"Certaines opérations" "sont critiquables et peu transparentes" à TNAD


Si TNAD a la possibilité d’intervenir sur un très grand nombre de domaines et pour des clients autant privés que publics, la Polynésie française est dans les faits son seul client.
PAPEETE, le 22 juin 2015. La chambre territoriale des comptes a examiné la gestion de l'établissement public TNAD avec en particulier l'achat de l'ancien Royal Papeete et de "Cook's Bay". La chambre préconise de mettre en œuvre "des procédures d’achat assurant une réelle transparence". "Au minimum", l'établissement devra "justifier les objectifs poursuivis et présenter des états financiers sincères".




La chambre territoriale des comptes (CTC) a publié ce lundi son rapport étudiant la gestion de 2008 à 2014. D'emblée, elle précise qu'elle "a fait le choix d’écarter de son champ d’investigation les éléments qui font déjà, ou qui sont fortement susceptibles de faire, l’objet d’instruction devant les juridictions judiciaires ou administratives". C'est pourquoi la CTC n'a pas examiné la construction du centre hospitalier de la Polynésie française.
La juridiction consacre une bonne partie de son rapport à "certaines opérations immobilières (qui) sont critiquables et peu transparentes". Elle fait ainsi référence au Cook's Bay, à l'ancien Royal Papeete et aux terrains de Faratea.

Pas "de business plan" pour le Royal Papeete

L'ancien Royal Papeete et son terrain ont été rachetés en février 2009. A l'origine, il était prévu d'y construire un parking de 450 places pour la gare maritime, située en face. Ce parking aérien devait être complété « d’un ensemble de boutiques adaptées aux besoins des passagers et d'un dernier étage destinés à un restaurant et une boite de nuit », indique le procès-verbal d'un conseil d'administration en septembre 2008.

Mais cet achat "pour 600 millions de Fcfp a été effectué sans justification apparente, à un prix bien supérieur à l’estimation de la commission des évaluations immobilières (CEI)", indique le rapport de la chambre. "La procédure suivie est d’autant plus regrettable qu’elle a négligé les observations du commissaire du gouvernement de l’établissement qui posaient, dès l’origine, des questions restées aujourd’hui encore sans réponse. Cet achat a été effectué sans aucune présentation globale du projet, sur l’unique justification que cette parcelle acquise au prix fort et destinée à devenir un parking, entrait dans le cadre du projet de nouvelle gare maritime".
Pour la chambre, des réflexes de base n’ont pas été pris. "A aucun moment les 600 millions d’achat n’ont été présentés en perspective avec les coûts induits (acte notarié, démolition, construction…) et avec les recettes attendues in fine. Cette absence de formalisation d’un business plan, même sommaire illustre soit de réelles défaillances en termes de gestion, soit la volonté de masquer l’impossibilité d’équilibrer tout projet sur la parcelle en raison d’un coût d’achat trop élevé", met en avant le rapport de la CTC.




L'achat de l'ancien Royal Papeete "a été effectué sans aucune présentation globale du projet, sur l’unique justification que cette parcelle acquise au prix fort et destinée à devenir un parking, entrait dans le cadre du projet de nouvelle gare maritime", regrette la CTC.
Toujours pas d'institut de la mer à Cook's Bay

Mars 2009 : l'ensemble immobilier Cook's Bay est racheté. En décembre 2008, le directeur général de l'établissement de l'époque indiquait que l'objectif était de transformer le lieu en "institut de la mer, orienté vers la formation et la recherche et intégrant une résidence pour étudiants".
Près de six ans après l’achat de ce complexe, aucun institut de la mer n’a vu le jour. "Aucune dépense de mise en valeur ou de transformation du complexe" n'a non plus été engagée souligne la chambre.
Pour la CTC, les achats du Cook's Bay et de l’ancien Royal Papeete "font (..) apparaître soit une incapacité manifeste à gérer les deniers publics, soit une volonté d’acheter en dépit du bon sens".
La chambre territoriale des comptes adresse quatre recommandations à TNAD afin d'améliorer notamment "les statuts et la gouvernance de TNAD".


Consulter le rapport de la CTC dans son intégralité

De l'EGT à TNAD

Tahiti Nui Aménagement et Développement (TNAD) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Il est né en 2002 sous le nom d’établissement des grands travaux (EGT), il s’est ensuite appelé, au gré de ses modifications statutaires, Établissement public d’aménagement et de développement (EAD en 2008) puis Établissement public d’aménagement et de construction (EAC en 2011).

Ce qu'a coûté l'instabilité

Entre 2008 et 2014, TNAD "s’est séparé de trois directeurs dont l’un d’eux avait déjà été licencié par l’établissement en 2007" rappelle la CTC.
Michel Deluermoz ayant officié moins de deux mois chez TNAD (du 13 janvier au 10 mars 2014) a perçu, conformément aux termes de son contrat, une indemnité de rupture de contrat égale à trois mois de traitement brut. "Sans que cela ne soit irrégulier, il peut être remarqué que les termes du contrat de travail ont entraîné le versement d’une indemnité de rupture supérieure à l’ensemble des salaires versés", note la CTC. Eric Noble-Demay a lui été en poste, du 19 mars 2007 au 7 mai 2009. La fin de ses fonctions a fait l’objet d’un contentieux réglé devant le tribunal du travail en 2011. "Après un premier versement de 13,3 millions de Fcfp en 2009, correspondant au délai de préavis contractuel, EAD à l’époque a été condamné à payer 13,2 millions de francs CFP supplémentaires dont 12,9 au titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse", met en avant la chambre. "Au final, le départ de M. Noble Demay aura coûté 26,4 millions de francs CFP à TNAD."
La chambre revient ensuite sur le cas de Jacques Derue, en fonction du 11 juin 2009 au 31 juillet 2013. "M. Derue avait déjà été directeur de l’établissement des grands travaux et avait déjà perçu plus de 31 millions de Fcfp d’indemnités diverses lorsqu’il été mis fin une première fois à ses fonctions par arrêté du 14 mars 2007", note la CTC. "Lors de la rupture du contrat en juillet 2013, M. Derue a perçu 15,8 millions de francs CFP au titre d’indemnités correspondant notamment à la rupture de son contrat et aux jours de congés non pris. "

Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 22 Juin 2015 à 17:05 | Lu 3400 fois