Carnet de voyage - Waitangi : ici naquit une nation


La Treaty House fut construite en plusieurs fois à partir de 1833. Elle servit de demeure à Busby, lorsqu'il prépara les tribus maories d'abord à une indépendance bien fantaisiste, puis à leur intégration dans l'empire anglais.
NOUVELLE ZELANDE, le Sur 506 hectares sanctuarisés, s'étend le "Waitangi National Trust", un site néo-zélandais chargé d'histoire, sur la côte ouest du Northland kiwi. C'est en effet ici que fut ratifié, le 6 février 1840, le Traité de Waitangi, qui liait le sort des Maoris et des Européens. Visite…

Waitangi, sur la côte est du Northland néo-zélandais, est aujourd'hui un lieu de paix, de calme et de sérénité. Un mât, une maison (la "Treaty House"), un très beau musée récemment construit, une pirogue géante, un marae (maison sacrée des Maoris qui y proposent un spectacle), des arbres et des pelouses… Ce site de la célèbre "Bay of Islands" n'a pourtant pas toujours été aussi tranquille : au début du XIXe siècle, la baie en question était un repaire de marins, baleiniers, santaliers et autres beachcombers dont la "capitale" était Russell, alors appelée Kororareka, le "Hel-hole of the Pacific", comprenez le bouge…

L'indépendance en 1835 !

Ce ne furent pas les trois missions implantées en 1815 (à Rangihoua), en 1819 (à Kerikeri) et en 1823 (à Paihia) qui amenèrent le calme, à tel point qu'en 1833, le gouvernement britannique nomme un "résident britannique en Nouvelle-Zélande", en la personne de James Busby, pour ramener un semblant d'ordre. En 1835, il va même plus loin, en réunissant 35 chefs de la région pour leur faire signer une éphémère déclaration d'indépendance de la Nouvelle-Zélande. Il est vrai qu'entre temps, le Français Charles, baron de Thierry, s'était proclamé souverain et protecteurs des Maoris… Où ? Pas très loin du fief anglais, pratiquement à la même hauteur en latitude que Kororareka, mais sur la côte ouest du Northland. En prime, un évêque catholique, Mgr.

Pompallier était venu le rejoindre puis s’était installé justement à Kororareka, au milieu des protestants qui détestait ce « papiste », à leurs yeux intolérants pire que le diable.

Contrer la France

En janvier 1840, le capitaine anglais William Hobson arrive de Londres, chargé de signer un accord plus cohérent avec les Maoris, pour bloquer les velléités de la France. Hobson est déjà venu une première fois, et c’est lui qui avait eu cette idée, quelque peu tirée par les cheveux (et validée par la Couronne britannique) de faire signer aux Maoris un texte dans lequel ils renonceraient à leur indépendance, alors que cinq ans avant, on leur avait fait signer un papier la leur garantissant.

Le 5 février 1840, le traité est lu à haute voix, expliqué à des centaines de Maoris et aux Européens de la région. Busby a évidemment prêté main forte à Hobson, tandis que le pasteur Henry Williams se chargeait d’une traduction que nous qualifierons de « soft » pour mieux passer auprès des Maoris ; malgré son « emballage », le traité ne passe justement pas si bien que cela : journée de discussions, âpres parfois, de négociations, de marchandages ; finalement, le 6 février 1840, seulement 45 chefs apposent leur signature devant la résidence de Busby, en présence d'Hobson. Un grand mât est aujourd’hui érigé à l'endroit exact où ces signatures furent apposées. Hobson, dans la foulée, proclama la souveraineté britannique sur le pays tout entier le 21 mai 1840 (en septembre de la même année, le traité ayant circulé dans le pays, il portait 500 signatures de chefs).

Des interprétations variées

Évidemment, depuis le 6 février 1840, les exégèses ont été nombreuses pour valider ce traité qui liait Pakehas (Blancs anglais) et Maoris, ou, au contraire, pour l'invalider. Aujourd'hui encore, ce texte fait couler salive et encre et la contestation est toujours vive ici et là, l'interprétation de certains passages, entre la version anglaise et la version maorie, variant considérablement selon que l’on est pro ou anti traité.

Ce texte, acte colonial de prise de possession d’un pays par une puissance, était plutôt progressiste pour l’époque : certes, il établissait la souveraineté pleine de la Couronne britannique sur la Nouvelle-Zélande, mais il garantissait aux Maoris la possession de leurs terres que ne pouvait acheter que la Grande-Bretagne, ayant droit de préemption sur toutes les terrains à la vente, de manière à stopper les « arnaques » en tous genres montées par des colons privés. Enfin, en son article 3, le traité garantit l’égalité des droits entre Maoris et Britanniques (ce qui, pour l’époque, est à noter).

Quoi que les uns et les autres en pensent aujourd’hui, le fait est que c'est en ce lieu que ce qui devint bien plus tard la nation néo-zélandaise a été portée sur les fonts baptismaux et que, depuis, ce sont les quelques lignes de ce document, maladroitement signé (on peut en voir une copie sur place) qui ont permis à deux communautés de vivre côte à côte, Maoris et non Maoris, au sein du pays appelé aussi Aotearoa.

Comme l’a dit Hobson le 6 février 1840, avec le document enfin paraphé en main (et le sourire aux lèvres) : « nous sommes aujourd’hui un peuple » ("He iwi tahi tātou")…

Textes et photos : Daniel Pardon
Le vaka maori (la pirogue) à l'abri devant la plage de Hobson Beach mesure 35m de long ; il est appelé NgatokiMatawhaorua. Il faut 76 rameurs au moins pour le manœuvrer correctement en haute mer. Il a été lancé pour la première fois en 1940 pour le centenaire du traité. Il porte le nom du vaka sur lequel arriva l'explorateur maori Kupe.

A la base des proues de pirogues, un visage maori sculpté protégeait les rameurs et guerriers des mauvais esprits sur leur route.

A la base des proues de pirogues, un visage maori sculpté protégeait les rameurs et guerriers des mauvais esprits sur leur route.

A la base des proues de pirogues, un visage maori sculpté protégeait les rameurs et guerriers des mauvais esprits sur leur route.

Waitangi pratique

Pour y aller
Vols directs Auckland-Kerikeri (45 ‘) sur la compagnie Air New Zealand.

Pour circuler
Location d'une voiture indispensable, car la région est vaste et les centres d'attractions multiples. Golf, équitation, pêche, plage (l'eau est plus fraîche que chez nous)…

Le conseil Tahiti Infos
Waitangi est une étape indispensable pour "lire" l'histoire de notre grande région. Le site mérite deux bonnes heures. Pour pleinement apprécier ce spot, entamez la visite avec un guide (si vous parlez anglais) et laissez-vous porter 157 ans en arrière (notamment en consacrant un moment au musée, très bien conçu). Le tour terminé, vous pouvez flâner sur place, vous restaurer et apprécier ce cadre magnifique.
Profitez-en pour passer la journée entre Paihia et Russell, les deux stations balnéaires les plus huppées de la région. L'intersaison (printemps ou automne) sera évidemment plus tranquille que le plein été austral.

Le + Tahiti Infos
Partez en emmenant sous le bras le livre de Robert Sinsoilliez "L'expédition des Normands en Nouvelle-Zélande" (Éditions Charles Corlet), qui retrace l'épopée des Français face aux Anglais dans un pays qui faillit bien devenir un joli coin de France… Pas de nostalgie, mais des faits précis qui permettent de comprendre que, parfois, le destin d'un pays tout entier bascule pour presque rien : un temps de temps perdu, des indécisions, des "timidités" diplomatiques… Et relisez, sur le site de Tahiti Infos, la biographie que nous avons consacrée au baron de Thierry.

Te Whare Runanga

Cette maison communautaire maorie a été édifiée sur le site en 1940, pour le centenaire du traité. Elle a été nommée "Te Tiriti o Waitangi" (nom du traité en maori), mais est désormais appelée Te Whare Runanga, pour éviter une confusion avec une autre maison communautaire proche. Elle a été construite et aménagée par toutes les tribus maories. La maison et la pelouse forment un marae national. Au pignon de la toiture figure une reproduction de Kupe, l'explorateur maori qui débarqua le premier. A l’'intérieur, les sculptures représentent de nombreux ancêtres. Les principaux styles tribaux apparaissent dans les sculptures, les panneaux en joncs tressés et les motifs des chevrons peints. Les maoris de la région y donnent des petites spectacles pour les touristes visitant Waitangi.

Votre hébergement : Coco Zen

Sur une partie isolée et sauvage de la commune de Kerikeri, une demi-douzaine de chalets en bois, très confortables, sont nichés dans un domaine forestier de dix hectares dominant la baie de Takou. Au premier plan, jusqu’à la mer, une vallée couverte de forêts ; au loin, les îles Cavalli.

Trois de ces chalets sont réservés à l’hébergement : le chalet Motueka (65m2 + terrasse, 1 chambre avec un lit king size, une chambre avec deux lits) et les chalets Panaki et Wakapuki, 42m2 (une chambre avec lit king size). Les trois chalets disposent d’un parking privé, d’une cuisine équipée, d’un accès internet, d’un large living room, d’une salle de bain (+ télévision, DVD, musique). La région autour de Kerikeri mérite une bonne semaine pour être visitée et pour se reposer et se détendre dans une ambiance gourmande. Tarifs à la demande, (site : http://www.cocozen.co.nz). Cocozen travaille beaucoup avec Air New Zealand (forfaits), mais le trajet via Air Tahiti Nui (PPT-Auckland-Kerikeri) est très agréable, compte tenu des horaires.


Ce mât a été dressé là même où les 45 chefs maoris signèrent le traité le 6 février 1840.

A l’intérieur du musée, une peinture représente la signature du document.

L’entrée du nouveau musée bâti récemment sur le site.

La visite du site, assez vaste, mérite d’être faite avec un guide, quitte à ensuite revenir seul dans les endroits les plus intéressants.

Près du rivage, des pirogues sacrées maories des tribus de la région de Waitangi.

Rédigé par Daniel PARDON le Jeudi 24 Aout 2017 à 16:20 | Lu 1854 fois