Crédit photo : Greg Boissy.
Tahiti, le 14 mars 2023 – La géographe et autrice du chapitre “petites îles” pour le 6e rapport du Giec, Virginie Duvat, a donné une conférence lundi à Papeete sur la nécessité pour les nations insulaires de trouver des mesures d'adaptations aux effets du changement climatique comme la montée des eaux.
Face aux changements climatiques, la Polynésie est en première ligne. Même si les îles, notamment du Pacifique, sont moins touchées par le réchauffement de la planète en raison de leur situation géographique (0,6 à 1 degré supplémentaire contre 1,2 à l'échelle mondiale), elles subissent et vont subir de plein fouet les conséquences de la montée des eaux. Pour tenter de contrer ces futurs effets, deux types de solutions existent. “L'atténuation”, qui consiste tout simplement à diminuer ou à stopper nos rejets de CO2 dans l'atmosphère et “l'adaptation”, qui est l'ensemble des solutions possibles pour diminuer l'impact de ce changement climatique, sur la société et les écosystèmes.
Virginie Duvat, géographe, professeur de géographie côtière à l'université de La Rochelle et autrice principale du 6e rapport d'évaluation du Giec sur le chapitre “petites îles”, est actuellement en Polynésie, dans le cadre d'une étude pour analyser et évaluer des solutions d'adaptations côtières au fenua. Ce programme, qui s'inscrit dans le plan climat de l'État, va se dérouler sur trois années dans l'ensemble des outremers. Ainsi, il va mettre en place et étudier les résultats de 25 à 30 projets, dont 6 en Polynésie, comme des restaurations de plages, de mangroves ou de récifs coralliens, pour émettre un rapport sur les solutions adéquates, en fonction des territoires, pour tenter de limiter les risques d'érosion et de submersions marines. Même si l'atténuation est la donnée primordiale dans la guerre contre le réchauffement climatique, l'adaptation est tout de même vitale, surtout pour les petites îles selon la géographe. “Même si on venait à stopper définitivement la totalité des émissions de CO2, on sait que le niveau des océans va continuer à monter jusqu'à au moins 2300, donc il faut vraiment mettre en place des outils d'adaptation”, a expliqué Virginie Duvat lors d'une conférence qu'elle a tenue lundi soir à Papeete.
Bâtiments surélevés et enrochements
Créer des solutions d'adaptations aux effets du changement climatique est complexe. En effet, celles-ci doivent prendre en compte des notions essentielles telles que le temps et l'aggravation perpétuelle des conséquences du réchauffement de la planète. “C'est très compliqué, car il faut être capable de designer des combinaisons de solutions qui peuvent varier le long d'un littoral. Elles vont devoir également changer au fil du temps, car les risques vont évoluer et donc elles sont vouées à devenir obsolètes. Cependant, on ne peut pas ne rien faire pendant encore 40 ou 50 ans, car il y aurait trop d'impacts. Tout comme on ne peut pas mettre en place des solutions ultimes de fin de siècle de suite, comme la délocalisation des populations vivant dans des zones à risques”, a détaillé Virginie Duvat.
Il existe de multiples solutions pour s'adapter aux futures conséquences des changements climatiques. La première catégorie prend en compte la réduction directe de la vulnérabilité de l'Homme, avec la fabrication de bâtiments et d'habitations surélevées, mais également avec la conception d'ouvrages de défense lourde comme des enrochements, ou même en surélevant les niveaux de terrain en zone à risques, “concernant l'enrochement, il faut faire attention à les bâtir selon les normes. En Polynésie, beaucoup ne le sont pas. Ce qui est un risque énorme lors de vagues cycloniques, elles les détruisent et projettent les pierres sur les habitations”, a expliqué la géographe. Nous pouvons également agir sur l'écosystème en replantant des mangroves ou des récifs coralliens qui nous protègent des houles puissantes qui ne vont cesser de s'intensifier avec le réchauffement climatique. Virginie Duvat a également insisté sur le fait qu'aucune solution universelle n’existait : " Il n'y a pas de solution unanime, car elles dépendent du contexte. Les risques de submersion ne sont par exemple par les mêmes à Papeete, qui est un territoire urbanisé sur une île haute, qu'à Rangiroa”.
Le tabou de la délocalisation
Parmi les différentes mesures d'adaptation qui existent, la solution la plus extrême est bien entendu la relocalisation, bien qu'elle reste pour l'instant assez tabou. “Mettre en place de façon optimale des plans de délocalisation sera très long. Il faudrait tout d'abord prévoir une très longue phase de préparation, a expliqué Virginie Duvat, de plus pour réussi à concrétiser une mesure comme celle-ci efficacement, il faut prendre en compte des facteurs sociaux culturels comme l'âge, le sexe, la profession, les revenus. Dans le Pacifique, les gens vivent aussi de façon communautaire. Chaque peuple à ses spécificités qu'il faut déterminer dans le cadre d'une délocalisation. Mais il faut également prévoir des investissements, du budget, pour que ça soit attractif pour les gens qui se déplacent comme avec une meilleure santé, une meilleure éducation...”
Dans le cadre de son travail en Polynésie, la géographe a étudié une délocalisation possible des habitants de Rangiroa qui, vivant sur un atoll, seront parmi les premiers concernés : “On a mesuré plusieurs motu de l'atoll et on s'est rendu compte que certains motu inhabités, au sud-est, étaient plus hauts que les autres. Quand on fait une simulation avec des cas extrêmes de houles et de tempêtes, on remarque qu'ils ne sont pas submergés comme les autres. Ces motu peuvent donc être une solution sur le long terme en cas de relogement de la population”.
Des politiques d'actions à définir
Pour être efficace, les pays doivent définir des politiques d'action d'adaptation qui ont besoin d'être continuellement évaluées, ce que la plupart ne font pas : “En fait, la plupart des politiques publiques sur ce sujet sont sous-évaluées. On ne sait pas trop si on est sur la bonne voie ou non. Il faut qu'à l'échelle du globe, on puisse analyser les retombés des méthodes d'adaptation”. De plus, selon Virginie Duvat, les questions de coûts et de retombés économiques rentrent en compte dans le choix de la politique d'action des pays : “Tout d'abord ils regardent ce qui sera la plus efficace pour réduire les impacts du changement climatique. Ensuite, et parce que nous sommes dans une société capitaliste, on étudie aussi le rapport coût-bénéfice. C'est d'ailleurs pour ça qu'on ne fait pas de surélévation de bâtiments, car ça coûterait trop cher. Au contraire, agir sur la nature en restaurant des marais maritimes par exemple, ça reste abordable”. Pour l'instant Virginie Duvat et son équipe vont continuer leur travail dans les outremers pendant encore de nombreuses semaines. Leur objectif final est d'être capable, dès l'année prochaine, de tirer un bilan sur les solutions les plus utiles et pratiques à mettre en place, en fonction des différents territoires, contre les risques de submersions marines.
Face aux changements climatiques, la Polynésie est en première ligne. Même si les îles, notamment du Pacifique, sont moins touchées par le réchauffement de la planète en raison de leur situation géographique (0,6 à 1 degré supplémentaire contre 1,2 à l'échelle mondiale), elles subissent et vont subir de plein fouet les conséquences de la montée des eaux. Pour tenter de contrer ces futurs effets, deux types de solutions existent. “L'atténuation”, qui consiste tout simplement à diminuer ou à stopper nos rejets de CO2 dans l'atmosphère et “l'adaptation”, qui est l'ensemble des solutions possibles pour diminuer l'impact de ce changement climatique, sur la société et les écosystèmes.
Virginie Duvat, géographe, professeur de géographie côtière à l'université de La Rochelle et autrice principale du 6e rapport d'évaluation du Giec sur le chapitre “petites îles”, est actuellement en Polynésie, dans le cadre d'une étude pour analyser et évaluer des solutions d'adaptations côtières au fenua. Ce programme, qui s'inscrit dans le plan climat de l'État, va se dérouler sur trois années dans l'ensemble des outremers. Ainsi, il va mettre en place et étudier les résultats de 25 à 30 projets, dont 6 en Polynésie, comme des restaurations de plages, de mangroves ou de récifs coralliens, pour émettre un rapport sur les solutions adéquates, en fonction des territoires, pour tenter de limiter les risques d'érosion et de submersions marines. Même si l'atténuation est la donnée primordiale dans la guerre contre le réchauffement climatique, l'adaptation est tout de même vitale, surtout pour les petites îles selon la géographe. “Même si on venait à stopper définitivement la totalité des émissions de CO2, on sait que le niveau des océans va continuer à monter jusqu'à au moins 2300, donc il faut vraiment mettre en place des outils d'adaptation”, a expliqué Virginie Duvat lors d'une conférence qu'elle a tenue lundi soir à Papeete.
Bâtiments surélevés et enrochements
Créer des solutions d'adaptations aux effets du changement climatique est complexe. En effet, celles-ci doivent prendre en compte des notions essentielles telles que le temps et l'aggravation perpétuelle des conséquences du réchauffement de la planète. “C'est très compliqué, car il faut être capable de designer des combinaisons de solutions qui peuvent varier le long d'un littoral. Elles vont devoir également changer au fil du temps, car les risques vont évoluer et donc elles sont vouées à devenir obsolètes. Cependant, on ne peut pas ne rien faire pendant encore 40 ou 50 ans, car il y aurait trop d'impacts. Tout comme on ne peut pas mettre en place des solutions ultimes de fin de siècle de suite, comme la délocalisation des populations vivant dans des zones à risques”, a détaillé Virginie Duvat.
Il existe de multiples solutions pour s'adapter aux futures conséquences des changements climatiques. La première catégorie prend en compte la réduction directe de la vulnérabilité de l'Homme, avec la fabrication de bâtiments et d'habitations surélevées, mais également avec la conception d'ouvrages de défense lourde comme des enrochements, ou même en surélevant les niveaux de terrain en zone à risques, “concernant l'enrochement, il faut faire attention à les bâtir selon les normes. En Polynésie, beaucoup ne le sont pas. Ce qui est un risque énorme lors de vagues cycloniques, elles les détruisent et projettent les pierres sur les habitations”, a expliqué la géographe. Nous pouvons également agir sur l'écosystème en replantant des mangroves ou des récifs coralliens qui nous protègent des houles puissantes qui ne vont cesser de s'intensifier avec le réchauffement climatique. Virginie Duvat a également insisté sur le fait qu'aucune solution universelle n’existait : " Il n'y a pas de solution unanime, car elles dépendent du contexte. Les risques de submersion ne sont par exemple par les mêmes à Papeete, qui est un territoire urbanisé sur une île haute, qu'à Rangiroa”.
Le tabou de la délocalisation
Parmi les différentes mesures d'adaptation qui existent, la solution la plus extrême est bien entendu la relocalisation, bien qu'elle reste pour l'instant assez tabou. “Mettre en place de façon optimale des plans de délocalisation sera très long. Il faudrait tout d'abord prévoir une très longue phase de préparation, a expliqué Virginie Duvat, de plus pour réussi à concrétiser une mesure comme celle-ci efficacement, il faut prendre en compte des facteurs sociaux culturels comme l'âge, le sexe, la profession, les revenus. Dans le Pacifique, les gens vivent aussi de façon communautaire. Chaque peuple à ses spécificités qu'il faut déterminer dans le cadre d'une délocalisation. Mais il faut également prévoir des investissements, du budget, pour que ça soit attractif pour les gens qui se déplacent comme avec une meilleure santé, une meilleure éducation...”
Dans le cadre de son travail en Polynésie, la géographe a étudié une délocalisation possible des habitants de Rangiroa qui, vivant sur un atoll, seront parmi les premiers concernés : “On a mesuré plusieurs motu de l'atoll et on s'est rendu compte que certains motu inhabités, au sud-est, étaient plus hauts que les autres. Quand on fait une simulation avec des cas extrêmes de houles et de tempêtes, on remarque qu'ils ne sont pas submergés comme les autres. Ces motu peuvent donc être une solution sur le long terme en cas de relogement de la population”.
Des politiques d'actions à définir
Pour être efficace, les pays doivent définir des politiques d'action d'adaptation qui ont besoin d'être continuellement évaluées, ce que la plupart ne font pas : “En fait, la plupart des politiques publiques sur ce sujet sont sous-évaluées. On ne sait pas trop si on est sur la bonne voie ou non. Il faut qu'à l'échelle du globe, on puisse analyser les retombés des méthodes d'adaptation”. De plus, selon Virginie Duvat, les questions de coûts et de retombés économiques rentrent en compte dans le choix de la politique d'action des pays : “Tout d'abord ils regardent ce qui sera la plus efficace pour réduire les impacts du changement climatique. Ensuite, et parce que nous sommes dans une société capitaliste, on étudie aussi le rapport coût-bénéfice. C'est d'ailleurs pour ça qu'on ne fait pas de surélévation de bâtiments, car ça coûterait trop cher. Au contraire, agir sur la nature en restaurant des marais maritimes par exemple, ça reste abordable”. Pour l'instant Virginie Duvat et son équipe vont continuer leur travail dans les outremers pendant encore de nombreuses semaines. Leur objectif final est d'être capable, dès l'année prochaine, de tirer un bilan sur les solutions les plus utiles et pratiques à mettre en place, en fonction des différents territoires, contre les risques de submersions marines.