“Ça tourne”, scande le réalisateur. “C’est bon pour moi”, clame l’ingé son. Pendant ce temps, Mathieu Lagarde dépose un filet de poisson dans de l’huile bouillante. “Tu mets à 200 degrés, il faut le surveiller”, taquine son frère, Jacques. Une scène qui serait anodine si elle se déroulait dans une cuisine lambda, devant les caméras de l’émission Top Chef comme à l’accoutumé pour les frères Lagarde. Sauf qu’aujourd’hui, pour le tournage du troisième épisode de la saga “Des chefs et des îles”, les frères Lagarde cuisinent du poisson avec Heimata Hall, chef local, en plein milieu d’un champ d’ananas perdu sur les hauteurs de Moorea. “Voilà, ça va bien protéger la chair pendant que la peau du poisson cuit”, glisse Mathieu Lagarde, sur ce plan de cuisine installé pour l’occasion sur une colline de la vallée d’Opunohu. Le plat d’aujourd’hui, “parce qu’il faut le nommer en plus ?”, plaisante un des frères. “On n’a qu’à dire : Du Fa’a’apu à la mer”.
C’est là tout l’objet de cette série documentaire en cours de préparation, co-produite par l’agence Red Soyu, la société Cosmopolitis productions et une toute jeune boîte de production locale, Stories&Co. Un défi pour Corinne Pouplard, plusieurs années d’expérience dans l’audiovisuel polynésien et désormais dirigeante de Stories&Co, sa boite de production émergente. Soutenue notamment par la chaine TNTV – sur laquelle l’émission sera prochainement diffusée –, Corinne orchestre aujourd’hui cette aventure gustative en terre polynésienne étalée sur cinq épisodes.
Et pour chacun d’eux, les chefs Lagarde, copropriétaires du restaurant Cascada Cocina & Bar en Espagne et demi-finalistes de Top Chef 2023, rencontreront un chef local, qui représentera le Fenua à travers sa technique et ses produits. L’objectif : aller à la rencontre des agriculteurs et producteurs en tout genre, puis cuisiner les produits du terroir polynésien dans un lieu insolite à la vue époustouflante. En d’autres termes, savourer la richesse des paysages polynésiens avec les yeux, avant d’en goûter les richesses culinaires. Ce lundi 29 avril, c’est Heimata, jeune chef de prestige de Moorea ayant fait ses armes dans des cuisines hawaiiennes, qui présente ses produits et son expérience à Mathieu et Jacques, devant un panorama à couper le souffle.
L’amour du local
Que ce soit leur potager d’enfance, ou leur travail dans une ferme de courgettes et de citrouilles en Australie, le respect du produit, cultivé et consommé au même endroit, a toujours compté pour la fratrie Lagarde. “Peu importe où on va, on fait du local. En Espagne, on fait du 100% local, on est très proches de nos agriculteurs. Et aujourd’hui en Polynésie, c’est pareil. Le but, c’est de mettre le produit principal en valeur.”
Et les ressources ne manquent pas, dans la cuisine polynésienne. “Coco, uru, ananas de Moorea…” : ils sont nombreux les ingrédients locaux qui surprennent encore aujourd’hui ces fins palais. Pour ces trois cuistots de talents, c’est évident : le travail du chef dépend des ingrédients dont ils disposent. Heimata l’explique : “Je ne sais pas si on le réalise mais les chefs, les agriculteurs et les pêcheurs travaillent ensemble. À la fin de la journée quand le plat est servi, ce sont eux les stars, et ce sont nos produits locaux les stars. Nous, les chefs, on met juste notre petite touche.”
Promouvoir la cuisine polynésienne
Cette coproduction avec la société de production Stories&Co de Corinne Pouplard, c’était donc l’occasion d’enfin mettre sur le devant de la scène des plats typiques du territoire. “Le but de ce programme, c’est d’abord ce partage avec les chefs Lagarde, mais c’est surtout de faire en sorte qu’on réalise qu’on a des produits d’une grande qualité ici”, conclut Heimata. “Et on peut mieux faire encore.”
Le test Piña colada des chef Lagarde
Quand on est chef depuis aussi longtemps que les frères Lagarde, le palais s’affine et l’exigence aussi. Lors de cette journée cuisine sur les hauteurs de l’Île Sœur, ils dévoilent une technique pour choisir le restaurant où ils désirent manger. Une tache compliquée quand on a fait de la cuisine sa profession. Pour faire un choix, ils font appel au test de la piña colada. Car une piña colada bien faite, avec des ingrédients locaux, c’est selon eux un gage de qualité et d’investissement du restaurateur. “Depuis qu’on est à Tahiti, on boit beaucoup de piña colada”, constate d’ailleurs Mathieu, le sourire en coin. “Peut-être un peu trop”, rigole Jacques. “Et ici, ils la font avec la noix de coco locale et ça n’a rien à voir, c’est délicieux. Une piña colada bien faite, c’est gras, ça a beaucoup de goût.”
Ce cocktail leur permet de jauger le sérieux d’un établissement et l’implication dans la cuisine qu’il propose. “Quand on goûte une piña colada et qu’on voit que ce n’est pas du local au goût, on fait la gueule”, intervient Jacques. “Et on ne sera pas intéressés pour y manger.”