Chikungunya : l'épidémie est lancée en Polynésie, l'arrêter semble impossible


Le 30 mai 2014 autour du premier cas importé de chikungunya à Pirae, les traitements anti-moustiques autour du domicile de la personne atteinte avaient permis d'éviter la propagation du virus. Quatre mois plus tard, à la Presqu'île il a fallu attendre la déclaration officielle d'une quinzaine de cas pour que les actions de prévention se mettent en place.
PAPEETE, le 13 octobre 2014. Alors que la dengue est en situation épidémique sur le territoire depuis février 2013, qu'une épidémie de zika a frappé le territoire durement entre novembre 2013 et avril 2014, l'arrivée du chikungunya crée une 3e épidémie en 18 mois avec comme vecteur unique dans les trois maladies : le moustique Aedes.

Le moustique Aedes Aegypti est l'ennemi N°1. C'est à lui qu'on doit, en Polynésie française les 16 000 à 32 000 cas confirmés de dengue depuis février 2013 ; mais aussi les 45 000 cas estimés de zika au cours des cinq mois qu'a duré l'épidémie ; c'est à lui aussi qu'on doit la contamination des premiers malades par le virus du chikungunya. Mais si l'Aedes Aegypti n'a pour l'instant pas trop de souci à se faire. La lutte anti-vectorielle de masse, sur l'ensemble du territoire, est loin d'être organisée pour faire face à cette nouvelle épidémie. La campagne menée contre le moustique pendant l'épidémie de zika n'avait même pas été poussée jusqu'à son terme. Les autorités avaient annoncé en décembre 2013 le dégitage dans toutes les communes de Tahiti et de Moorea appuyé par le passage des pulvérisations d'insecticide et ce, par deux fois, à quelques semaines d'intervalle. Or, certaines communes n'avaient même pas été concernées par le premier passage. Ecueil principal de cette lutte anti-vectorielle d'il y a quelques mois : la campagne avait démarré après le pic épidémique du zika, c'est-à-dire bien trop tard. Or c'est le même scénario qui se reproduit cette fois puisqu'on a attendu que les premiers cas surviennent pour reprendre la lutte anti-vectorielle.

Pourtant, depuis l'épidémie de zika, les autorités sanitaires n'ont eu de cesse de répéter au cours des derniers mois –et même depuis l'expansion d'Ebola- que la plus grande menace épidémique pour la Polynésie viendrait du chikungunya. Les opérations de lutte anti-vectorielle menées en pleine épidémie de zika, visiblement tardifs étaient même justifiées par cette prévention nécessaire pour retarder l'arrivée du chikungunya en Polynésie alors que les cas se multipliaient dans différents pays du Pacifique et que l'épidémie progressait avec rapidité dans toutes les Antilles françaises.

Sauf que sitôt la menace du zika s'est affaiblie, les opérations de lutte anti-vectorielle se sont arrêtées, dès la fin du mois de mars 2014, sans avoir été menées à leur terme et sans autre forme de prévention envers le grand public. Et c'est de nouveau, alors que l'épidémie de chikungunya est avérée en Polynésie avec des cas à Teva i Uta, à Taravao et à Punaauia que cette lutte anti-vectorielle vient de reprendre, en priorité pour traiter a posteriori les servitudes de Teva i Uta où résident les personnes atteintes par le virus au cours des derniers jours.

A la fin du mois mai dernier, le premier cas importé de chikungunya chez une patiente de retour d'un voyage aux Antilles avait pu être isolé à Pirae grâce à un traitement effectué dans l'entourage immédiat de la personne atteinte. Dans ce cas précis, c'est l'alerte rapide par la patiente et son médecin de son état qui avait permis de stopper net la propagation du virus. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui : avec une quinzaine de cas confirmés en quelques jours à peine dans différents secteurs de Tahiti, il apparait évident que le virus a déjà largement circulé dans l'île avant que l'alerte ne soit lancée. L'expérience de l'épidémie de zika n'aura donc pas servi de tremplin efficace pour une action plus combative et bien en amont, face à un virus nettement plus virulent. Rappelons que l'épidémie de chikungunya sur l'île de La Réunion entre 2005 et 2006 avait atteint près de 40% de la population. Les chiffres officiels de cette épidémie réunionnaise font état de 70 à 200 décès (directs et indirects). Aux Antilles françaises où l'épidémie sévit depuis la fin de l'année dernière, 135 000 personnes ont été atteintes en huit mois et 31 décès sont comptabilisés.


Une prise de conscience tardive

Comment a-t-on pu confirmer 15 cas de chikungunya en fin de semaine dernière ? Tout simplement parce que le Bureau de veille sanitaire, alerté par des médecins sentinelle que depuis quelques temps des patients avaient des symptômes similaires à la dengue et au zika mais dont les analyses biologiques revenaient négatives a demandé de reprendre certains de ces prélèvements en faisant une recherche sur le chikungunya. Sur les 20 prélèvements repris, 15 se sont avérés effectivement positifs au chikungunya. A la différence de fin mai dernier avec le cas isolé d'une personne de retour de Guadeloupe, le cas importé initial reste donc inconnu, comme l'était le premier cas de zika l'an dernier. D'autres cas restent à confirmer actuellement. A Punaauia, on compte pour l'instant un cas confirmé et deux cas suspects.

Que dit le plan d'action du Pays ?

Au début du mois d'août dernier, le Pays communiquait sur son retour d'expérience après l'épidémie de zika et la campagne de lutte anti-vectorielle déployée durant trois mois. Une mission d'évaluation externe avait permis d'établir un plan d'action en 12 recommandations.
Ce plan d'action a été activé dès vendredi dernier et, faute de prévention initiale, nous sommes passés directement du niveau 1 (présence d'épidémie dans des territoires voisins) au niveau 3 avec plusieurs foyers actifs sur un archipel (pour l'instant sur l'île de Tahiti uniquement). Ce niveau 3 prévoit la mise en place d'une lutte anti-vectorielle d'urgence autour des foyers avec trois passages de pulvérisation d'insecticide.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 13 Octobre 2014 à 08:51 | Lu 118913 fois