PAPEETE, le 25 aout 2017 - Ils ne sont pas aussi connus que nos stars du sport, nos reines de beauté ou nos artistes… Et pourtant ces scientifiques polynésiens changent le monde. Découvrez quelques-uns des plus grands scientifiques de notre génération, Made in Fenua.
La Polynésie produit de nombreux scientifiques de grande qualité. Malheureusement, ils sont souvent obligés de partir à l'international pour pouvoir poursuivre leurs recherches, et nous avons tendance à les oublier. Prenez l'exemple d'Anna Bella Failloux, qui a reçu les insignes de Chevalier de l'ordre de la Légion d'Honneur à Paris en 2015.
La Polynésie produit de nombreux scientifiques de grande qualité. Malheureusement, ils sont souvent obligés de partir à l'international pour pouvoir poursuivre leurs recherches, et nous avons tendance à les oublier. Prenez l'exemple d'Anna Bella Failloux, qui a reçu les insignes de Chevalier de l'ordre de la Légion d'Honneur à Paris en 2015.
La scientifique polynésienne Anna Bella Failloux a reçu la Légion d'Honneur en 2015 pour toutes les vies qu'elle a aidé à sauver, dont de nombreux Polynésiens, mais n'a jamais été honorée localement
Originaire de Raiatea, cette chercheuse a commencé sa carrière à Tahiti en 1988 à l'Institut Malardé, pour ensuite continuer sa carrière dans l'Institut Pasteur à travers le monde. Elle a consacré sa vie à étudier les maladies transmises par le moustique, "pour être utile à la Polynésie". Elle a été une des pionnières dans l'étude de la filariose, elle est à l'origine de la plupart de nos connaissances sur les traitements adaptés aux moustiques polynésiens, elle a été une des principales références scientifiques lors de l'émergence du Chikungunya en 2005, et est directrice de l'unité de recherche "arbovirus et insectes vecteurs" de l'Institut Pasteur…
Lorsque la ministre des Outre-mer de l'époque, George Pau-Langevin, lui a remis la Légion d'Honneur, elle a salué la qualité des travaux de la Polynésienne, qui contribuent "à la lutte contre les épidémies mortelles et ainsi au sauvetage de très nombreuses vies" et elle s’est dite "vraiment extrêmement fière que les Outre-mer puissent produire des personnes d’une telle qualité."
NUL N'EST PROPHÈTE EN SON PAYS
Et pourtant, comme le regrette le professeur Jean Roux, une sommité locale de la recherche scientifique qui a été le directeur de l'Institut Malardé dans les années 80, "d'autres scientifiques polynésiennes, et anciennes de l'Institut Malardé, ont également accompli une carrière internationale. Il s'agit de Eliane Chungue et de Suzanne Chanteau qui ont été reconnues par des distinctions et décorations françaises et étrangères... mais pas celle de Tahiti Nui. Il est très regrettable que l'Institut Malardé ne fasse plus partie du Réseau des Instituts Pasteur dans le monde."
Justement, aujourd'hui nous vous présentons deux autres de ces scientifiques polynésiens qui sont devenus des autorités mondialement reconnues et récompensées… Sauf par leur propre pays. La première est Suzanne Chanteau, qui profite aujourd'hui de sa retraite à Tahiti mais qui lors de sa carrière à l'Institut Pasteur a été essentielle à la découverte de la micro-algue qui cause la ciguatera (Gratte) et des traitements de la filariose, qui a créé un test de diagnostique précoce de la lèpre, et développé des traitements de la peste et de la tuberculose.
Le second est Etera Livine, natif de Faa'a, jeune directeur de recherche au CNRS, travaillant en physique théorique et mathématique au laboratoire de physique de l'ENS de Lyon. Il est tout simplement l'un des plus brillants esprits scientifiques de notre génération. Il travaille sur "une théorie cohérente de la gravitation quantique, qui régirait la physique de l'univers, depuis la physique des particules (aux échelles de longueurs subatomiques) jusqu'à l'astrophysique (dynamique des étoiles et galaxies) et la cosmologie (physique du début de l'univers et évolution de l'univers)."
Lorsque la ministre des Outre-mer de l'époque, George Pau-Langevin, lui a remis la Légion d'Honneur, elle a salué la qualité des travaux de la Polynésienne, qui contribuent "à la lutte contre les épidémies mortelles et ainsi au sauvetage de très nombreuses vies" et elle s’est dite "vraiment extrêmement fière que les Outre-mer puissent produire des personnes d’une telle qualité."
NUL N'EST PROPHÈTE EN SON PAYS
Et pourtant, comme le regrette le professeur Jean Roux, une sommité locale de la recherche scientifique qui a été le directeur de l'Institut Malardé dans les années 80, "d'autres scientifiques polynésiennes, et anciennes de l'Institut Malardé, ont également accompli une carrière internationale. Il s'agit de Eliane Chungue et de Suzanne Chanteau qui ont été reconnues par des distinctions et décorations françaises et étrangères... mais pas celle de Tahiti Nui. Il est très regrettable que l'Institut Malardé ne fasse plus partie du Réseau des Instituts Pasteur dans le monde."
Justement, aujourd'hui nous vous présentons deux autres de ces scientifiques polynésiens qui sont devenus des autorités mondialement reconnues et récompensées… Sauf par leur propre pays. La première est Suzanne Chanteau, qui profite aujourd'hui de sa retraite à Tahiti mais qui lors de sa carrière à l'Institut Pasteur a été essentielle à la découverte de la micro-algue qui cause la ciguatera (Gratte) et des traitements de la filariose, qui a créé un test de diagnostique précoce de la lèpre, et développé des traitements de la peste et de la tuberculose.
Le second est Etera Livine, natif de Faa'a, jeune directeur de recherche au CNRS, travaillant en physique théorique et mathématique au laboratoire de physique de l'ENS de Lyon. Il est tout simplement l'un des plus brillants esprits scientifiques de notre génération. Il travaille sur "une théorie cohérente de la gravitation quantique, qui régirait la physique de l'univers, depuis la physique des particules (aux échelles de longueurs subatomiques) jusqu'à l'astrophysique (dynamique des étoiles et galaxies) et la cosmologie (physique du début de l'univers et évolution de l'univers)."
Dr Etera Livine, théoricien en physique quantique, originaire de Faa'a
A 36 ans, Etera est directeur de recherche au CNRS en physique fondamentale
"Mon champ de recherche est la physique fondamentale, mêler gravitation (relativité générale) et physique quantique"
Paux-tu présenter ton parcours scientifique en Polynésie et à l'international ?
Je suis né en 1981. Je suis maintenant directeur de recherche au CNRS, travaillant en physique théorique et mathématique au laboratoire de physique de l'ENS de Lyon.
Ma famille est de Puurai à Faa'a. Mon père était dans l'armée de l'air, bougeant tous les deux-trois ans, et je suis né à Marseille. J'ai fait mon collège à La Mennais, puis j'ai commencé mon lycée au lycée Gauguin pour le finir au lycée Henri IV à Paris. Après deux ans de prépa, j'ai intégré l'École Normale Supérieure de Lyon en 1997, parcours physique et mathématique. C'est là-bas que j'ai développé mon gout pour la recherche scientifique. Ensuite j'ai fait mon DEA (M2 de nos jours!) en physique théorique à l'ENS de Lyon.
Puis j'ai poursuivi mon chemin, stage de Master à Imperial College à Londres, thèse à moitié à Imperial College et au Centre de Physique Théorique à Marseille (au milieu des calanques de Luminy). Une fois ma thèse de doctorat soutenue en 2003, je suis parti en post doc au Canada, au Perimeter Institute. Après deux ans de post doc, j'ai passé le concours pour rentrer au CNRS et ai donc été accepté en tant que chargé de recherche en 2005. J'ai rejoint le laboratoire de physique à Lyon, où je suis toujours à ce jour dans l'équipe de physique théorique et mathématique. J'ai passé mon HDR en 2010 et ai été promu à directeur de recherche en 2015. En parallèle, je suis research fellow au Perimeter Institute, que je visite régulièrement pour collaboration.
Quelles contributions avez-vous apporté à votre domaine ? Quel a été l'impact sur la vie des Polynésiens ou sur le monde de la recherche ?
Mon champ de recherche est la physique fondamentale, mêler gravitation (relativité générale) et physique quantique, en une théorie cohérente de gravitation quantique, qui régirait la physique de l'univers, depuis la physique des particules (aux échelles de longueur subatomiques) jusqu'à l'astrophysique (dynamique des étoiles et galaxies) et la cosmologie (physique du début de l'univers et évolution de l'univers).
Paux-tu présenter ton parcours scientifique en Polynésie et à l'international ?
Je suis né en 1981. Je suis maintenant directeur de recherche au CNRS, travaillant en physique théorique et mathématique au laboratoire de physique de l'ENS de Lyon.
Ma famille est de Puurai à Faa'a. Mon père était dans l'armée de l'air, bougeant tous les deux-trois ans, et je suis né à Marseille. J'ai fait mon collège à La Mennais, puis j'ai commencé mon lycée au lycée Gauguin pour le finir au lycée Henri IV à Paris. Après deux ans de prépa, j'ai intégré l'École Normale Supérieure de Lyon en 1997, parcours physique et mathématique. C'est là-bas que j'ai développé mon gout pour la recherche scientifique. Ensuite j'ai fait mon DEA (M2 de nos jours!) en physique théorique à l'ENS de Lyon.
Puis j'ai poursuivi mon chemin, stage de Master à Imperial College à Londres, thèse à moitié à Imperial College et au Centre de Physique Théorique à Marseille (au milieu des calanques de Luminy). Une fois ma thèse de doctorat soutenue en 2003, je suis parti en post doc au Canada, au Perimeter Institute. Après deux ans de post doc, j'ai passé le concours pour rentrer au CNRS et ai donc été accepté en tant que chargé de recherche en 2005. J'ai rejoint le laboratoire de physique à Lyon, où je suis toujours à ce jour dans l'équipe de physique théorique et mathématique. J'ai passé mon HDR en 2010 et ai été promu à directeur de recherche en 2015. En parallèle, je suis research fellow au Perimeter Institute, que je visite régulièrement pour collaboration.
Quelles contributions avez-vous apporté à votre domaine ? Quel a été l'impact sur la vie des Polynésiens ou sur le monde de la recherche ?
Mon champ de recherche est la physique fondamentale, mêler gravitation (relativité générale) et physique quantique, en une théorie cohérente de gravitation quantique, qui régirait la physique de l'univers, depuis la physique des particules (aux échelles de longueur subatomiques) jusqu'à l'astrophysique (dynamique des étoiles et galaxies) et la cosmologie (physique du début de l'univers et évolution de l'univers).
Extrait de la conférence de Etera à Tahiti en 2012
Tout cela a peu d'applications directes pour la vie de tous les jours et il s'agit plutôt d'approfondir nos connaissances et notre compréhension des mécanismes fondamentaux de la physique, et un jour sans doute pouvoir en identifier des applications intéressantes. La relativité et la mécanique quantique ont diverses applications dans les technologies actuelles, par exemple les GPS, lasers, ordinateurs quantiques, et ainsi de suite. J'ai d'ailleurs donné une conférence présentant le sujet à Papeete en 2012, à la demande de Régis Plichart (président de l'association tahitienne Proscience, NDLR).
Dans le cadre de la gravitation quantique, je me suis surtout intéressé à l'approche dite de la "loop quantum gravity" (ou gravité quantique en boucles) pour laquelle j'ai développé de nombreux outils mathématiques. Le but est de comprendre la structure et la géométrie de notre espace-temps aux plus petites échelles. Afin de comprendre l'origine de la force gravitationnelle, d'en modéliser correctement les fluctuations et d'en déduire les effets en astrophysique et en cosmologie. Sans doute, mes contributions les plus reconnues sont un modèle pour l'espace-temps quantique dit de Engle-Pereira-Rovelli-Livine, la définition d'états quantiques cohérents de géométrie pur ce contexte et le lien avec les modèles de géométrie non-commutative. Mais tout cela reste difficilement explicable au grand public !
En tout cas, je suis bien reconnu dans la communauté scientifique française de physique théorique et au niveau international dans ce domaine de la gravité quantique, et je maintiens de nombreuses collaborations un peu partout dans le monde. Je suis également régulièrement un keynote speaker à la conférence internationale du domaine (Loops'), qui a lieu tous les deux ans. Je suis invité à d'autres conférences et j'ai une centaine de publications scientiques, toute disponible librement sur internet (en plus d’être publiées dans des journaux scientifiques) ici. Je travaille aussi sur la mécanique quantique, l'information et l'informatique quantiques. Finalement, j'ai reçu la médaille de bronze du CNRS en 2008 pour encourager mes efforts de recherche.
Pourquoi est-il important que même un petit pays comme la Polynésie française investisse dans la recherche scientifique ?
Je pense très sincèrement que la recherche scientifique est le moteur du développement scientifique et technologique, à la fois directement par la découverte et la création de nouvelles technologies et indirectement par le développement de la curiosité scientifique. Investir dans la recherche scientifique ne veut pas dire seulement embaucher ou former des chercheurs, mais cela a forcément des retombées sur la formation de techniciens et d'ingénieurs, sur les interactions avec l'industrie et le high-tech. Je pense qu'il est important d'offrir ainsi les meilleures possibilités aux jeunes polynésiens de pouvoir travailler dans ces métiers d'avenir, au fenua ou dans le monde entier.
Dans le cadre de la gravitation quantique, je me suis surtout intéressé à l'approche dite de la "loop quantum gravity" (ou gravité quantique en boucles) pour laquelle j'ai développé de nombreux outils mathématiques. Le but est de comprendre la structure et la géométrie de notre espace-temps aux plus petites échelles. Afin de comprendre l'origine de la force gravitationnelle, d'en modéliser correctement les fluctuations et d'en déduire les effets en astrophysique et en cosmologie. Sans doute, mes contributions les plus reconnues sont un modèle pour l'espace-temps quantique dit de Engle-Pereira-Rovelli-Livine, la définition d'états quantiques cohérents de géométrie pur ce contexte et le lien avec les modèles de géométrie non-commutative. Mais tout cela reste difficilement explicable au grand public !
En tout cas, je suis bien reconnu dans la communauté scientifique française de physique théorique et au niveau international dans ce domaine de la gravité quantique, et je maintiens de nombreuses collaborations un peu partout dans le monde. Je suis également régulièrement un keynote speaker à la conférence internationale du domaine (Loops'), qui a lieu tous les deux ans. Je suis invité à d'autres conférences et j'ai une centaine de publications scientiques, toute disponible librement sur internet (en plus d’être publiées dans des journaux scientifiques) ici. Je travaille aussi sur la mécanique quantique, l'information et l'informatique quantiques. Finalement, j'ai reçu la médaille de bronze du CNRS en 2008 pour encourager mes efforts de recherche.
Pourquoi est-il important que même un petit pays comme la Polynésie française investisse dans la recherche scientifique ?
Je pense très sincèrement que la recherche scientifique est le moteur du développement scientifique et technologique, à la fois directement par la découverte et la création de nouvelles technologies et indirectement par le développement de la curiosité scientifique. Investir dans la recherche scientifique ne veut pas dire seulement embaucher ou former des chercheurs, mais cela a forcément des retombées sur la formation de techniciens et d'ingénieurs, sur les interactions avec l'industrie et le high-tech. Je pense qu'il est important d'offrir ainsi les meilleures possibilités aux jeunes polynésiens de pouvoir travailler dans ces métiers d'avenir, au fenua ou dans le monde entier.
Dr Suzanne Chanteau, chercheuse, experte OMS pour la ciguatera, la lèpre, la filariose lymphatique, la peste et les méningites à méningocoques
Suzanne Chanteau, chercheuse en biologie
(jointe par email) "J'ai travaillé sur des maladies infectieuses tropicales, celles qui frappent les populations les plus vulnérables dans les pays les plus démunis"
BIO EXPRESS
Distinctions honorifiques
- France: Chevalier de l'Ordre National du Mérite (1999), Chevalier de la Légion d'Honneur (2007)
- Madagascar: Chevalier de l'Ordre National Malgache (2002)
- Niger: Médaille Vermeille de la Santé Publique (2007)
Prix scientifiques
- 2003, Prix M. El Fasi pour la recherche en Médecine Tropicale de l'AULF (Association des Universités de Langue Française). 40 000€.
- 2004, Prix Thérèse Lebrasseur de la Fondation de France. 60 000€.
La chercheuse a consacré ces 2 prix à la poursuite de ses travaux de recherche et à la formation du personnel nigérien du CERMES (stages et formations diplômantes en France)
Elle a également trois déclarations d'invention à son nom
INTERVIEW
Peux-tu nous présenter ton parcours scientifique et tes contributions les plus marquantes ?
Si on doit résumer mes travaux scientifiques en quelques mots je dirais qu'en plus de la ciguatera, j'ai travaillé sur des maladies infectieuses tropicales, celles qui frappent les populations les plus vulnérables dans les pays les plus démunis.
BIO EXPRESS
Distinctions honorifiques
- France: Chevalier de l'Ordre National du Mérite (1999), Chevalier de la Légion d'Honneur (2007)
- Madagascar: Chevalier de l'Ordre National Malgache (2002)
- Niger: Médaille Vermeille de la Santé Publique (2007)
Prix scientifiques
- 2003, Prix M. El Fasi pour la recherche en Médecine Tropicale de l'AULF (Association des Universités de Langue Française). 40 000€.
- 2004, Prix Thérèse Lebrasseur de la Fondation de France. 60 000€.
La chercheuse a consacré ces 2 prix à la poursuite de ses travaux de recherche et à la formation du personnel nigérien du CERMES (stages et formations diplômantes en France)
Elle a également trois déclarations d'invention à son nom
INTERVIEW
Peux-tu nous présenter ton parcours scientifique et tes contributions les plus marquantes ?
Si on doit résumer mes travaux scientifiques en quelques mots je dirais qu'en plus de la ciguatera, j'ai travaillé sur des maladies infectieuses tropicales, celles qui frappent les populations les plus vulnérables dans les pays les plus démunis.
La micro-algue Gambierdiscus toxicus qui cause la ciguatera
De 1975 à 1993 j'ai ainsi été chercheur puis chef de service à l'Institut Louis Malardé. J'ai travaillé sur la Ciguatera, avec une contribution majeure à la découverte de l'agent causal, la micro-algue Gambierdiscus toxicus. C'était le sujet de ma thèse. J'ai aussi travaillé sur la Lèpre, au développement de tests de diagnostic précoce chez les sujets de contacts intrafamiliaux. Enfin sur la filariose lymphatique j'ai travaillé à la compréhension des différentes formes cliniques de la maladie et au développement de tests sérologiques plus performants, tout particulièrement pour le diagnostic des patients infectés mais amicrofilarémiques (ne présentant pas de parasites dans le sang). Ces tests ont également permis une meilleure surveillance/évaluation de l'endémie filarienne pour le suivi de l'efficacité des actions de lutte en santé publique.
Ensuite, de 1994 à 2007 j'étais Chef de Laboratoire puis Professeur de l'Institut Pasteur (IP), détachée auprès du Ministère des Affaires Étrangères pour être affectée à Madagascar et au Niger.
À l'Institut Pasteur de Madagascar entre 1994 et 2002, j'étais codirectrice des laboratoires nationaux de référence pour la tuberculose et la peste et chef des programmes de recherche sur la tuberculose et sur la peste. Madagascar est le foyer de peste le plus actif au monde. (voir encadré)
Au Niger de 2002 à 2007. À la demande du Gouvernement du Niger, l'Institut Pasteur a accepté de parrainer le centre de recherches CERMES. J'ai été nommée au poste de Directeur pour le relever et le transformer, avec comme objectif in fine de l'intégrer dans le Réseau International des Instituts Pasteur, après une évaluation à 4 ans. Cet objectif a été atteint. (voir encadré)
Entre 2008 et 2013 j'étais directrice de l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie (IPNC). Nous avons développé un test bandelette pour le diagnostic de la leptospirose, mais dans des territoires comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française où les laboratoires sont très performants et les moyens de communication rapides, ce genre de test n'a pas autant d'impact que dans les pays en développement.
Au cours de ma carrière, j'ai été nommée "Expert de l'OMS" pour: la ciguatera, la lèpre, la filariose lymphatique, la peste et les méningites à méningocoques. Mes travaux ont aussi été publiés dans des revues internationales à comité de lecture. Au total 150 publications.
Pourquoi la Polynésie française devrait-elle investir dans la recherche scientifique ?
La recherche est trop souvent considérée par les gouvernements comme un domaine non prioritaire, réservé aux pays riches. C'est une erreur. En effet, les recherches ne sont pas forcément coûteuses, et le financement peut être partagé avec d'autres bailleurs de fonds. Un bon projet de recherche bien argumenté avec des objectifs pertinents et une méthodologie adaptée peut non seulement obtenir des crédits extérieurs mais aussi allier des équipes internationales en pointe.
Le caractère insulaire de la Polynésie est un atout pour certaines recherches. Nos îles sont des petits laboratoires en milieu naturel (des microsystèmes voire des nanosystèmes dont on connaît presque tous les paramètres). Elles sont uniques pour comprendre certains phénomènes biologiques, l'évaluation de nouvelles méthodes de lutte contre certaines maladies ou certaines espèces indésirables (exemple, les moustiques vecteurs de maladies).
Il est important de ne pas refaire ce que d'autres ont déjà fait (ou feront mieux), d'où la nécessité d'une veille scientifique et technologique. Les thématiques de recherche qui pourraient être intéressantes à développer en Polynésie: les maladies de surcharge (le microbiote), les méthodes de protection et de gestion des milieux naturels et des espèces endémiques, le développement de méthodes pour utiliser les énergies naturelles durables, la gestion et la valorisation des déchets...
La Polynésie étant un petit pays, il y a une nécessité absolue pour nos chercheurs d'aller à la rencontre de leurs pairs, de collaborer avec les meilleures équipes internationales, d'être initiateurs de projets innovants, de répondre à des appels d'offres pour rechercher des financements, de présenter leurs travaux dans des congrès et de publier dans des revues internationales.
Ensuite, de 1994 à 2007 j'étais Chef de Laboratoire puis Professeur de l'Institut Pasteur (IP), détachée auprès du Ministère des Affaires Étrangères pour être affectée à Madagascar et au Niger.
À l'Institut Pasteur de Madagascar entre 1994 et 2002, j'étais codirectrice des laboratoires nationaux de référence pour la tuberculose et la peste et chef des programmes de recherche sur la tuberculose et sur la peste. Madagascar est le foyer de peste le plus actif au monde. (voir encadré)
Au Niger de 2002 à 2007. À la demande du Gouvernement du Niger, l'Institut Pasteur a accepté de parrainer le centre de recherches CERMES. J'ai été nommée au poste de Directeur pour le relever et le transformer, avec comme objectif in fine de l'intégrer dans le Réseau International des Instituts Pasteur, après une évaluation à 4 ans. Cet objectif a été atteint. (voir encadré)
Entre 2008 et 2013 j'étais directrice de l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie (IPNC). Nous avons développé un test bandelette pour le diagnostic de la leptospirose, mais dans des territoires comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française où les laboratoires sont très performants et les moyens de communication rapides, ce genre de test n'a pas autant d'impact que dans les pays en développement.
Au cours de ma carrière, j'ai été nommée "Expert de l'OMS" pour: la ciguatera, la lèpre, la filariose lymphatique, la peste et les méningites à méningocoques. Mes travaux ont aussi été publiés dans des revues internationales à comité de lecture. Au total 150 publications.
Pourquoi la Polynésie française devrait-elle investir dans la recherche scientifique ?
La recherche est trop souvent considérée par les gouvernements comme un domaine non prioritaire, réservé aux pays riches. C'est une erreur. En effet, les recherches ne sont pas forcément coûteuses, et le financement peut être partagé avec d'autres bailleurs de fonds. Un bon projet de recherche bien argumenté avec des objectifs pertinents et une méthodologie adaptée peut non seulement obtenir des crédits extérieurs mais aussi allier des équipes internationales en pointe.
Le caractère insulaire de la Polynésie est un atout pour certaines recherches. Nos îles sont des petits laboratoires en milieu naturel (des microsystèmes voire des nanosystèmes dont on connaît presque tous les paramètres). Elles sont uniques pour comprendre certains phénomènes biologiques, l'évaluation de nouvelles méthodes de lutte contre certaines maladies ou certaines espèces indésirables (exemple, les moustiques vecteurs de maladies).
Il est important de ne pas refaire ce que d'autres ont déjà fait (ou feront mieux), d'où la nécessité d'une veille scientifique et technologique. Les thématiques de recherche qui pourraient être intéressantes à développer en Polynésie: les maladies de surcharge (le microbiote), les méthodes de protection et de gestion des milieux naturels et des espèces endémiques, le développement de méthodes pour utiliser les énergies naturelles durables, la gestion et la valorisation des déchets...
La Polynésie étant un petit pays, il y a une nécessité absolue pour nos chercheurs d'aller à la rencontre de leurs pairs, de collaborer avec les meilleures équipes internationales, d'être initiateurs de projets innovants, de répondre à des appels d'offres pour rechercher des financements, de présenter leurs travaux dans des congrès et de publier dans des revues internationales.
Bonus : Les missions de Suzanne Chanteau en Afrique
La Peste: un fléau effroyable dans la mémoire de l'humanité. Madagascar est le foyer le plus actif au monde.
Surveillance de l'endémie pesteuse et de sa reémergence sur les hauts plateaux, dans la capitale Antananarivo et dans le port de Majunga. Au début des années 90, un millier de nouveaux cas de peste était déclaré chaque année dans le pays. On savait ce chiffre sous estimé, compte tenu du délabrement du système de santé et des routes, de la complexité des moyens diagnostiques (bactériologie, inoculation à la souris) et de l'ignorance des populations exposées, populations parmi les plus défavorisées et les plus vulnérables.
D'où mon initiative de mettre au point une méthode rapide de diagnostic qui puisse être utilisable en brousse par le personnel soignant et conservable à température ambiante. En 2000 à l'IP Paris, j'ai réussi à développer des tests bandelettes très sensibles et très spécifiques de la peste. Elles ont ensuite été validées en condition de terrain a Madagascar, puis adoptées par le Ministère de la Santé Publique dans leur Programme National de Lutte. Devant le refus de quelques laboratoires de le produire (un marché insignifiant dans des pays non solvables...), j'ai décidé de former mon équipe à sa production et de convaincre la Banque Mondiale d'équiper mon laboratoire. Des kits de diagnostic ont été fabriqués et 850 agents de santé ont été formés à l'utilisation de ces tests. Cet outil de confirmation de la peste chez les patients mais aussi chez les rats, a permis de changer et de rendre plus efficace la stratégie de lutte contre cette maladie. 15 ans après mon départ de Madagascar, l'équipe malgache continue de produire ces kits pour les besoins du pays. À la demande de l'OMS, ces tests ont pu être fournis à d'autres pays africains, comme test d'alerte dans des zones d'émergence ou de reémergence de la peste.
Si la peste a réemergé à Madagascar au début des années 90, elle n'avait en fait jamais disparu du pays pendant un siècle après son introduction. Maladie des rongeurs avant tout (l'homme n'étant qu'une victime accidentelle, suite à une piqure par des puces de rats infectés), la question scientifique était de comprendre comment elle s'est perpétuée en terre malgache, alors qu'elle a été éradiquée de la plupart des pays. Par une approche multidisciplinaire, un grand projet de recherche a été élaboré pour comprendre le rôle de tous les acteurs du cycle de transmission (bacille, rongeurs, puces, pratiques sociales, environnement). J'ai été la coordinatrice scientifique d'une équipe composée de médecins, épidémiologistes, biologistes, entomologistes, rodentologues et géographes de la santé. Les résultats ont été publiés dans des revues internationales et un condensé est rassemblé dans un ATLAS de la peste à Madagascar (2006, Éditions IRD/Institut Pasteur).
En 1998, notre laboratoire a été reconnu Centre Collaborateur de l'OMS et j'ai assuré sa direction jusqu'en 2002.
En guise de clin d'oeil, je trouvais que "la peste et le choléra" ne pouvaient être dissociés...C'est ainsi que j'ai aussi développé un test rapide pour le choléra, praticable au chevet du malade. Plus tard au Niger, ce test m'aura servi pour donner l'alerte pour plusieurs épidémies de choléra.
La tuberculose, une maladie hyperendémique à Madagascar.
La résistance primaire du bacille de Koch aux antibiotiques conditionne la réussite du programme de lutte contre cette maladie qui frappe 15 à 18 000 malgaches chaque année. Notre première enquête a permis de rassurer le Ministere de la Santé sur le succès possible de leur stratégie nationale de lutte.
Dans les prisons malgaches, l'incidence de la tuberculose était notoirement plus élevée qu'à l'extérieur. Nous avons pu démontrer, par des méthodes de typage moléculaire, qu'il ne s'agissait pas d'une transmission intra-carcérale, mais d'un " réveil " de la maladie lié aux mauvaises conditions de détention. Un peu plus tard, il aura suffit qu'une ONG complète la ration alimentaire des détenus par un bol de riz et des haricots pour faire baisser le nombre de cas!
Lutter contre les méningites à méningocoques
Le Niger est un vaste pays situé au cœur des pays de la bande sahélienne africaine, appelée la ceinture de la méningite. Les méningites bactériennes à méningocoques, les plus graves, sévissent sous forme de grandes épidémies annuelles au cours de la saison fraîche, pendant laquelle souffle l'harmattan (un vent sec chargé de poussières). Plusieurs dizaines de milliers de cas (surtout des enfants) sont déclarés à l'OMS chaque année. Là encore, on sait que les chiffres sont sous-estimés, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées pour la peste.
À cet état de fait, s'ajoutait l'inquiétude liée à une nouvelle situation épidémiologique. Alors que les épidémies en Afrique étaient classiquement dues aux méningocoques A ou C contre lesquels on pouvait utiliser des vaccins abordables et disponibles, en 2002 des épidémies liées au méningocoque W135 contre lequel les populations n'ont jamais été exposées ont été observées. L'extension de cette souche vers tous les pays de la ceinture de la méningite serait une catastrophe car le vaccin anti- W135 est rare et coûteux.
Il est à signaler que les vaccins contre les méningites A et C ne confèrent qu'une protection de 2 ans. Une vaccination préventive de toute la population tous les 2 ans n'est pas envisageable pour des raisons économiques et structurelles dans ces pays africains. Ainsi, toute la stratégie de lutte contre les épidémies est basée sur une vaccination dite réactive. Les campagnes de vaccination limitées à la zone touchée ne sont donc enclenchées qu'après l'alerte épidémique et l'identification du germe responsable. En l'absence de laboratoires dans ces pays, le retard dans l'alerte est bien évidemment une constante, laissant l'épidémie se propager le temps que les prélèvements atteignent les capitales ou les centres de référence.
Pour que l'alerte soit rapide dès les premiers cas suspectés, il était donc primordial que les agents de santé partout en brousse puissent disposer de tests de diagnostic robustes et simples à utiliser. Forte de mon expérience sur la peste à Madagascar, avec l'aide de collègues de l'IP, nous avons réussi à mettre au point 4 autres tests bandelettes pour le diagnostic des méningites à méningocoques A, C, W135 et Y. Une fois ces tests validés dans les conditions de terrain sahélienne, j'ai formé mon équipe à leur production et à la préparation des kits quadrivalents. Le financement des équipements a été obtenu auprès de Sanofi Pasteur. Pour couvrir ce vaste pays, nous avons formé des formateurs dans chaque district. Avec l'aide de l'OMS et de l'IP, la formation et l'évaluation sur le terrain ont pu être étendues au Burkina Faso, au Mali et au Cameroun.
Les principaux financements de mes travaux de recherche à Madagascar et au Niger ont été obtenus auprès de l'Institut Pasteur, la Banque Mondiale, la Fondation B & M Gates, les Laboratoires Sanofi Pasteur, le Fonds Mondial, la Coopération Française, l'UNICEF.
En Novembre 2005 en collaboration avec l'IP et avec l'aide financière de la Fondation Mérieux, j'ai organisé à Niamey un congrès international intitulé "Ceinture Africaine de la méningite: de la génomique aux stratégies de surveillance, de lutte et de prévention", réunissant une centaine de spécialistes mondiaux de la question. L'état des connaissances a fait l'objet d'un numéro spécial du journal anglophone VACCINE en 2006.
Surveillance de l'endémie pesteuse et de sa reémergence sur les hauts plateaux, dans la capitale Antananarivo et dans le port de Majunga. Au début des années 90, un millier de nouveaux cas de peste était déclaré chaque année dans le pays. On savait ce chiffre sous estimé, compte tenu du délabrement du système de santé et des routes, de la complexité des moyens diagnostiques (bactériologie, inoculation à la souris) et de l'ignorance des populations exposées, populations parmi les plus défavorisées et les plus vulnérables.
D'où mon initiative de mettre au point une méthode rapide de diagnostic qui puisse être utilisable en brousse par le personnel soignant et conservable à température ambiante. En 2000 à l'IP Paris, j'ai réussi à développer des tests bandelettes très sensibles et très spécifiques de la peste. Elles ont ensuite été validées en condition de terrain a Madagascar, puis adoptées par le Ministère de la Santé Publique dans leur Programme National de Lutte. Devant le refus de quelques laboratoires de le produire (un marché insignifiant dans des pays non solvables...), j'ai décidé de former mon équipe à sa production et de convaincre la Banque Mondiale d'équiper mon laboratoire. Des kits de diagnostic ont été fabriqués et 850 agents de santé ont été formés à l'utilisation de ces tests. Cet outil de confirmation de la peste chez les patients mais aussi chez les rats, a permis de changer et de rendre plus efficace la stratégie de lutte contre cette maladie. 15 ans après mon départ de Madagascar, l'équipe malgache continue de produire ces kits pour les besoins du pays. À la demande de l'OMS, ces tests ont pu être fournis à d'autres pays africains, comme test d'alerte dans des zones d'émergence ou de reémergence de la peste.
Si la peste a réemergé à Madagascar au début des années 90, elle n'avait en fait jamais disparu du pays pendant un siècle après son introduction. Maladie des rongeurs avant tout (l'homme n'étant qu'une victime accidentelle, suite à une piqure par des puces de rats infectés), la question scientifique était de comprendre comment elle s'est perpétuée en terre malgache, alors qu'elle a été éradiquée de la plupart des pays. Par une approche multidisciplinaire, un grand projet de recherche a été élaboré pour comprendre le rôle de tous les acteurs du cycle de transmission (bacille, rongeurs, puces, pratiques sociales, environnement). J'ai été la coordinatrice scientifique d'une équipe composée de médecins, épidémiologistes, biologistes, entomologistes, rodentologues et géographes de la santé. Les résultats ont été publiés dans des revues internationales et un condensé est rassemblé dans un ATLAS de la peste à Madagascar (2006, Éditions IRD/Institut Pasteur).
En 1998, notre laboratoire a été reconnu Centre Collaborateur de l'OMS et j'ai assuré sa direction jusqu'en 2002.
En guise de clin d'oeil, je trouvais que "la peste et le choléra" ne pouvaient être dissociés...C'est ainsi que j'ai aussi développé un test rapide pour le choléra, praticable au chevet du malade. Plus tard au Niger, ce test m'aura servi pour donner l'alerte pour plusieurs épidémies de choléra.
La tuberculose, une maladie hyperendémique à Madagascar.
La résistance primaire du bacille de Koch aux antibiotiques conditionne la réussite du programme de lutte contre cette maladie qui frappe 15 à 18 000 malgaches chaque année. Notre première enquête a permis de rassurer le Ministere de la Santé sur le succès possible de leur stratégie nationale de lutte.
Dans les prisons malgaches, l'incidence de la tuberculose était notoirement plus élevée qu'à l'extérieur. Nous avons pu démontrer, par des méthodes de typage moléculaire, qu'il ne s'agissait pas d'une transmission intra-carcérale, mais d'un " réveil " de la maladie lié aux mauvaises conditions de détention. Un peu plus tard, il aura suffit qu'une ONG complète la ration alimentaire des détenus par un bol de riz et des haricots pour faire baisser le nombre de cas!
Lutter contre les méningites à méningocoques
Le Niger est un vaste pays situé au cœur des pays de la bande sahélienne africaine, appelée la ceinture de la méningite. Les méningites bactériennes à méningocoques, les plus graves, sévissent sous forme de grandes épidémies annuelles au cours de la saison fraîche, pendant laquelle souffle l'harmattan (un vent sec chargé de poussières). Plusieurs dizaines de milliers de cas (surtout des enfants) sont déclarés à l'OMS chaque année. Là encore, on sait que les chiffres sont sous-estimés, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées pour la peste.
À cet état de fait, s'ajoutait l'inquiétude liée à une nouvelle situation épidémiologique. Alors que les épidémies en Afrique étaient classiquement dues aux méningocoques A ou C contre lesquels on pouvait utiliser des vaccins abordables et disponibles, en 2002 des épidémies liées au méningocoque W135 contre lequel les populations n'ont jamais été exposées ont été observées. L'extension de cette souche vers tous les pays de la ceinture de la méningite serait une catastrophe car le vaccin anti- W135 est rare et coûteux.
Il est à signaler que les vaccins contre les méningites A et C ne confèrent qu'une protection de 2 ans. Une vaccination préventive de toute la population tous les 2 ans n'est pas envisageable pour des raisons économiques et structurelles dans ces pays africains. Ainsi, toute la stratégie de lutte contre les épidémies est basée sur une vaccination dite réactive. Les campagnes de vaccination limitées à la zone touchée ne sont donc enclenchées qu'après l'alerte épidémique et l'identification du germe responsable. En l'absence de laboratoires dans ces pays, le retard dans l'alerte est bien évidemment une constante, laissant l'épidémie se propager le temps que les prélèvements atteignent les capitales ou les centres de référence.
Pour que l'alerte soit rapide dès les premiers cas suspectés, il était donc primordial que les agents de santé partout en brousse puissent disposer de tests de diagnostic robustes et simples à utiliser. Forte de mon expérience sur la peste à Madagascar, avec l'aide de collègues de l'IP, nous avons réussi à mettre au point 4 autres tests bandelettes pour le diagnostic des méningites à méningocoques A, C, W135 et Y. Une fois ces tests validés dans les conditions de terrain sahélienne, j'ai formé mon équipe à leur production et à la préparation des kits quadrivalents. Le financement des équipements a été obtenu auprès de Sanofi Pasteur. Pour couvrir ce vaste pays, nous avons formé des formateurs dans chaque district. Avec l'aide de l'OMS et de l'IP, la formation et l'évaluation sur le terrain ont pu être étendues au Burkina Faso, au Mali et au Cameroun.
Les principaux financements de mes travaux de recherche à Madagascar et au Niger ont été obtenus auprès de l'Institut Pasteur, la Banque Mondiale, la Fondation B & M Gates, les Laboratoires Sanofi Pasteur, le Fonds Mondial, la Coopération Française, l'UNICEF.
En Novembre 2005 en collaboration avec l'IP et avec l'aide financière de la Fondation Mérieux, j'ai organisé à Niamey un congrès international intitulé "Ceinture Africaine de la méningite: de la génomique aux stratégies de surveillance, de lutte et de prévention", réunissant une centaine de spécialistes mondiaux de la question. L'état des connaissances a fait l'objet d'un numéro spécial du journal anglophone VACCINE en 2006.