Chasse à l'homme de Mahina : Le tatoueur condamné à deux ans de sursis


Tahiti, le 22 janvier 2024 – Le tatoueur placé en garde à vue en octobre dernier après avoir lancé une chasse à l'homme à l'encontre d'un cambrioleur à Mahina a été condamné lundi à deux ans de prison avec sursis. 
 
“Dommage qu'il n'y ait pas de live de cette audience aujourd'hui pour rappeler que la violence, la vengeance et la justice privée n'ont pas leur place dans notre société” a asséné la présidente du tribunal lundi lors de comparutions immédiates. Trois mois après la diffusion, sur les réseaux sociaux, d'une vidéo dans laquelle un tatoueur de 38 ans lançait une chasse à l'homme à l'encontre d'un voleur multirécidiviste qui avait cambriolé son local professionnel, le procès de l'intéressé ainsi que de six autres hommes s'est déroulé lundi en correctionnelle. 
 
Tel que l'a rappelé la présidente du tribunal à l'ouverture des débats, cette “histoire” avait débuté dans la nuit du 18 au 19 octobre dernier lorsqu'un tatoueur de 38 ans, inconnu de la justice, avait constaté qu'un vol avait été perpétré dans son local professionnel sous une caméra de vidéosurveillance. Trois jours plus tard et alors qu'il avait porté plainte, le trentenaire avait publié une vidéo sur Facebook dans laquelle il demandait de l'aide pour retrouver le cambrioleur. Après avoir été rejoint par des proches ou des connaissances, le tatoueur s'était rendu au domicile du voleur qui se trouvait avec sa belle-famille et son enfant. L'homme avait reçu plusieurs gifles et avait ensuite été embarqué dans une voiture à bord de laquelle il avait également été frappé. Le petit groupe avait finalement déposé l'individu sur le parking de la gendarmerie. Le tout avait été filmé durant 36 minutes, diffusé sur les réseaux sociaux et suivi par 1500 personnes. 
 
“Pompier pyromane”
 
Premier des sept prévenus à être interrogé par le tribunal lundi, le tatoueur, ancien cuisiner dans l'armée, a reconnu avoir mis des gifles à la victime. “Mon instinct paternel a pris le dessus car ce salon de tatouage, c'est comme notre enfant. Sa création a demandé beaucoup de sacrifices”, a-t-il déclaré avant d'affirmer qu'il avait agi “sans réfléchir” et qu'il regrettait les faits. L'homme a réfuté avoir voulu se faire justice lui-même en rappelant qu'il avait même essayé de limiter la casse lorsque certaines des personnes présentes avaient tenté de frapper à nouveau le cambrioleur. Ce à quoi la présidente du tribunal lui a répondu qu'il avait agi comme un “pompier pyromane” : “Lorsqu'on allume ce genre de feux, on ne sait jamais comment cela va se terminer.” 
 
Entendus à leur tour, les six autres prévenus, pour la plupart insérés professionnellement et pères de famille, ont reconnu les faits qui leur étaient respectivement reprochés en expliquant qu'ils avaient juste voulu aider le tatoueur à “récupérer ses affaires”. L'un d'entre eux a même concédé qu'il avait suivi le mouvement car il n'avait pas grand-chose à faire ce jour-là. Le cambrioleur, récemment condamné à trois ans de prison ferme pour de multiples vols dont celui commis dans le local du tatoueur a, pour sa part, expliqué qu'il avait eu “plus de peur que de mal” sans s'attarder davantage. 
 
“Volonté de vengeance”
 
Lors de ses réquisitions, le procureur de la République a balayé l'idée selon laquelle le tatoueur aurait voulu se faire justice lui-même car l'enquête aurait duré trop longtemps. Il a ainsi rappelé que l'ADN du cambrioleur avait été retrouvé sur les lieux des cambriolages et que ce dernier avait été rapidement condamné à une peine conséquente. “Il y avait une volonté de vengeance, une envie de venir le rosser car tout au long de la vidéo, [le tatoueur] a invité les gens à le rejoindre et s'est réjoui du nombre de personnes qui suivaient son live.” Deux ans de prison ont été requis contre le tatoueur et des peines de 117 heures de travail d'intérêt général à 15 mois de sursis à l'encontre des six autres prévenus dont l'un était absent. 
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné le tatoueur à deux ans de prison avec sursis comme requis par le parquet. Les autres prévenus ont écopé de peines comprises entre quatre et 18 mois de prison avec sursis. 
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 22 Janvier 2024 à 19:05 | Lu 11988 fois