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Chèques services : les nouvelles dispositions font grincer des dents


La séance plénière hier matin au CESC a permis de rendre un avis sur trois projets de Loi du Pays.
La séance plénière hier matin au CESC a permis de rendre un avis sur trois projets de Loi du Pays.
PAPEETE, le 20 mai 2014- Le CESC a émis un avis défavorable (par 22 voix sur 37) concernant les nouvelles dispositions des chèques service aux particuliers (CSP) que le gouvernement polynésien compte mettre en place. La critique principale porte sur l’atteinte au statut de salarié et sur le fait que les charges sociales de ces CSP sont payées par le Pays.


Le travail salarié est-il en danger en Polynésie française ? Hier à écouter des représentants du patronat et y compris certains syndicalistes, parmi les grandes centrales locales, au sein de l’assemblée plénière du CESC, il y avait une vraie inquiétude sur le sujet. La saisine du CESC portait sur la loi de Pays, concoctée par le gouvernement dans le cadre du Plan de relance, qui va modifier certaines dispositions des chèques service aux particuliers (CSP). Ce dispositif créé en 2010 devait permettre de «lutter contre le travail clandestin pour des faibles volumes horaires » Selon la loi de Pays de 2010, le chèque service aux particuliers «tient lieu de contrat de travail, de déclaration à l’embauche et de bulletin de salaire». Il ne concerne, toutefois, que les tâches ménagères, la garde d’enfant à domicile, l’assistance pour les tâches quotidiennes aux personnes âgées de plus de 60 ans, invalides ou handicapées (hors soin de santé), les petits travaux de jardinage ou d’entretien et le soutien scolaire. Depuis leur création en 2010, l’usage des CSP était limité à un volume horaire de 52 heures par mois et par salarié employé. Le projet de loi du Pays imaginé par le gouvernement dans le cadre du Plan de relance, présenté le 16 avril dernier, doit permettre de porter le volume maximal à 80 heures pour la garde d’enfant, l’assistance aux personnes âgées et le soutien scolaire, au lieu de 52 heures actuellement, « ce dernier volume horaire apparaissant inapproprié pour des activités potentiellement consommatrices de temps».

Absence de contrôles

Premier écueil relevé par le CESC dans son rapport, l’impact en ricochet que ce relèvement à 80 heures peut entraîner sur les caisses de la Caisse de prévoyance sociale déjà largement déficitaires (près de 16 milliards de Fcfp). En effet, les employeurs utilisant les chèques services ne paient pas les charges sociales de leur employé ! Dans le système polynésien, c’est le Pays qui les prend en charge. Or, selon les textes en vigueur, le bénéfice du régime d’assurance maladie-invalidité au profit des travailleurs salariés est acquis, « dès lors que le travailleur peut justifier avoir effectué un minimum de 80 heures de travail par mois». Un transfert de charges est opéré entre le régime de solidarité (RSPF) et le régime général des salariés (RGS) dès que ce seuil est atteint. Bref, l’arrivée potentielle de plusieurs centaines de nouveaux «salariés » dont les cotisations sociales sont payées par le Pays peut compromettre l’équilibre des régimes de protection sociale.

Autre critique formulée par le CESC : l’absence de contrôle. Certes seuls trois secteurs d’activité pré déterminés sont visés par cette augmentation du volume horaire, mais rien ne permet de vérifier, dans les formules de chèque utilisées, dans quel secteur travaillent ces personnes. Des contrôles au domicile des employeurs sont également rares voire impossibles. Bref, c’est laisser libre cours à des dérives possibles qui mettraient en concurrence ces salariés indépendants «subventionnés» par rapport à ceux venant d’entreprises soumises à de plus amples contraintes.


L’emploi précarisé

L’inquiétude la plus partagée néanmoins dans les rangs du CESC tant chez des représentants des organisations patronales que syndicales est celle par lequel ce dispositif pourrait «créer un effet d’aubaine et favoriser l’emploi précaire». En augmentant le volume horaire des chèques service aux particuliers, ces employeurs particuliers «pourraient en effet être tentés de privilégier le dispositif du CSP » plutôt que de passer par le classique contrat de travail. «Où est la limite ? A 80 heures par mois on approche du mi-temps ! Pour moi, ce ne sont plus des petits travaux !» s’est exclamé Christophe Plée de la CG PME «est-ce qu’on ne va pas dénaturer le statut de salarié en Polynésie français ? » très remonté contre ce projet de loi de Pays.

Autre recommandation formulée par les représentants du CESC dans leur avis, celle qui concerne le secteur de l’assistance aux personnes âgées, invalides ou handicapées. Dans le Plan de relance, ce relèvement de l’usage des chèques service à 80 heures par mois doit permettre «de favoriser l’activité dans le secteur des services à la personne et l’émergence d’un nombre d’emplois de proximité plus important ». Mais certains membres du CESC se sont inquiétés qu’il n’est en revanche demandé aucune compétence aux personnes qui vont avoir à accomplir ces missions. Aussi le CESS recommande que «le dispositif s’inscrive dans une politique de développement du service à la personne plus ambitieuse qui réponde à la fois aux enjeux de création d’emplois et aux évolutions qui touchent la société polynésienne (…) La politique de la dépendance dépasse le seul cadre du chèque service aux particuliers et mérite une réflexion plus en profondeur».





Le chèque service aux particuliers est une formule pré-remplie correspondant à deux heures de travail rémunérées sur la base du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Soit actuellement 1822 Fcfp pour deux heures de travail.
Le chèque service aux particuliers est une formule pré-remplie correspondant à deux heures de travail rémunérées sur la base du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Soit actuellement 1822 Fcfp pour deux heures de travail.
EN CHIFFRES
94 601 chèques service aux particuliers ont été vendus en 2013 par les organismes financiers
(4% d’augmentation par rapport à 2012). Soit 1 693 employeurs ayant recruté 1 577 travailleurs à domicile, représentant un volume de 189 202 heures de travail.

Pour l’aide à l’accession à la propriété, contre les Contrats de chantier

Les deux avis suivants proposés en séance plénière du CESC ont recueilli l’unanimité des votes et les applaudissements des participants. Mais avec des décisions différentes. Le CESC a émis un avis négatif sur le contrat de chantier même s’il «est favorable à l’étude d’un nouveau type de contrat» estimant que la concertation n’avait pas prévalu dans cette décision du gouvernement sur un sujet qui réclame «une solution la plus consensuelle possible». Pas ou peu d’opposition en revanche sur le projet de loi du Pays instituant une aide à l’investissement des ménages pour la construction d’une maison ou l’acquisition d’un logement neuf à usage d’habitation principale.

Rédigé par M.L. le Mardi 20 Mai 2014 à 17:34 | Lu 2009 fois