Crédit photo : Louis COSTES - Ponte à Papearii le 4 décembre 2020
Tahiti, le 11 décembre 2020 - C’est une vraie curiosité naturelle qui a été découverte par hasard en 2014 par un passionné de la mer : les coraux de l’espèce Porites rus pondent tous en même temps, à travers plusieurs îles, cinq jours après la pleine lune de novembre et décembre pendant la saison chaude. Ils sont désormais des dizaines à observer ce phénomène et à tenter de le comprendre.
On ne sait pas comment elles y arrivent, mais tous les ans, cinq jours après la pleine lune en novembre et en décembre, à exactement 7h du matin, au milieu de la saison chaude, toutes les colonies de coraux Porites rus situées dans les lagons des îles de la Société pondent en même temps, à quelques minutes d’intervalle. Pendant l’évènement, le lagon entier devient trouble autour des colonies, comme un épais brouillard sous-marin...
On ne sait pas comment elles y arrivent, mais tous les ans, cinq jours après la pleine lune en novembre et en décembre, à exactement 7h du matin, au milieu de la saison chaude, toutes les colonies de coraux Porites rus situées dans les lagons des îles de la Société pondent en même temps, à quelques minutes d’intervalle. Pendant l’évènement, le lagon entier devient trouble autour des colonies, comme un épais brouillard sous-marin...
Crédit photo : Vetea LIAO - A Vairao, Teanuanua observe la ponte en snorkeling
Ce phénomène surprenant a été découvert il y a quelques années à peine, en 2014. Il passionne chaque année de plus en plus de monde. Vendredi dernier, le 4 décembre 2020, ils étaient une cinquantaine à se mettre à l’eau à 6h45 du matin pour espérer voir ces épais nuages s’élever des colonies de Porites rus. Et comme prévu, que ce soit à Tahiti, Moorea, Bora Bora, Maupiti ou Raiatea et Tahaa, les coraux étaient au rendez-vous pour offrir leur spectacle aquatique unique.
Si les bénévoles qui se sont mobilisés pour ce projet de science citoyenne ont prouvé que Porites rus arrivait à synchroniser sa ponte dans tout l’archipel, ils espèrent désormais vérifier si cette performance ne s’étendrait pas également aux autres zones où le corail est présent, des Tuamotu jusqu’à l’océan Indien. Ils aimeraient aussi en profiter pour multiplier les actions de sensibilisation du grand public à la protection du corail, profitant de la prévisibilité de l’événement et de ses horaires très pratiques, en particulier pour les enfants.
Si les bénévoles qui se sont mobilisés pour ce projet de science citoyenne ont prouvé que Porites rus arrivait à synchroniser sa ponte dans tout l’archipel, ils espèrent désormais vérifier si cette performance ne s’étendrait pas également aux autres zones où le corail est présent, des Tuamotu jusqu’à l’océan Indien. Ils aimeraient aussi en profiter pour multiplier les actions de sensibilisation du grand public à la protection du corail, profitant de la prévisibilité de l’événement et de ses horaires très pratiques, en particulier pour les enfants.
Crédit photo : Vetea LIAO
Le Porites rus, super-corail
D’abord, les coraux qui pondent la journée sont rares. Mais des espèces qui pondent la journée de façon synchronisées à travers plusieurs îles, c’était inconnu en Polynésie, et peut-être même dans le monde.
Pourtant s’il y a une espèce de coraux dont on aurait pu attendre cet exploit, c’est bien le Porites rus. Ce corail ultra-résistant aux UV, à la chaleur et à l’acidification des eaux est un des principaux espoirs de nos lagons contre le changement climatique. Vous le connaissez sans doute sans savoir son nom, car il prend de multiples apparences. Il peut être branchu, foliacé, encroûtant… Sa couleur peut être jaune, violet ou marron.
Porites rus forme des colonies soit entièrement mâles (ce sont elles qui émettent ces épais nuages pendant la ponte), soit entièrement femelles (qui émettent des petits œufs plus discrets à voir).
Pourtant s’il y a une espèce de coraux dont on aurait pu attendre cet exploit, c’est bien le Porites rus. Ce corail ultra-résistant aux UV, à la chaleur et à l’acidification des eaux est un des principaux espoirs de nos lagons contre le changement climatique. Vous le connaissez sans doute sans savoir son nom, car il prend de multiples apparences. Il peut être branchu, foliacé, encroûtant… Sa couleur peut être jaune, violet ou marron.
Porites rus forme des colonies soit entièrement mâles (ce sont elles qui émettent ces épais nuages pendant la ponte), soit entièrement femelles (qui émettent des petits œufs plus discrets à voir).
Crédit photo : Vetea LIAO - A Vairao on voit cette colonie femelle libérer des œufs bien plus discrets
Parole à : Vetea Liao, passionné de plongée et biologiste marin
crédit Vetea-LIAO - A Vairao le 4 décembre 2020
Qu’avez-vous observé vendredi dernier ?
Une ponte synchronisée et massive de l’espèce Porites rus. En novembre 2019, avec un petit groupe d’amis, nous avions déjà observé des pontes à la même heure sur Tahiti et Moorea. Donc le mois dernier, en novembre 2020, puis encore en décembre 2020 on a mobilisé beaucoup plus de monde pour tenter d’établir la limite de cette synchronisation. On était à Tahiti, Moorea, Bora Bora, Maupiti, Raiatea et Tahaa. En novembre, les colonies de quelques sites n’avaient pas pondu, mais il était tôt dans la saison. Donc on a refait l’observation en décembre, au cœur de la saison chaude, et cette fois ça a été massif. On a constaté sur certains sites que 90% des colonies à l’intérieur du lagon ont pondu ! Trente à quarante bénévoles étaient mobilisés, plus de nombreux observateurs, sur 25 sites différents. On a aussi observé que les trois sites sur la pente externe du récif n’ont constaté aucune ponte, donc on continue de découvrir de nouvelles choses sur ce phénomène !
C’est toi qui a découvert ce phénomène ?
Oui, je l’ai observé en 2014. D’autres personnes avant moi l’avaient certainement déjà vu mais sans réaliser l’importance de ces observations. Il m’a fallu plusieurs jours pour comprendre que c’était une ponte, d’habitude c’est de nuit et on voit les œufs, alors que là c’était de jour, avec ce nuage hors du commun ! Ensuite des amis l’on revu directement ou indirectement les années suivantes, ce qui nous a permis de nous rendre compte que ce phénomène se reproduisait tous les ans et de trouver la date précise, cinq jours après la pleine lune en novembre et en décembre. Le projet a continué de grandir jusqu’en 2019, avec la première observation officielle sur plusieurs sites en simultané. Et il a encore pris plus d’ampleur cette année.
C’est habituel que les coraux pondent tous en même temps ?
Oui, c’est le concept de la ponte synchronisée. Les coraux sont des animaux sédentaires qui ne peuvent pas bouger, donc ils pondent tous en même temps dans une zone. Mais là, on a montré qu’ils pondent en même temps sur plusieurs îles différentes. On a observé le phénomène sur les îles de la Société, mais on soupçonne que ça va beaucoup plus loin. Il y a néanmoins une certaine limite puisque l’on n’a pas vu ce phénomène sur les coraux situés à l’extérieur du récif.
Comment des coraux comptent-ils cinq jours après la pleine lune ?
On ne sait pas ! Il y a énormément d’études sur la ponte des coraux car c’est un phénomène important, notamment en Australie où plusieurs espèces pondent la même nuit. Mais le jour exact est généralement difficile à prévoir… Sauf pour Porites rus en Polynésie, qui suit la pleine lune quand la température de l’eau est assez chaude ! Et sur tous les sites, on a vu que ça a commencé à quelques minutes de décalage, entre 6h45 et 7h du matin. Même les conditions météo locales, les nuages, la pluie et autres n’influencent pas du tout l’événement !
Quelle est la prochaine étape de ce projet ?
Ça va être d’aller encore plus loin dans la limitation de la synchronisation. On a des bénévoles potentiels à Wallis, en Nouvelle-Calédonie et dans l’Océan Indien pour voir jusqu’où ça va. On va aussi vérifier le 4 janvier pour voir ce qu’il va se passer, l’hypothèse c’est qu’il y aura une ponte, mais comme celle de novembre. On ne pense pas qu’elle ressemblera à l’immense ponte de décembre. On veut aussi voir comment se comportent les coraux de la pente externe, s’ils pondent un autre jour, à une autre heure… On ne sait pas du tout pour le moment.
Pourquoi te lancer dans ce projet presque scientifique et mobiliser tous ces bénévoles ?
C’est par passion. J’ai fait toutes mes études en biologie marine, j’ai travaillé une période avec le Criobe sur le suivi des écosystèmes marins, je suis plongeur de niveau professionnel (DPP2) et je suis presque tous les week-ends dans le lagon… Et là ce qui est intéressant c’est que cette observation peut se faire en snorkeling, pas besoin de plonger. Ces colonies se retrouvent vraiment près du bord, partout. Parmi les observateurs ce n’était que d’autres gens passionnés, des associations, clubs de plongée, chercheurs… Tous assez passionnés pour se mettre à l’eau très tôt.
En 2019 j’avais commencé par mes amis. Cette année en novembre ils se sont remobilisés et ont motivé leurs propres amis, et là en décembre encore plus de personnes sont venues ! Il y a même eu un des sites qui était dans une aire marine éducative à Bora Bora. À terme, les enfants pourront voir ce phénomène le matin, et pas au milieu de la nuit. Je pense que désormais j’irai le voir tous les ans.
Ce projet de science participative doit-il laisser place aux chercheurs professionnels ?
Je pense que de commencer par un projet de science citoyenne, c’était bien, parce qu’on a pu avoir beaucoup de sites différents. Avec tous ces bénévoles on va aussi pouvoir délimiter la limite spatiale. Après, pour aller plus loin sur certains sites spécifiques et étudier le phénomène, une implication des scientifiques permettra de pousser les analyses. C’est complémentaire et je pense que les chercheurs vont commencer à s’y intéresser après ces découvertes.
Une ponte synchronisée et massive de l’espèce Porites rus. En novembre 2019, avec un petit groupe d’amis, nous avions déjà observé des pontes à la même heure sur Tahiti et Moorea. Donc le mois dernier, en novembre 2020, puis encore en décembre 2020 on a mobilisé beaucoup plus de monde pour tenter d’établir la limite de cette synchronisation. On était à Tahiti, Moorea, Bora Bora, Maupiti, Raiatea et Tahaa. En novembre, les colonies de quelques sites n’avaient pas pondu, mais il était tôt dans la saison. Donc on a refait l’observation en décembre, au cœur de la saison chaude, et cette fois ça a été massif. On a constaté sur certains sites que 90% des colonies à l’intérieur du lagon ont pondu ! Trente à quarante bénévoles étaient mobilisés, plus de nombreux observateurs, sur 25 sites différents. On a aussi observé que les trois sites sur la pente externe du récif n’ont constaté aucune ponte, donc on continue de découvrir de nouvelles choses sur ce phénomène !
C’est toi qui a découvert ce phénomène ?
Oui, je l’ai observé en 2014. D’autres personnes avant moi l’avaient certainement déjà vu mais sans réaliser l’importance de ces observations. Il m’a fallu plusieurs jours pour comprendre que c’était une ponte, d’habitude c’est de nuit et on voit les œufs, alors que là c’était de jour, avec ce nuage hors du commun ! Ensuite des amis l’on revu directement ou indirectement les années suivantes, ce qui nous a permis de nous rendre compte que ce phénomène se reproduisait tous les ans et de trouver la date précise, cinq jours après la pleine lune en novembre et en décembre. Le projet a continué de grandir jusqu’en 2019, avec la première observation officielle sur plusieurs sites en simultané. Et il a encore pris plus d’ampleur cette année.
C’est habituel que les coraux pondent tous en même temps ?
Oui, c’est le concept de la ponte synchronisée. Les coraux sont des animaux sédentaires qui ne peuvent pas bouger, donc ils pondent tous en même temps dans une zone. Mais là, on a montré qu’ils pondent en même temps sur plusieurs îles différentes. On a observé le phénomène sur les îles de la Société, mais on soupçonne que ça va beaucoup plus loin. Il y a néanmoins une certaine limite puisque l’on n’a pas vu ce phénomène sur les coraux situés à l’extérieur du récif.
Comment des coraux comptent-ils cinq jours après la pleine lune ?
On ne sait pas ! Il y a énormément d’études sur la ponte des coraux car c’est un phénomène important, notamment en Australie où plusieurs espèces pondent la même nuit. Mais le jour exact est généralement difficile à prévoir… Sauf pour Porites rus en Polynésie, qui suit la pleine lune quand la température de l’eau est assez chaude ! Et sur tous les sites, on a vu que ça a commencé à quelques minutes de décalage, entre 6h45 et 7h du matin. Même les conditions météo locales, les nuages, la pluie et autres n’influencent pas du tout l’événement !
Quelle est la prochaine étape de ce projet ?
Ça va être d’aller encore plus loin dans la limitation de la synchronisation. On a des bénévoles potentiels à Wallis, en Nouvelle-Calédonie et dans l’Océan Indien pour voir jusqu’où ça va. On va aussi vérifier le 4 janvier pour voir ce qu’il va se passer, l’hypothèse c’est qu’il y aura une ponte, mais comme celle de novembre. On ne pense pas qu’elle ressemblera à l’immense ponte de décembre. On veut aussi voir comment se comportent les coraux de la pente externe, s’ils pondent un autre jour, à une autre heure… On ne sait pas du tout pour le moment.
Pourquoi te lancer dans ce projet presque scientifique et mobiliser tous ces bénévoles ?
C’est par passion. J’ai fait toutes mes études en biologie marine, j’ai travaillé une période avec le Criobe sur le suivi des écosystèmes marins, je suis plongeur de niveau professionnel (DPP2) et je suis presque tous les week-ends dans le lagon… Et là ce qui est intéressant c’est que cette observation peut se faire en snorkeling, pas besoin de plonger. Ces colonies se retrouvent vraiment près du bord, partout. Parmi les observateurs ce n’était que d’autres gens passionnés, des associations, clubs de plongée, chercheurs… Tous assez passionnés pour se mettre à l’eau très tôt.
En 2019 j’avais commencé par mes amis. Cette année en novembre ils se sont remobilisés et ont motivé leurs propres amis, et là en décembre encore plus de personnes sont venues ! Il y a même eu un des sites qui était dans une aire marine éducative à Bora Bora. À terme, les enfants pourront voir ce phénomène le matin, et pas au milieu de la nuit. Je pense que désormais j’irai le voir tous les ans.
Ce projet de science participative doit-il laisser place aux chercheurs professionnels ?
Je pense que de commencer par un projet de science citoyenne, c’était bien, parce qu’on a pu avoir beaucoup de sites différents. Avec tous ces bénévoles on va aussi pouvoir délimiter la limite spatiale. Après, pour aller plus loin sur certains sites spécifiques et étudier le phénomène, une implication des scientifiques permettra de pousser les analyses. C’est complémentaire et je pense que les chercheurs vont commencer à s’y intéresser après ces découvertes.