Carnet de voyage en Patagonie: dans les glaces du Beagle...


Tout le long du canal de Beagle, d'énormes masses de glaces descendent de la Cordillère de Darwin pour se fondre à l'eau salée.
Il y a quelques lieux mythiques sur la planète dont la simple évocation donne une féroce envie de tout laisser en plan et de partir. Le canal de Beagle, à l'extrême sud de la Terre de Feu, fait partie de ces endroits magiques. Tahiti Infos vous le fait remonter, du Pacifique à l'Atlantique, entre des murs de glace…

Vu du quai de Punta Arenas, le « Stella Australis » fait aussi cossu que costaud. Il est vrai que comparé à quelques navires russes et aux petits cargos chiliens assurant le cabotage entre ici et Chiloé, il est même carrément majestueux. Plus tard, contre les glaciers, lorsqu'il aura largué ses amarres, il fera nettement plus frêle…


Éviter le terrible Horn

Exploration d'une langue glaciaire à bord des pneumatiques du "Stella Australis".
Un canal de 240 km de longueur

Plantons le décor : l'Amérique du Sud se termine par la Patagonie, dont la pointe sud est détachée du continent par un large bras de mer, le détroit de Magellan. Cette pointe, immense en réalité, a été baptisée Terre de Feu par les premiers navigateurs qui virent, la nuit, les "Naturels" faire des feux le long de la côte.
Cette terre inhospitalière est elle-même coupée en deux, au sud, par une ligne droite de 240 km de longueur, le canal de Beagle, la voie navigable la plus australe de la planète. C'est sur cette route que nous vous convions aujourd'hui, route, est-il besoin de le préciser, uniquement maritime, puisque aucune piste ne parvient jusqu'à ces latitudes.
Le navire, avec un mélange de fierté et de nonchalance, s'engage dans le canal de Beagle par son entrée ouest, dans des eaux qui sont encore celles de l'océan Pacifique. Il a lentement descendu le détroit de Magellan au départ de son port d'attache, quasiment à la verticale sur une carte, avant de virer de bord et de prendre la direction du Levant en embouquant le canal pour ne le "lâcher" qu'arrivé à Ushuaia.
Ce passage maritime très sûr n'a été découvert qu'en 1830 et porte le nom du bateau qui le remonta. Situé entre 68° et 66° de latitude sud, il permet à de gros navires d'éviter d'affronter le cap Horn, plus au sud, cimetière à marins à juste titre redouté.


Un peu argentin, beaucoup chilien

Les glaciers longeant des crêtes où l'érosion est très forte sont recouverts de débris rocheux et paraissent ainsi noirs.
Dans la réalité d'aujourd'hui, cette voie navigable est peu empruntée même si ses cinq kilomètres de large en font une splendide "autoroute" entre l'Atlantique et le Pacifique. Les "voileux et les petits cargos assurant le fret entre Ushuaia et Punta Arenas ne le boudent pourtant pas. Quand on a fait, sur un voilier, le Horn dans le sens ouest-est une fois, on est content de ne pas prendre le risque de revivre le cauchemar que vécut le capitaine Bligh à bord de la Bounty, lorsqu'il tenta de rallier l'Angleterre à Tahiti : après 30 jours dans l'Atlantique à buter sur ce terrible cap, il finit par renoncer et passer par l'Afrique et le sud de l'Asie…
Politiquement le canal est coupé en deux : dans sa partie orientale, il sert de frontière entre l'Argentine (au nord, avec la ville de Ushuaia) et le Chili (au Sud, avec la petite ville de Puerto Williams, cité la plus australe du monde), alors que dans sa partie occidentale, il est entièrement chilien.


La somptueuse "Glacier Alley"

Au fond du fjord Pia, le glacier du même nom. Le spectacle des effondrements de blocs de glace est guetté par les touristes.
Sur sa rive nord, la Terre de Feu, avec la haute cordillère de Darwin, forme un énorme bloc massif, alors qu'au sud, le continent s'émiette très vite jusqu'à venir mourir au pied des falaises du Horn.
Tout l'intérêt de la navigation dans ce canal consiste à profiter de l'occasion pour admirer de spectaculaires glaciers, certains cachés au fond de fjords magnifiques, d'autres au contraire sagement rangés le long du flanc nord du canal, comme autant de draps blancs mis à sécher au soleil.
On parle d'ailleurs de la "Glacier Alley", en énumérant ces somptueuses cascades aussi colossales que figées : glaciar España, Romanche, Alemania, Italia, Francia, Holanda, à croire que ceux qui les ont baptisés à l'époque de leur découverte ont pris soin de ne diplomatiquement vexer personne (sinon les Anglais...).

Des glaciers qui reculent

À cause du réchauffement climatique, beaucoup de glaciers de la Terre de Feu n'arrivent plus jusqu'à la mer ; des cascades les prolongent, au fur et à mesure de leur recul et de leur fonte.
Il y a quelques décennies, les anciens s'en souviennent, ces glaciers se jetaient littéralement dans le canal de Beagle. Aujourd'hui, le réchauffement climatique, qui n'est pas une vue de l'esprit en Patagonie, se traduit par un spectaculaire recul de ces langues de glace qui semblent parfois accrochées sur des hauteurs, alors que le bas de leur cours n'est plus qu'une cascade ricochant sur des rochers gris…
Qu'en sera-t-il dans quelques autres décennies ? Il y a fort à craindre que ces glaciers ne seront plus que des souvenirs. Autant vous dire qu'il ne faut plus perdre de temps pour venir les admirer…

Textes et photos : Daniel Pardon


22h ; le soleil se couche très tard à ces latitudes et ses rayons illuminent encore les glaces de la cordillère de Darwin.

Le « Beagle » pratique

Le "Stella Australis".
Pour y aller

Papeete-Santiago-Punta Arenas par la compagnie Latam.
Une nuit à Santiago (plus, si un peu de shopping est nécessaire ; sinon, shopping facile et adapté au froid à Punta Arenas, dans la "zone franche").

Pour naviguer

Une solution de grand standing, proposée par la compagnie Transports Maritimes Geo Australis S.A. : le « Stella Australis » qui a pris en 2011 la relève du « Mare Australis » : 100 cabines, 5 ponts, 210 passagers maximum. Son sister-ship, le « Ventus Australis » vient d’entrer en service le 2 janvier 2018.

Quand y aller
La Patagonie est sujette à de terribles tempêtes hivernales. Décembre, janvier, février (été austral) sont les mois les plus indiqués pour l’explorer dans de bonnes conditions. Les croisières fonctionnent de septembre à avril.

Pour ne rien rater
L'aller Punta Arenas-Ushuaia se fait en 4 jours, le retour en 3 jours. Les deux voyages n'ayant rien à voir hormis l'itinéraire, prévoyez de passer impérativement 7 nuits à bord, de Punta à Punta par exemple (ou de Ushuaia à Ushuaia).

Pour explorer
À bord, plusieurs bateaux pneumatiques permettent d'accéder au rivage, de "beacher" ou de frôler les glaciers. Les guides sont des pros. On parle l'anglais, l'espagnol et parfois le français.

Pour rester au sec
L'équipage vous fournira des bottes pour vous éviter de vous mouiller les" petons". À bord, possibilité d'acheter pour quelques dollars des cirés jaunes (pas très solides, mais pour une semaine, ils sont suffisants).

Le site et les réservations
Site : www.australis.com

Prudent de réserver six mois à un an à l'avance.










Rédigé par Daniel Pardon le Vendredi 5 Janvier 2018 à 08:57 | Lu 2624 fois