de l'Institut Pasteur.

"Ces interrogations ne veulent absolument pas dire que l'HC n'a pas d'intérêt dans le traitement du Covid" mais "pour le savoir, il faut l'évaluer scientifiquement en suivant la méthodologie des essais cliniques", selon Marc Lecuit. 

Il y a donc d'un côté certains médecins, certains pays mais aussi des élus qui appellent à administrer largement de l'hydroxychloroquine au nom de l'urgence sanitaire. 

De l'autre, une partie de la communauté scientifique et des organisations sanitaires qui appellent à attendre des résultats validés selon la stricte orthodoxie scientifique avant de généraliser le traitement.

Qui l'utilise contre le Covid-19?

Compte tenu de l'explosion de demandes de chloroquine et d'hydroxycholoroquine depuis plusieurs semaines, on peut supposer que des médecins dans le monde entier ont pu en prescrire, en leur âme et conscience, à des patients atteints du Covid ou espérant ainsi s'en protéger.

Le Pr Raoult a promis quant à lui publiquement de distribuer une combinaison d'hydroxycholoroquine et d'azythromicine à "tous les patients infectés". 

Plusieurs pays autorisent son usage contre le Covid mais reste à savoir dans quel cadre.

Par exemple, en France, l'hydroxychloroquine (mais aussi des antiviraux lopinavir/ritonavir) est autorisée à titre dérogatoire à l'hôpital, sous la responsabilité des médecins et seulement pour les cas graves de Covid-19. 

Quant au Maroc, il a appelé les centres hospitaliers et directeurs régionaux de la Santé à "l'introduction" de chloroquine et d'hydroxychloroquine pour les "cas confirmés".

Pour ce qui est des essais cliniques, un essai européen baptisé Discovery a été lancé dans plusieurs pays dont la France, pour tester quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine, sur 3.200 patients sont 800 cas graves en France. Des résultats sont attendus dans les prochaines semaines. 

Aux Etats-Unis, la FDA, qui supervise la commercialisation des médicaments, a annoncé "un essai clinique étendu". 

L'OMS a aussi lancé un vaste essai clinique international.

le Vendredi 27 Mars 2020 à 04:19 | Lu 421 fois