Tahiti, le 22 avril 2025 - Virginie Duvat, spécialiste des risques côtiers et de l’adaptation au changement climatique en milieu insulaire tropical, a participé en tant qu’autrice principale au chapitre “Petites îles” aux 5e et 6e rapports d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Elle animera une conférence à l’Université de la Polynésie française le 29 avril pour apporter des éléments de réponses à la question : Peut-on s’appuyer sur les écosystèmes côtiers et marins pour s’adapter au changement climatique dans les îles tropicales ?
Votre conférence portera sur les adaptations au changement climatique. La Polynésie est-elle d'ores et déjà touchée par l'élévation du niveau de la mer et si oui, où et comment cela se manifeste-t-il ?
“Nous estimons l'élévation du niveau marin à 2,3 mm/an en moyenne au cours des dernières décennies. L'élévation du niveau marin s'accélère depuis le début des années 1990 et elle va continuer à s'accélérer dans le futur si on reste sur la trajectoire d'émission de gaz à effet de serre actuelle. Cette élévation accroît les risques d'érosion côtière, de submersion marine, de submersion-inondation, de salinisation des sols et des nappes d'eau souterraines et de déclin des écosystèmes marins et côtiers.”
Concrètement comment cela se traduit-il ?
“D'une part, par des dégâts causés aux enjeux humains – les bâtis, infrastructures – et la perturbation des activités économiques comme la pêche, l’aquaculture, l’agriculture ou le tourisme) en raison des niveaux marins extrêmes associés aux houles distantes et aux tempêtes, et d'autre part par une obsolescence progressive des infrastructures majeures – les routes, aéroports et ports – qui devront être ajustées au niveau marin futur. Mais l'élévation du niveau marin n'est pas la seule pression climatique qui pèse sur les littoraux polynésiens, ses effets sont aggravés par l'augmentation de l'intensité des pluies cycloniques et de la fréquence des épisodes de blanchissement corallien.”
Vous parlez d’accélération dans le futur, pouvez-vous préciser ?
“Les pressions climatiques sont irréversibles et leur augmentation va se poursuivre, en effet. Un phénomène comme l'élévation du niveau marin est irréversible et l'on sait qu'il va se poursuivre jusqu'à 2100, voire 2300 car il existe de l'inertie dans le fonctionnement de la machine climat-océan. Cela signifie qu'il y a un délai de réponse et une poursuite des tendances à travers le temps, même en cas d'arrêt des émissions de gaz à effet de serre. Si l'on arrêtait d'en produire à l'échelle du globe, l'on continuerait à observer une élévation du niveau de la mer pendant un certain temps.”
Certaines îles sont-elles touchées et à quel degré ?
“Il reste difficile de dire que telle ou telle manifestation est liée et dans quelle proportion au changement climatique. L'érosion côtière, par exemple, est multi-factorielle. Si l'élévation du niveau marin joue un rôle, d'autres facteurs interviennent aussi : la production de sédiments par les récifs, le transport des sédiments par les vagues et les courants marins, les perturbations liées aux activités humaines (extraction de sable, aménagements qui font barrage aux sédiments, etc.).”
Vous travaillez sur l’évaluation des impacts du changement climatique et sur les mesures d’adaptation, où se trouvent vos terrains d’étude ?
“J'ai travaillé sur les outre-mer des trois bassins océaniques : la région des Caraïbes, l'océan Indien et l'océan Pacifique. J’ai commencé en Polynésie en 2013 et plus particulièrement sur les atolls des Tuamotu, Rangiroa, Tikehau, Mataiva, Takapoto, Takaroa, Anaa et Hao, des îles de la Société, Tahiti, Moorea et Raiatea et aux Australes, à Tubuai.”
Votre conférence portera sur les adaptations au changement climatique. La Polynésie est-elle d'ores et déjà touchée par l'élévation du niveau de la mer et si oui, où et comment cela se manifeste-t-il ?
“Nous estimons l'élévation du niveau marin à 2,3 mm/an en moyenne au cours des dernières décennies. L'élévation du niveau marin s'accélère depuis le début des années 1990 et elle va continuer à s'accélérer dans le futur si on reste sur la trajectoire d'émission de gaz à effet de serre actuelle. Cette élévation accroît les risques d'érosion côtière, de submersion marine, de submersion-inondation, de salinisation des sols et des nappes d'eau souterraines et de déclin des écosystèmes marins et côtiers.”
Concrètement comment cela se traduit-il ?
“D'une part, par des dégâts causés aux enjeux humains – les bâtis, infrastructures – et la perturbation des activités économiques comme la pêche, l’aquaculture, l’agriculture ou le tourisme) en raison des niveaux marins extrêmes associés aux houles distantes et aux tempêtes, et d'autre part par une obsolescence progressive des infrastructures majeures – les routes, aéroports et ports – qui devront être ajustées au niveau marin futur. Mais l'élévation du niveau marin n'est pas la seule pression climatique qui pèse sur les littoraux polynésiens, ses effets sont aggravés par l'augmentation de l'intensité des pluies cycloniques et de la fréquence des épisodes de blanchissement corallien.”
Vous parlez d’accélération dans le futur, pouvez-vous préciser ?
“Les pressions climatiques sont irréversibles et leur augmentation va se poursuivre, en effet. Un phénomène comme l'élévation du niveau marin est irréversible et l'on sait qu'il va se poursuivre jusqu'à 2100, voire 2300 car il existe de l'inertie dans le fonctionnement de la machine climat-océan. Cela signifie qu'il y a un délai de réponse et une poursuite des tendances à travers le temps, même en cas d'arrêt des émissions de gaz à effet de serre. Si l'on arrêtait d'en produire à l'échelle du globe, l'on continuerait à observer une élévation du niveau de la mer pendant un certain temps.”
Certaines îles sont-elles touchées et à quel degré ?
“Il reste difficile de dire que telle ou telle manifestation est liée et dans quelle proportion au changement climatique. L'érosion côtière, par exemple, est multi-factorielle. Si l'élévation du niveau marin joue un rôle, d'autres facteurs interviennent aussi : la production de sédiments par les récifs, le transport des sédiments par les vagues et les courants marins, les perturbations liées aux activités humaines (extraction de sable, aménagements qui font barrage aux sédiments, etc.).”
Vous travaillez sur l’évaluation des impacts du changement climatique et sur les mesures d’adaptation, où se trouvent vos terrains d’étude ?
“J'ai travaillé sur les outre-mer des trois bassins océaniques : la région des Caraïbes, l'océan Indien et l'océan Pacifique. J’ai commencé en Polynésie en 2013 et plus particulièrement sur les atolls des Tuamotu, Rangiroa, Tikehau, Mataiva, Takapoto, Takaroa, Anaa et Hao, des îles de la Société, Tahiti, Moorea et Raiatea et aux Australes, à Tubuai.”
Le Pays s’est-il déjà emparé de la question ?
“La Polynésie prend en compte ces pressions climatiques, bien que l'on ne dispose pas de projections précises et régionalisées pour l'ensemble des pressions climatiques. Le Plan climat de la Polynésie française, qui vient d'être révisé pour la période 2024-2030, propose une stratégie générale d'adaptation au changement climatique qui s'appuie sur plusieurs piliers. Pour l'adaptation, il s’agit de développer des territoires de proximité résilients, de connaître, préserver, restaurer et valoriser les richesses naturelles, et de déployer une gouvernance transversale. Ces piliers contiennent des actions de développement des connaissances, de renforcement des capacités, de développement de démarches prospectives, par exemple, qui sont toutes des leviers de l'adaptation au changement climatique.”
Les mesures d’adaptation que vous préconisez s’appuient sur les écosystèmes, quelles sont-elles ?
“Plusieurs projets d'adaptation côtière fondés sur les écosystèmes sont déjà en cours, dont un projet de restauration de la végétation côtière sur la côte océanique de Hao pour réduire l'érosion côtière et la submersion marine, un projet de restauration de la forêt primaire intérieure visant à réduire le risque de submersion marine cyclonique dans le village de Tukuhora (Anaa), un projet de restauration de la végétation indigène du littoral déployé à Paea, sur Tahiti, un projet de sensibilisation et de soutien au développement des récifs coralliens porté par l'association Coral Gardeners sur Moorea, Tahiti, Ahe et Tikehau et un projet hybride, qui associe un brise-lames et du rechargement de la plage en sable avec replantation d'espèces indigènes, pour lutter contre l'érosion sur la plage de Tahiamanu à Moorea.”
Ces solutions offrent-elles de vraies perspectives ?
“Ces projets sont encore relativement récents et les écosystèmes restaurés n'ont pas atteint le stade de maturité auquel ils sont efficaces pour réduire les risques. Cependant, l'on sait – parce qu'on en a des exemples ailleurs – que la restauration de la végétation littorale peut réduire les risques si elle est réalisée sur une bande côtière d'une certaine largeur et à l'échelle d'une plage ou d'un compartiment sédimentaire entier. L'enjeu est donc de passer de projets encore expérimentaux et menés très localement à des projets ambitieux conduits à grande échelle pour optimiser les bénéfices. Il faut ajouter que les solutions fondées sur les écosystèmes génèrent des bénéfices multiples, qui sont à prendre en compte comme la valorisation des savoirs locaux et autochtones, le soutien à l'économie locale, le renforcement des connaissances et des compétences locales, l’amélioration du bien-être humain, etc. C'est une voie alternative à la protection lourde que sont les murs et enrochements à considérer sérieusement pour l'ensemble des bénéfices qu'elle peut avoir dans les îles tropicales. C’est donc important que la Polynésie développe son savoir-faire sur ces solutions-là.”
“La Polynésie prend en compte ces pressions climatiques, bien que l'on ne dispose pas de projections précises et régionalisées pour l'ensemble des pressions climatiques. Le Plan climat de la Polynésie française, qui vient d'être révisé pour la période 2024-2030, propose une stratégie générale d'adaptation au changement climatique qui s'appuie sur plusieurs piliers. Pour l'adaptation, il s’agit de développer des territoires de proximité résilients, de connaître, préserver, restaurer et valoriser les richesses naturelles, et de déployer une gouvernance transversale. Ces piliers contiennent des actions de développement des connaissances, de renforcement des capacités, de développement de démarches prospectives, par exemple, qui sont toutes des leviers de l'adaptation au changement climatique.”
Les mesures d’adaptation que vous préconisez s’appuient sur les écosystèmes, quelles sont-elles ?
“Plusieurs projets d'adaptation côtière fondés sur les écosystèmes sont déjà en cours, dont un projet de restauration de la végétation côtière sur la côte océanique de Hao pour réduire l'érosion côtière et la submersion marine, un projet de restauration de la forêt primaire intérieure visant à réduire le risque de submersion marine cyclonique dans le village de Tukuhora (Anaa), un projet de restauration de la végétation indigène du littoral déployé à Paea, sur Tahiti, un projet de sensibilisation et de soutien au développement des récifs coralliens porté par l'association Coral Gardeners sur Moorea, Tahiti, Ahe et Tikehau et un projet hybride, qui associe un brise-lames et du rechargement de la plage en sable avec replantation d'espèces indigènes, pour lutter contre l'érosion sur la plage de Tahiamanu à Moorea.”
Ces solutions offrent-elles de vraies perspectives ?
“Ces projets sont encore relativement récents et les écosystèmes restaurés n'ont pas atteint le stade de maturité auquel ils sont efficaces pour réduire les risques. Cependant, l'on sait – parce qu'on en a des exemples ailleurs – que la restauration de la végétation littorale peut réduire les risques si elle est réalisée sur une bande côtière d'une certaine largeur et à l'échelle d'une plage ou d'un compartiment sédimentaire entier. L'enjeu est donc de passer de projets encore expérimentaux et menés très localement à des projets ambitieux conduits à grande échelle pour optimiser les bénéfices. Il faut ajouter que les solutions fondées sur les écosystèmes génèrent des bénéfices multiples, qui sont à prendre en compte comme la valorisation des savoirs locaux et autochtones, le soutien à l'économie locale, le renforcement des connaissances et des compétences locales, l’amélioration du bien-être humain, etc. C'est une voie alternative à la protection lourde que sont les murs et enrochements à considérer sérieusement pour l'ensemble des bénéfices qu'elle peut avoir dans les îles tropicales. C’est donc important que la Polynésie développe son savoir-faire sur ces solutions-là.”
Pratique
Conférence “Savoirs pour tous” le 29 avril à 17 h 30 à l’Université de la Polynésie française dans l’auditorium du pôle recherche.
Entrée libre.
Conférence “Savoirs pour tous” le 29 avril à 17 h 30 à l’Université de la Polynésie française dans l’auditorium du pôle recherche.
Entrée libre.