Ce qui se joue en Polynésie pour les européennes 2019


PAPEETE, 12 mai 2019 - Le scrutin des élections européennes aura lieu le samedi 25 mai en Polynésie française. Cette élection est traditionnellement peu suivie au fenua et sujette à instrumentalisation par les partis locaux à des fins personnelles.
 
C’est officiel depuis vendredi : 34 listes se présentent aux élections européennes 2019. Ce scrutin quinquennal aura lieu le samedi 25 mai dans six collectivités françaises d’outre-mer dont la Polynésie française, et le dimanche 26 mai dans l’Hexagone.

Cette élection doit permettre de désigner les 79 représentants de la France au Parlement européen jusqu’en 2024. On sait aujourd’hui, compte tenu de la participation du Royaume-Uni à cette élection, que cet effectif sera provisoirement ramené à 74 eurodéputés français. Les 5 candidats élus de la 75e à la 79e place entreront en fonction à la date effective Brexit, fixée pour l’instant au 31 octobre 2019.

Les élections européennes se dérouleront sur le mode du suffrage universel direct à un tour. En France, la loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen rétablit une circonscription électorale unique sur l’ensemble du territoire. Ce texte met fin au découpage en huit circonscriptions interrégionales (dont une en outre-mer) pratiqué depuis 2003.

Selon le sondage "2019 Opinions" réalisé quotidiennement par Epoka et Harris Interactive (estimations à jour ici), les listes Renaissance (LREM-MoDem) et Prenez le pouvoir, liste soutenue par Marine Le Pen (RN) sont, en fin de semaine dernière, toutes deux au coude à coude avec 22 % d’intentions de vote. Elles sont toujours suivies par la liste LR (13 %), La France insoumise (9,5 %), Europe Ecologie-les Verts (7 %). Les autres listes recueillent au plus 5 % d’intentions de vote. 
 
15 % de participation en 2014
 
Concrètement, fin mai les électeurs vont devoir voter pour une liste nationale de 79 candidats, parmi les 34 présentées par les partis et groupements politiques. Les candidats présentés seront élus au scrutin de liste selon les règles de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Les sièges seront ensuite attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste.

C’est ce lundi que démarre la campagne électorale audiovisuelle officielle, avec un temps équilibré d’antenne accordé sur les chaînes de télévision et de radio publiques aux 34 listes en présence, sous le contrôle du CSA.

En Polynésie française le scrutin mobilise peu, habituellement. L’Europe est perçue comme une autorité politique lointaine dont on peine à saisir l’influence concrète dans le quotidien. En 2014, les électeurs avaient à faire un choix parmi les 19 listes en lice dans la circonscription Outre-mer, lors des dernières européennes. Le taux de participation a été de 14,97 % sur l’ensemble de la collectivité, où seuls 29 555 personnes ont voté parmi les 197 374 inscrits sur les listes électorales d’alors. "L’Europe, c’est des routes, de l’eau, de l’assainissement" a insisté Annick Girardin, la ministre des Outre-mer Fritch, début mars lors du Forum des Pays et territoire d’outre-mer de l’UE organisé cette année à Tahiti. Entre 2014 et 2020, c’est aussi 3,6 milliards de crédits en faveur du secteur du tourisme polynésien par le 11e Fonds européen de développement (FED), comme l’a souligné le président Edouard Fritch en marge du même sommet. 

Concrètement pourtant, les trois grands partis locaux que sont le Tapura, le Tavini et le Tahoera'a, paraissent s’être positionnés à ce scrutin, davantage pour exister sur le terrain, mobiliser leurs militants et "se compter" dans les urnes, à moins d’un an des municipales, que pour défendre un idéal européen. Quant au président du parti Te Nati rassemblement national polynésien il pourrait profiter d'un bon score au plan national du parti de Marine Le Pen pour se frayer un chemin jusqu'au Parlement européen.

​Éric Minardi, 25e sur la liste Rassemblement National

L’entrepreneur, président du parti Te Nati rassemblement national polynésien, est en 25e position sur la liste Prenez le pouvoir, liste soutenue par Marine Le Pen pour les élections européennes 2019. Éric Minardi estime que la liste du Rassemblement National est en position d’avoir "jusqu’à 28 élus au Parlement européen". Sur la base des enquêtes d’opinion qui donnent actuellement 22 % d’intentions de vote au groupe RN, le parti politique de Marine Le Pen ne peut guère compter avec assurance que sur 18 élus à Bruxelles pour l'instant le 26 mai prochain. 

Eurodéputé, Éric Minardi déclare vouloir défendre les intérêts des Français de l’outre-mer et porter le débat sur le fait nucléaire. Une ambition pour laquelle il se dit prêt à travailler avec les élus polynésiens au Parlement français.  
En mai 2014, la liste Bleu Marine "Non à Bruxelles, oui à la France" avait recueilli 7,7 % des suffrages exprimés en exprimés en Polynésie française, soit 2144 voix. 

​Le Tapura soutient la liste LREM

Le ministre de l’économie verte et du domaine, Tearii Alpha, est en 34e position sur la liste LREM Renaissance conduite par Nathalie Loiseau et soutenue le MoDem et ses partenaires. 

En position non éligible, la présence de Tearii Alpha sur la liste LREM donne l’opportunité au parti d’Edouard Fritch de prendre légitimement position face au Tahoera’a et au Tavini et de compter l’importance relative des suffrages recueillis, le 25 mai. On se souvient que cette décision, prise en conseil politique en l’absence des quatre parlementaires Tapura avait été vertement dénoncée par ceux-ci en vertu de la collaboration qu’ils entretiennent avec le groupe UDI. 

​Le Tahoera’a derrière la liste Les Républicains

Le parti orange a appelé en février dernier à soutenir la liste du parti Les Républicains pour le scrutin du 25 mai. « Nous ne demandons rien en échange », assurait Gaston Flosse, le 7 février à l’annonce de ce choix fait la veille par le bureau exécutif de son parti et totalement assumé par le Vieux lion, après avoir soutenu Marine Le Pen à la Présidentielle de 2017 : "J’étais membre fondateur du RPR. Nous avons toujours été des gaullistes."

A moins d’un an des élections municipales, le scrutin des européennes offre l’opportunité au Tahoera’a Huiraatira, en perte de vitesse, de mobiliser ses troupes sur le terrain. L’occasion également de jauger son importance relative dans les urnes par rapport au Tapura et au Tavini, à l’issue, le 25 mai prochain. 

Le pas de côté du Tavini

Le parti souverainiste Tavini Huiraatira aurait pu appeler à l’abstention, il réalise finalement un pas de côté et propose aux électeurs de Polynésie française d’utiliser le scrutin européen pour ouvrir un débat sur la "constitution et le gouvernement de Maohi Nui" en appelant les électeurs à insérer un bulletin Maohi Nui dans l’urne, le 25 mai. "C’est une façon pacifique de nous exprimer", déclare-t-il. Ces suffrages viendront gonfler le chiffre des votes comptés comme nuls. Mais un comptage parallèle sera confié aux assesseurs bleus, le soir du vote.

L’impression de ces bulletins est confiée aux militants du parti souverainiste, dans chaque fédération. Le parti distribuera les exemplaires au cours de sa campagne en invitant les électeurs à se rendre au bureau de vote avec leur bulletin Maohi Nui, pour le glisser dans l’urne le jour venu.  

Rédigé par JPV le Dimanche 12 Mai 2019 à 10:09 | Lu 3104 fois