Un portrait de Suzanne Aubert à la fin de sa vie. Ce petit bout de bonne femme releva tous les défis que la vie lui imposa, sans jamais céder un pouce de terrain à qui que ce soit.
NOUVELLE-ZELANDE, le 17 mars 2016. Depuis plusieurs années, le Vatican instruit le procès en béatification d’une religieuse exceptionnelle, une petite Lyonnaise qui a marqué l’histoire de la Nouvelle-Zélande de son empreinte, au point que Suzanne Aubert est parfois appelée “la mère Térésa” des Maoris. Portrait d’une infatigable femme de foi et surtout d’action, qui sera bientôt la première sainte du Pacifique Sud.
Père notaire, mère impliquée dans les bonnes œuvres de la paroisse catholique de Saint-Symphorien-de-Lay : lorsque la petite Marie Henriette Suzanne Aubert vient au monde le 19 juin 1835, tout laisse à penser qu’elle sera une petite fille bien élevée, qui, plus tard, fera, sans doute, un bon mariage avec un petit bourgeois très catholique du quartier d’Ainay à Lyon. Sauf qu’à deux ans, la vie de Suzanne est mise entre parenthèses : elle passe à travers la glace d’un étang gelé, s’abîme les jambes sur des rochers immergés et séjourne dans l’eau glacée. Elle en ressort aveugle et handicapée physique. Pourra-t-elle voir à nouveau ? Pourra-t-elle marcher, gambader ? La mort prématurée de l’un de ses trois frères, Louis, n’arrange rien. Mais la petite a de la ressource. Elle récupère très bien et sort de cette mésaventure avec un caractère trempé (à l’eau glacée). Nouvelle épreuve, elle a dix ans quand on découvre un cancer chez sa mère, en 1845. La famille se rend à la basilique de Fourvière, dominant la Saône, à Lyon, et un miracle se produit : maman en ressort guérie !
Coup de pouce du curé d’Ars
Suzanne poursuit sa scolarité, et, en mûrissant, au vu de son jeune passé, elle décide de se consacrer à Dieu, aux malades, aux souffrants, aux handicapés. Sa mère, qui ne mesure pas la force de sa vocation, prévoit pour sa fille, un mariage avec un fils de bonne famille. En plus de sa scolarité chez les sœurs clarisses, Suzanne étudie la musique, les arts, la couture, les langues (latin, grec, anglais, espagnol…) et la littérature. Elle dévore tous les livres qu’elle trouve, apprend aussi la cuisine et comment tenir une maison. En douce, elle suit même des cours de médecine (réservés aux garçons), pour avoir le niveau d’une bonne infirmière. Désespérée par le refus que sa fille oppose à tout projet de mariage, sa mère se tourne vers le curé d’Ars, Jean Viannet ; celui-ci approuve la fille au détriment de la mère et encourage Suzanne dans son désir de devenir religieuse, qui plus est missionnaire.
Une passion pour les Maoris
En 1859, Monseigneur Jean-Baptiste Pompallier, premier évêque d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, se rend à Lyon pour recruter des volontaires. La petite Lyonnaise est subjuguée par l’idée de se consacrer aux peuples de l’hémisphère sud. Elle décide de le suivre et embarque, en 1860, avec vingt-trois autres jeunes missionnaires, dont trois jeunes Françaises (notamment Lucie Pompallier, nièce de l’évêque). Suzanne doit débarquer à Sydney, mais le bateau fait route sur Auckland et c’est là qu’elle descendra. Très vite, elle sera déçue par son affectation ; elle se fiche comme d’un guigne d’apprendre aux jeunes filles de bonne famille les évangiles ; ce qu’elle veut, c’est aider les indigènes, les Maoris, sur le terrain, pas dans une ville européanisée. Sa hiérarchie l’expédie à l’institut Nazareth, destiné aux filles maories. Dès 1862, Suzanne et quelques amies religieuses fondent une nouvelle congrégation à Freeman’s Bay, “la Sainte Famille”, sous la juridiction de Mgr. Pompallier. Devenue sœur Marie-Joseph, elle se passionne pour la cause des Maoris, qui la surnomment Meri. A ses côtés, pour l’aider dans ses tâches, Hoki, appelée aussi Peata, la fille de Rewa, chef des Ngapuhi (baptisé en 1840 par Mgr. Pompallier, juste avant la signature du traité de Waitangi).
Hostilité du nouvel évêque
Mgr. Pompallier, justement, parlons-en : figure emblématique de l’évangélisation (catholique) de la Nouvelle-Zélande, il est doté d’un charisme extraordinaire, mais se révèle un piètre comptable ; en 1868, il est obligé de rentrer en France, car son diocèse est en faillite et le nombre de missionnaires insuffisant. Il ne revint jamais en Nouvelle-Zélande (il mourut à Paris en 1871). Son successeur, Thomas Croke, plutôt du genre borné, ne souhaitait pas que Suzanne et Peata continuent leur travail, pourtant financé de manière autonome par les habitants d’Auckland.
En 1871, ne désirant pas revenir en métropole, mais dans l’impossibilité de travailler à Auckland, Suzanne plie bagages pour vivre et travailler à la mission catholique maorie de Meanee, à Hawke’s Bay, en compagnie du père Euloge Reignier. Les enfants maoris dont Suzanne s’occupaient à Auckland retournent dans leur tribu, tandis que Peata, devenue aveugle, revient chez elle, dans le Northland, où elle décèdera.
Départ pour Hiruharama (Jérusalem)
Suzanne a maintenant 35 ans. Elle ne fait plus partie d’une congrégation religieuse. Elle travaille dur à la mission maorie, aussi bien pour faire l’infirmière, le catéchisme et le ménage, jouer de l’harmonium, entretenir l’église, que pour s’échiner en extérieur ; elle laboure la terre, plante, sème, désherbe, récolte, mais se déplace aussi beaucoup, à cheval, pour porter le bonne parole et aider les indigènes et les exclus. L’évêque de Wellington, Francis Redwood, devient son plus ardent supporter. Suzanne, en attendant de nouveaux missionnaires et en plus de son travail, s’attaque à un gros ouvrage : refaire complètement le dictionnaire Anglais-Maori (en 1885, elle publiera même un livre de phrases et de conversation courante Anglais-Maori). En 1883, pour répondre à une demande des Maoris et de Mgr Redwood, Suzanne quitte Hawke’s Bay et s’installe, avec le père Soulas, à Hiruharama, comprenez Jérusalem en Maori (à soixante kilomètres au nord de la Whanganui River). Objectif, créer une communauté du Tiers Ordre de Marie. Deux jeunes sœurs, d’origine australienne, les accompagnent, suivies de leur supérieure peu de temps après. Suzanne leur enseigne le Maori, langue et culture. Son école est bondée, enfants et adultes désirant suivre les cours. Bien sûr, beaucoup se convertissent. En mai 1884, les Australiennes quittent Jérusalem ; Suzanne, qui a hérité à la mort de ses parents, devient la responsable de la mission et de l’école ; elle accélère les recrutements de professeurs comme de religieuses.
Cannabis et scandale
A Jérusalem, on enseigne, on prie, mais on cultive aussi, on débrousse le bush, on entretient un verger, on fabrique des médicaments à partir de plantes locales (que l’on vend aux visiteurs et que l’on donne aux Maoris, décimés par les maladies introduites par les Européens), et on prend soin de nombreux orphelins. Parmi les médicaments préparés par Suzanne, des préparations à base de cannabis : elle est la première personne à avoir cultivé cette plante en Nouvelle-Zélande ! Malheureusement, de mauvais dosages dans des préparations trop diluées vaudront bien des soucis à Suzanne, qui, effondrée par ce scandale, détruira ses stocks et même son recueil de recettes. Un coup dur dans la vie de la missionnaire. A la même époque, les Maristes refusent d’intégrer la communauté dans leur ordre. Suzanne, “mère Marie-Joseph” devrait-on écrire, et ses religieuses décident alors de créer leur propre congrégation, les “Filles de Notre-Dame de la Compassion”, avec pour mission de “compatir à toutes les souffrances”.
Sur tous les fronts à Wellington
En 1899, Suzanne et deux sœurs s’installent à Wellington, alors que la communauté de Jérusalem se porte bien. Avec l’énergie qui est la sienne, notre Lyonnaise ne s’abîme pas en prières ; elle ouvre une soupe populaire, soigne les malades, tous les malades, quels qu’ils soient (à noter que cette soupe populaire est toujours en service de nos jours…). En 1903, les Filles de Notre-Dame de la Compassion fondent une crèche pour les enfants dont les parents travaillent. Elles mendient quasiment pour obtenir de la nourriture destinée à leurs pensionnaires, récupèrent des poussettes (des landaus en osier, qui leur serviront dans toute la ville pour recueillir des dons), elles recyclent des vêtements et leur bourdonnante activité est si intense qu’elles finissent par faire partie de la vie quotidienne de Wellington.
La reconnaissance du Pape
En 1907, une “Maison de la Compassion” est ouverte pour accueillir bébés et jeunes enfants et, en 1910, une annexe est créée à Auckland. Malheureusement pour elle, la popularité de Suzanne fait des jaloux dans la hiérarchie catholique, en Nouvelle-Zélande comme en France. L’esprit d’entreprise qui anime la missionnaire et son côté frondeur déplaisent ; finalement, de guerre lasse, Mrg Redwood et Suzanne Aubert estiment qu’il est temps de rompre les liens qu’ils ont encore avec les pesanteurs administratives de l’Eglise. En 1914, Suzanne, à 78 ans, part à Rome où la Lyonnaise joue une partie autrement plus serrée. Contre vents et marées, elle défend la reconnaissance par le Vatican d’une nouvelle congrégation religieuse devant le Pape et la curie. Il lui faudra plusieurs années pour obtenir gain de cause. Le 1er avril 1917, le pape Benoît XV publie le décret de création des “Filles de Notre-Dame de la Compassion” qui n’ont qu’une seule autorité, celle du Pape. `
C’est la seule congrégation catholique à avoir vu le jour en Nouvelle-Zélande et, à l’époque, c’est la plus petite congrégation à avoir obtenu ce statut ; sans doute l’est-ce encore aujourd’hui…
Daniel Pardon
Père notaire, mère impliquée dans les bonnes œuvres de la paroisse catholique de Saint-Symphorien-de-Lay : lorsque la petite Marie Henriette Suzanne Aubert vient au monde le 19 juin 1835, tout laisse à penser qu’elle sera une petite fille bien élevée, qui, plus tard, fera, sans doute, un bon mariage avec un petit bourgeois très catholique du quartier d’Ainay à Lyon. Sauf qu’à deux ans, la vie de Suzanne est mise entre parenthèses : elle passe à travers la glace d’un étang gelé, s’abîme les jambes sur des rochers immergés et séjourne dans l’eau glacée. Elle en ressort aveugle et handicapée physique. Pourra-t-elle voir à nouveau ? Pourra-t-elle marcher, gambader ? La mort prématurée de l’un de ses trois frères, Louis, n’arrange rien. Mais la petite a de la ressource. Elle récupère très bien et sort de cette mésaventure avec un caractère trempé (à l’eau glacée). Nouvelle épreuve, elle a dix ans quand on découvre un cancer chez sa mère, en 1845. La famille se rend à la basilique de Fourvière, dominant la Saône, à Lyon, et un miracle se produit : maman en ressort guérie !
Coup de pouce du curé d’Ars
Suzanne poursuit sa scolarité, et, en mûrissant, au vu de son jeune passé, elle décide de se consacrer à Dieu, aux malades, aux souffrants, aux handicapés. Sa mère, qui ne mesure pas la force de sa vocation, prévoit pour sa fille, un mariage avec un fils de bonne famille. En plus de sa scolarité chez les sœurs clarisses, Suzanne étudie la musique, les arts, la couture, les langues (latin, grec, anglais, espagnol…) et la littérature. Elle dévore tous les livres qu’elle trouve, apprend aussi la cuisine et comment tenir une maison. En douce, elle suit même des cours de médecine (réservés aux garçons), pour avoir le niveau d’une bonne infirmière. Désespérée par le refus que sa fille oppose à tout projet de mariage, sa mère se tourne vers le curé d’Ars, Jean Viannet ; celui-ci approuve la fille au détriment de la mère et encourage Suzanne dans son désir de devenir religieuse, qui plus est missionnaire.
Une passion pour les Maoris
En 1859, Monseigneur Jean-Baptiste Pompallier, premier évêque d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, se rend à Lyon pour recruter des volontaires. La petite Lyonnaise est subjuguée par l’idée de se consacrer aux peuples de l’hémisphère sud. Elle décide de le suivre et embarque, en 1860, avec vingt-trois autres jeunes missionnaires, dont trois jeunes Françaises (notamment Lucie Pompallier, nièce de l’évêque). Suzanne doit débarquer à Sydney, mais le bateau fait route sur Auckland et c’est là qu’elle descendra. Très vite, elle sera déçue par son affectation ; elle se fiche comme d’un guigne d’apprendre aux jeunes filles de bonne famille les évangiles ; ce qu’elle veut, c’est aider les indigènes, les Maoris, sur le terrain, pas dans une ville européanisée. Sa hiérarchie l’expédie à l’institut Nazareth, destiné aux filles maories. Dès 1862, Suzanne et quelques amies religieuses fondent une nouvelle congrégation à Freeman’s Bay, “la Sainte Famille”, sous la juridiction de Mgr. Pompallier. Devenue sœur Marie-Joseph, elle se passionne pour la cause des Maoris, qui la surnomment Meri. A ses côtés, pour l’aider dans ses tâches, Hoki, appelée aussi Peata, la fille de Rewa, chef des Ngapuhi (baptisé en 1840 par Mgr. Pompallier, juste avant la signature du traité de Waitangi).
Hostilité du nouvel évêque
Mgr. Pompallier, justement, parlons-en : figure emblématique de l’évangélisation (catholique) de la Nouvelle-Zélande, il est doté d’un charisme extraordinaire, mais se révèle un piètre comptable ; en 1868, il est obligé de rentrer en France, car son diocèse est en faillite et le nombre de missionnaires insuffisant. Il ne revint jamais en Nouvelle-Zélande (il mourut à Paris en 1871). Son successeur, Thomas Croke, plutôt du genre borné, ne souhaitait pas que Suzanne et Peata continuent leur travail, pourtant financé de manière autonome par les habitants d’Auckland.
En 1871, ne désirant pas revenir en métropole, mais dans l’impossibilité de travailler à Auckland, Suzanne plie bagages pour vivre et travailler à la mission catholique maorie de Meanee, à Hawke’s Bay, en compagnie du père Euloge Reignier. Les enfants maoris dont Suzanne s’occupaient à Auckland retournent dans leur tribu, tandis que Peata, devenue aveugle, revient chez elle, dans le Northland, où elle décèdera.
Départ pour Hiruharama (Jérusalem)
Suzanne a maintenant 35 ans. Elle ne fait plus partie d’une congrégation religieuse. Elle travaille dur à la mission maorie, aussi bien pour faire l’infirmière, le catéchisme et le ménage, jouer de l’harmonium, entretenir l’église, que pour s’échiner en extérieur ; elle laboure la terre, plante, sème, désherbe, récolte, mais se déplace aussi beaucoup, à cheval, pour porter le bonne parole et aider les indigènes et les exclus. L’évêque de Wellington, Francis Redwood, devient son plus ardent supporter. Suzanne, en attendant de nouveaux missionnaires et en plus de son travail, s’attaque à un gros ouvrage : refaire complètement le dictionnaire Anglais-Maori (en 1885, elle publiera même un livre de phrases et de conversation courante Anglais-Maori). En 1883, pour répondre à une demande des Maoris et de Mgr Redwood, Suzanne quitte Hawke’s Bay et s’installe, avec le père Soulas, à Hiruharama, comprenez Jérusalem en Maori (à soixante kilomètres au nord de la Whanganui River). Objectif, créer une communauté du Tiers Ordre de Marie. Deux jeunes sœurs, d’origine australienne, les accompagnent, suivies de leur supérieure peu de temps après. Suzanne leur enseigne le Maori, langue et culture. Son école est bondée, enfants et adultes désirant suivre les cours. Bien sûr, beaucoup se convertissent. En mai 1884, les Australiennes quittent Jérusalem ; Suzanne, qui a hérité à la mort de ses parents, devient la responsable de la mission et de l’école ; elle accélère les recrutements de professeurs comme de religieuses.
Cannabis et scandale
A Jérusalem, on enseigne, on prie, mais on cultive aussi, on débrousse le bush, on entretient un verger, on fabrique des médicaments à partir de plantes locales (que l’on vend aux visiteurs et que l’on donne aux Maoris, décimés par les maladies introduites par les Européens), et on prend soin de nombreux orphelins. Parmi les médicaments préparés par Suzanne, des préparations à base de cannabis : elle est la première personne à avoir cultivé cette plante en Nouvelle-Zélande ! Malheureusement, de mauvais dosages dans des préparations trop diluées vaudront bien des soucis à Suzanne, qui, effondrée par ce scandale, détruira ses stocks et même son recueil de recettes. Un coup dur dans la vie de la missionnaire. A la même époque, les Maristes refusent d’intégrer la communauté dans leur ordre. Suzanne, “mère Marie-Joseph” devrait-on écrire, et ses religieuses décident alors de créer leur propre congrégation, les “Filles de Notre-Dame de la Compassion”, avec pour mission de “compatir à toutes les souffrances”.
Sur tous les fronts à Wellington
En 1899, Suzanne et deux sœurs s’installent à Wellington, alors que la communauté de Jérusalem se porte bien. Avec l’énergie qui est la sienne, notre Lyonnaise ne s’abîme pas en prières ; elle ouvre une soupe populaire, soigne les malades, tous les malades, quels qu’ils soient (à noter que cette soupe populaire est toujours en service de nos jours…). En 1903, les Filles de Notre-Dame de la Compassion fondent une crèche pour les enfants dont les parents travaillent. Elles mendient quasiment pour obtenir de la nourriture destinée à leurs pensionnaires, récupèrent des poussettes (des landaus en osier, qui leur serviront dans toute la ville pour recueillir des dons), elles recyclent des vêtements et leur bourdonnante activité est si intense qu’elles finissent par faire partie de la vie quotidienne de Wellington.
La reconnaissance du Pape
En 1907, une “Maison de la Compassion” est ouverte pour accueillir bébés et jeunes enfants et, en 1910, une annexe est créée à Auckland. Malheureusement pour elle, la popularité de Suzanne fait des jaloux dans la hiérarchie catholique, en Nouvelle-Zélande comme en France. L’esprit d’entreprise qui anime la missionnaire et son côté frondeur déplaisent ; finalement, de guerre lasse, Mrg Redwood et Suzanne Aubert estiment qu’il est temps de rompre les liens qu’ils ont encore avec les pesanteurs administratives de l’Eglise. En 1914, Suzanne, à 78 ans, part à Rome où la Lyonnaise joue une partie autrement plus serrée. Contre vents et marées, elle défend la reconnaissance par le Vatican d’une nouvelle congrégation religieuse devant le Pape et la curie. Il lui faudra plusieurs années pour obtenir gain de cause. Le 1er avril 1917, le pape Benoît XV publie le décret de création des “Filles de Notre-Dame de la Compassion” qui n’ont qu’une seule autorité, celle du Pape. `
C’est la seule congrégation catholique à avoir vu le jour en Nouvelle-Zélande et, à l’époque, c’est la plus petite congrégation à avoir obtenu ce statut ; sans doute l’est-ce encore aujourd’hui…
Daniel Pardon
A lire Suzanne Aubert, une Française chez les Maoris, Madeleine Le Jeune et Jessie Munro. 296 p. Éd. Salvator.
La “Maison de la Compassion”, telle que la conçut Suzanne, pour venir en aide aux déshérités.
Des obsèques nationales
De retour à Wellington en 1920, Suzanne travaillera à pérenniser son œuvre pour les sœurs se dévouant à ses côtés. Une crise économique jette dans la misère de nombreux Néo-Zélandais que les Sœurs de la Compassion (comme on les appelle) aimeront, soigneront, nourriront et hébergeront, toujours gratuitement, sans compter leurs heures. Suzanne agrandit sa “Maison de la Compassion”, fait bâtir une aile dédiée à la chirurgie, ouvre des établissements ailleurs dans le pays. En 1922, les sœurs sont formées comme infirmières pour le nouvel hôpital qui sort de terre. Suzanne est satisfaite : face à la misère, elle a agi et elle sait que son travail sera poursuivi après elle.
L’après-midi du 1er octobre 1926, âgée de 91 ans, Suzanne Aubert rend son dernier soupir. Les journaux en font leurs gros titres, les foules se mobilisent pour un ultime hommage. Le Premier ministre assiste à son enterrement, comme la bourgeoisie pakeha et, bien sûr, le monde maori. Les biographes assurent, aujourd’hui encore, que les funérailles nationales de sœur Suzanne Aubert furent les plus grandioses qu’une femme a jamais reçues en Nouvelle-Zélande.
De retour à Wellington en 1920, Suzanne travaillera à pérenniser son œuvre pour les sœurs se dévouant à ses côtés. Une crise économique jette dans la misère de nombreux Néo-Zélandais que les Sœurs de la Compassion (comme on les appelle) aimeront, soigneront, nourriront et hébergeront, toujours gratuitement, sans compter leurs heures. Suzanne agrandit sa “Maison de la Compassion”, fait bâtir une aile dédiée à la chirurgie, ouvre des établissements ailleurs dans le pays. En 1922, les sœurs sont formées comme infirmières pour le nouvel hôpital qui sort de terre. Suzanne est satisfaite : face à la misère, elle a agi et elle sait que son travail sera poursuivi après elle.
L’après-midi du 1er octobre 1926, âgée de 91 ans, Suzanne Aubert rend son dernier soupir. Les journaux en font leurs gros titres, les foules se mobilisent pour un ultime hommage. Le Premier ministre assiste à son enterrement, comme la bourgeoisie pakeha et, bien sûr, le monde maori. Les biographes assurent, aujourd’hui encore, que les funérailles nationales de sœur Suzanne Aubert furent les plus grandioses qu’une femme a jamais reçues en Nouvelle-Zélande.
L’évêque, puis archevêque, Francis Redwood, fut le supporter indéfectible de Suzanne ; il l’encouragea à se rendre à Rome pour se libérer de la hiérarchie catholique (Photo : Stanley Polkinghorne Andrew. 14 novembre 1923).
Les enfants du vice…
L’action de Suzanne et de ses sœurs, à Wellington, avec l’appui de Mgr Redwood, déplaisait souverainement aux autorités catholiques. Les sœurs travaillaient très dur, montaient à cheval, se décarcassaient pour trouver des fonds afin de faire tourner leurs œuvres et cette grande liberté d’action (Suzanne ne rendait guère de comptes) froissait des susceptibilités. En outre, l’autorité même de Suzanne, l’affection que la population lui portait, sa popularité pour tout dire, gênaient. Mieux même, ou plutôt pire, leur orphelinat accueillait surtout des petits enfants d’origine européenne (les Maoris n’abandonnant pas les leurs). Or ces pauvres gosses, selon l’église bien pensante, étaient des “enfants du vice”. Les sœurs aidaient, en effet, des filles mères, prenaient soin de leurs petits “bâtards”, et venaient en aide à tous les malheureux, même ceux qui n’étaient pas catholiques ! Il y avait effectivement de quoi être choqué quand on était un respectable prêtre catholique…et tout fut fait, en vain, pour que soeur Suzanne rentre dans le rang !
L’action de Suzanne et de ses sœurs, à Wellington, avec l’appui de Mgr Redwood, déplaisait souverainement aux autorités catholiques. Les sœurs travaillaient très dur, montaient à cheval, se décarcassaient pour trouver des fonds afin de faire tourner leurs œuvres et cette grande liberté d’action (Suzanne ne rendait guère de comptes) froissait des susceptibilités. En outre, l’autorité même de Suzanne, l’affection que la population lui portait, sa popularité pour tout dire, gênaient. Mieux même, ou plutôt pire, leur orphelinat accueillait surtout des petits enfants d’origine européenne (les Maoris n’abandonnant pas les leurs). Or ces pauvres gosses, selon l’église bien pensante, étaient des “enfants du vice”. Les sœurs aidaient, en effet, des filles mères, prenaient soin de leurs petits “bâtards”, et venaient en aide à tous les malheureux, même ceux qui n’étaient pas catholiques ! Il y avait effectivement de quoi être choqué quand on était un respectable prêtre catholique…et tout fut fait, en vain, pour que soeur Suzanne rentre dans le rang !
Preuve de la popularité de Suzanne dans toute la société néo-zélandaise, une cohorte de volontaires participe, en 1907, à la construction du château d’eau de la “Maison de la Compassion”.
La Nouvelle-Zélande a fait de la petite Lyonnaise une héroïne de son histoire, comme en témoigne ce timbre commémoratif.
Bientôt une sainte
Les “Filles de Notre-Dame de la Compassion”, la plus petite congrégation de religieuses catholiques au monde -et la plus éloignée de Rome, continuent aujourd’hui le sacerdoce de leur fondatrice dans leur compassion pour les déshérités. Elles sont actuellement 70 sœurs à travailler en Nouvelle-Zélande, mais aussi en Australie (Wagga Wagga), aux Fidji et aux Tonga.
Le processus de canonisation de Suzanne Aubert a été lancé par la conférence des évêques catholiques de Nouvelle-Zélande en 1997. Rome instruit le dossier depuis 2010, l’avocat de Suzanne étant Maurice Carmody.
Un premier vote à l’unanimité en faveur de cette canonisation a eu lieu le 4 février 2014 au Vatican. Suzanne devra d’abord être béatifiée avant d’être canonisée. C’est au pape François que reviendra le privilège de se prononcer pour faire de cette religieuse lyonnaise une sainte, la première sainte “néo-zélandaise”.
Les “Filles de Notre-Dame de la Compassion”, la plus petite congrégation de religieuses catholiques au monde -et la plus éloignée de Rome, continuent aujourd’hui le sacerdoce de leur fondatrice dans leur compassion pour les déshérités. Elles sont actuellement 70 sœurs à travailler en Nouvelle-Zélande, mais aussi en Australie (Wagga Wagga), aux Fidji et aux Tonga.
Le processus de canonisation de Suzanne Aubert a été lancé par la conférence des évêques catholiques de Nouvelle-Zélande en 1997. Rome instruit le dossier depuis 2010, l’avocat de Suzanne étant Maurice Carmody.
Un premier vote à l’unanimité en faveur de cette canonisation a eu lieu le 4 février 2014 au Vatican. Suzanne devra d’abord être béatifiée avant d’être canonisée. C’est au pape François que reviendra le privilège de se prononcer pour faire de cette religieuse lyonnaise une sainte, la première sainte “néo-zélandaise”.
A lire
Suzanne Aubert, une Française chez les Maoris , Madeleine Le Jeune et Jessie Munro. 296 p. Éd. Salvator.
Suzanne Aubert, une Française chez les Maoris , Madeleine Le Jeune et Jessie Munro. 296 p. Éd. Salvator.
Un ouvrage à lire, pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le travail exemplaire de celle qui devrait, bientôt, être la première sainte de Nouvelle-Zélande.