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"Chasser les éclairs" en Corse pour améliorer les prévisions


Toulouse, France | AFP | jeudi 05/09/2018 - Le projet Exaedre, première campagne scientifique européenne dédiée à l'activité électrique, va "chasser les éclairs" en Corse du 13 septembre au 12 octobre à bord d'un "labo volant", afin d'améliorer la prévision et les connaissances de ce processus physique peu étudié.

"Aucune campagne scientifique européenne ne s'était jusque-là attelée à étudier en détail l'éclair, produit final de l'orage", a expliqué Éric Defer, responsable scientifique du projet Exaedre copiloté par cinq équipes universitaires. 
"C'est un phénomène naturel encore mal compris alors qu'il représente un risque majeur pour la société", a-t-il ajouté, lors d'une conférence de presse, mercredi. 
Pour remédier à cela, une trentaine de scientifiques vont partir en Corse pendant un mois "chasser les éclairs" directement à bord du véritable "labo volant" qu'est leur Falcon 20.
Dans cet ancien avion d'affaires des années 1980 s'entassent les machines les plus pointues de la recherche française. Détecteurs de particules à haute énergie, moulins à champ Ampera et radar de nuages Rasta ont ainsi été insérés au milieu des fauteuils en cuir à l'allure rétro. 
Le Falcon de l'unité Safire (Service des avions français instrumentés pour la recherche en environnement) réalisera ainsi des mesures in situ, en se rapprochant au plus près de cellules orageuses lors de 8 sessions de vol de 3 heures réalisées sur 200 km autour de la Corse.
Car étudier les éclairs avec précision implique de venir à la source, lorsqu'on sait que 90% d'entre eux restent dans le nuage et donc que seuls 10% se connectent au sol. 
Pour "échantillonner l'orage", l'avion partira de la partie haute des Cumulonimbus appelée l'enclume, en s'approchant de plus en plus du cœur de la convection : le nuage sera ainsi analysé sur trois niveaux de vol, à 10 km, 7 km puis puis 5 km d'altitude. 
Lors de cette expédition pas aussi périlleuse qu'elle en a l'air, les deux pilotes resteront "le plus safe possible", a précisé Thierry Perrin, responsable de l'instrumentation avion de Safire. "Même s'il faut aimer avoir une pratique du vol tordue, pour travailler chez nous !", sourit-il. 
A bord, un technicien, trois ingénieurs et un responsable scientifique échangeront en direct données et messages avec les équipes restées sur la terre ferme. Car à ces mesures aéroportées s'ajoutent des relevés sur le sol, collectés depuis plus longtemps déjà par les réseaux de détection des éclairs Saetta. 
 

-- L'éclair, "problématique qui explose" --

 
Ces mesures prises lors de la saison orageuse corse serviront de "démonstrateur pour extrapoler des résultats et scenarii-types sur le reste de la France et de l'Europe", selon le responsable scientifique du projet.
Concrètement, ces recherches pourraient permettre de mieux prévoir l'évolution des orages à courte échéance (15 à 30min) mais aussi d'améliorer les modèles de prévision météorologique à plus long terme (1 à 2 jours), en y intégrant "la composante éclair" qui n'y figure pas pour l'instant.   
"On ne va pas prévoir les impacts de foudre, ça ne sera pas comme dans +Retour vers le futur+ où Doc dit +Ah, il va pleuvoir à 23h02+", plaisante Éric Defer. "Mais on va pouvoir anticiper où vont se déplacer les cellules orageuses avec plus de précision". 
Alors que, selon les chercheurs, les orages vont se faire de plus en plus violents avec une plus grande activité électrique, l'étude des éclairs connaît désormais une "pleine croissance en Europe", a expliqué Pierre Tabary, responsable Atmosphère météorologique climat du CNES (centre national d'études spatiales), puisque le vieux continent est "très en retard sur les États-Unis".  
"C'est une problématique qui explose, avec des domaines d'application et des projets de plus en plus nombreux", a-t-il ajouté.
A terme, le projet Exaedre va justement essayer de développer des outils pour Taranis et Météosat 3e génération, deux projets de satellites spécialisés dans les orages, prévus respectivement pour 2019 et 2021.
Le projet, financé par divers organismes dont le CNES, le CNRS, Météo France, Safire et l'Université Toulouse III, affiche un coût total entre 4 et 5 millions d'euros.  

le Jeudi 6 Septembre 2018 à 06:40 | Lu 289 fois