Mary Bryant, telle qu’elle a été mise en scène en Australie en 2005 pour une série télé.
AUSTRALIE, le 13 mai 2016. Elle ne connaissait rien à la mer, mais elle ne voulait pas rester au bagne, en Australie ; pour l’amour de la liberté, elle a réalisé une incroyable odyssée à bord d’une petite barque, reliant Sydney au Timor. Mais elle paya son évasion au prix fort : ses deux enfants et son mari moururent dans ses bras…
Mary Bryant est aussi célèbre en Australie que méconnue chez nous et c’est un peu lui rendre justice que de mettre en lumière l’exploit que ce petit bout de femme, avec une poignée d’autres évadés, parvint à accomplir pour échapper aux geôles britanniques.
Condamnée à 7 ans en Australie
On ignore sa date de naissance avec précision, mais grâce aux registres de sa paroisse, on sait que Mary Broad (son nom de jeune fille) fut baptisée le 1er mai 1765 à Fowey (Cornwall, Angleterre). Née dans une famille de pêcheurs pauvres, elle se retrouva, à 21 ans, devant la cour de justice du conté d’Exeter, accusée d’agressions et de vols : certains de ses biographes parlent de vols de moutons, d’autres de larcins commis à Plymouth : en réalité, avec deux femmes (Cathrine Fryer et Mary Haysoning), elle avait volé un bonnet de soie, des bijoux et de la monnaie. Elle fut condamnée à mort. Mais à l’époque, Albion avait besoin de commencer le peuplement de sa nouvelle colonie de la mer du sud et le moins que l’on puisse affirmer est que l’on ne se battait pas pour aller tenter sa chance en Australie. Aussi fut-il décidé que les condamnés à mort seraient souvent graciés et expédiés aux antipodes. Ce fut le cas de Mary, sa condamnation étant commuée en sept années de bagne.
Mariée à un autre bagnard
A Plymouth, enchaînée, elle fut conduite à bord du Dunkirk, un ponton prison, puis elle fut amenée à bord de la H.M.S. Charlotte, un des onze navires de la première flotte anglaise partie le 13 mai 1787 à destination de la lointaine Botany Bay (l’actuelle baie de Sydney). En cours de voyage, Mary accoucha à Cape Town, en octobre, d’une petite fille, baptisée, c’était de circonstance, Charlotte (de père inconnu).
La flotte arriva à Port Jackson début février 1788. Le révérend du bord, presque immédiatement, procéda à cinq mariages. Le 10 février 1788, à Sydney Cove, Mary épousa un pêcheur contrebandier des Cornouailles de 31 ans, William Bryant. L’homme était, lui aussi, un bagnard embarqué sur la HMS Charlotte, condamné en 1784 à cause de ses indélicatesses répétées avec le fisc. Il devait être envoyé en Amérique, mais il partit finalement pour l’Australie.
Le garçon était dégourdi : très vite, compte tenu de son savoir-faire et de son efficacité, il se vit autoriser à vivre dans une petite hutte, entreprit de faire un potager et devint pêcheur, en charge d’approvisionner en poissons frais la petite colonie. Malheureusement, reconnu coupable de détournements de poissons à son profit, il fut condamné à recevoir cent coups de fouet en février 1789 et, s’il resta pêcheur, ce fut sous haute surveillance.
Le 6 mai 1790, Mary accoucha de son second enfant, un petit Emmanuel (dont Bryant était le père).
Une fuite de 5 237 km !
Tout bascula en octobre de la même année, quand Bryant parvint à obtenir d’un navire hollandais, le Waaksamheyd, une carte, un compas, deux fusils, des munitions, de la nourriture. William ne pouvait pas digérer ses cent coups de fouet ; il était résolu à s’évader, quel qu’en soit le prix. Avec femme et enfants, … et quelques compagnons d’infortune.
Le 28 mars 1791, profitant d’une nuit sans lune, sans navire au port pour la prendre en chasse, la famille Bryant prit le large, avec sept autres bagnards ; pour ce faire, les évadés “empruntèrent” le canot du gouverneur, une barque non pontée équipée de deux petits mâts, de voiles neuves et d’avirons en parfait état. En prime, de l’eau et des vivres. Un seul des évadés avait une expérience de la mer, les autres savaient tout juste ramer ; mettre le cap sur le Timor dans ces conditions était une folie. Pourtant, au prix de privations drastiques, après avoir parcouru, en 66 jours, 3 254 miles marins (5 237 km), ils arrivèrent vivants à Kupang. Ils n’avaient pas perdu leur temps en route, puisqu’ils avaient découvert du charbon près de l’actuelle Newcastle, et qu’ils explorèrent de nombreuses îles de la Grande Barrière et de la mer d’Arafura ; parfois en grand danger à cause des attaques des Aborigènes, de plus en plus hostiles au fur et à mesure de la remontée au nord du canot.
Pour mémoire, Bligh, marin expérimenté, avec un équipage de professionnels, avait parcouru 3 618 miles nautiques (6 702 km), entre les Samoa et le Timor, en 47 jours, deux ans auparavant.
Rattrapés par… la HMS Bounty !
Pris en charge par les autorités hollandaises, les évadés se firent passer pour des naufragés, mais la supercherie ne tint pas longtemps la route et ils furent incarcérés (il semblerait qu’un soir de beuverie, William Bryant, en se vantant, avait tout avoué dans une taverne. Ses aveux décidèrent le gouverneur hollandais à “garder au frais” ses évadés pour ne pas froisser les Anglais)
Manque de chance pour eux, le 17 septembre 1791, le capitaine Edward Edwards, qui commandait la HMS Pandora, venue à Tahiti capturer les mutinés de la HMS Bounty (la Pandora ayant coulé sur les récifs de la Grande Barrière) arriva à son tour à Kupang, avec les survivants du naufrage. Il interrogea les Bryant, qui durent avouer leur évasion de Botany Bay. Le 5 octobre, ayant loué un navire, le Rembang, Edwards chargea les mutinés de la Bounty rescapés de son naufrage et les évadés du bagne pour les ramener en Angleterre.
Décès du fils et du mari
Mary est, depuis l’évasion, complètement absorbée par ses jeunes enfants, soumis à un régime extrême pendant des mois. Elle les sait faibles, malades, et le climat du Timor, avec ses fièvres, n’arrange rien.
A bord du Rembang, le capitaine hollandais offre à Mary une cabine pour elle et ses enfants malades. Furieux, Edward Edwards, avec cruauté, exige qu’ils soient maintenus aux fers dans des conditions d’hygiène atroces. Ils ont, pour se nourrir à peine de quoi ne pas mourir de faim. Arrivés à Batavia, William et son plus jeune fils, très malades, sont admis à l’hôpital. Mary, avec sa fille, peut les rejoindre. Mais malgré les soins de da maman, le 1er décembre, le petit Emmanuel, 19 mois, meurt dans les bras de Mary, effondrée de chagrin. Trois semaines plus tard, le 22 décembre, Mary assiste, impuissante, à la mort de son époux, William Bryant, victime, lui aussi, de fièvres.
Charlotte meurt à son tour
Pendant ce temps, Edwards cherchait un passage pour retourner au Cap, en Afrique du Sud, où il savait qu’il trouverait un bateau anglais lui permettant de rentrer dans son pays. Le cruel capitaine anglais parvint à embarquer à bord du Horssen avec ses prisonniers, dont Mary et la petite Charlotte. L’un des anciens bagnards s’évadera dans le détroit de la Sonde et deux autres mourront de fièvres. Toujours sous l’autorité inflexible d’Edwards, Mary, sa fille et les quatre survivants de l’évasion du bagne furent mis aux fers tout le voyage.
Au Cap, en Afrique du Sud, Mary, Charlotte, très malade, et les quatre prisonniers furent transférés à bord de la HMS Gorgon. Le capitaine, John Parker, touché par la détresse de la prisonnière et le calvaire qu’elle endurait, lui donna une cabine et interdit à Edwards d’exercer tout acte de cruauté envers elle. Mais à ce moment là du périple, Charlotte était déjà au plus mal. Le 6 mai 1792, la petite fille, qui n’avait pas encore 5 ans, décéda à son tour, victime, comme son père et son petit frère, des fièvres et des mauvais traitements infligés par Edwards. Mary est alors, psychologiquement, au fond du gouffre.
Soutenue par un avocat
Début juin, ayant donc perdu ses deux enfants et son mari, Mary Bryant est débarquée en Angleterre, à Porthsmouth, amenée à Londres et emprisonnée à Newgate. Les évadés furent jugés dès le 7 juillet ; ils échappèrent à la peine de mort, mais furent condamnés à rester emprisonnés jusqu’à la fin de leur peine initiale de prison.
Un avocat influent, James Boswell, ému par cette affaire, décida de soutenir à ses frais Mary et ses compagnons, car leur histoire en avait fait des personnages devenus très populaires ; il avait été informé de leur héroïque odyssée, il savait ce que Mary avait subi (et subissait encore), il connaissait ses souffrances, sa solitude, sa détresse absolue et il fit appel au Home Office pour obtenir sa grâce, ou, à tout le moins, sa libération. Il l’obtiendra, un an plus tard, le 3 mai 1793. Ce jour-là, Mary sortit de la prison de Newgate, brisée par les souffrances. Ses quatre compagnons d’évasion encore vivants furent remis en liberté le 2 novembre 1793 (l’un d’eux retournera en Australie, mais cette fois-ci comme militaire, au sein du New South Wales Corps).
Un symbole de la liberté
Complètement libre aux yeux de la Justice anglaise, mieux même, “pardonnée” grâce à Boswell, Mary n’avait que 27 ans, mais après tant d’épreuves, elle était plus que fatiguée par le bagne, son odyssée maritime et la prison. Elle décida de quitter Londres, malgré l’affection que lui témoignait Boswell et rejoignit sa famille à Fowey.
L’avocat, généreux, continua à lui verser une pension de 10 livres pour qu’elle subvienne à ses besoins et ce jusqu’à sa mort, le 19 mai 1795 à l’âge de 54 ans
Que devint Mary après le décès de son protecteur ? Nul ne le sait. Mais aux yeux de beaucoup d’Australiens (et d’Anglais), elle symbolise la liberté, qui, parfois, se paye au prix fort.
Daniel Pardon
Mary Bryant est aussi célèbre en Australie que méconnue chez nous et c’est un peu lui rendre justice que de mettre en lumière l’exploit que ce petit bout de femme, avec une poignée d’autres évadés, parvint à accomplir pour échapper aux geôles britanniques.
Condamnée à 7 ans en Australie
On ignore sa date de naissance avec précision, mais grâce aux registres de sa paroisse, on sait que Mary Broad (son nom de jeune fille) fut baptisée le 1er mai 1765 à Fowey (Cornwall, Angleterre). Née dans une famille de pêcheurs pauvres, elle se retrouva, à 21 ans, devant la cour de justice du conté d’Exeter, accusée d’agressions et de vols : certains de ses biographes parlent de vols de moutons, d’autres de larcins commis à Plymouth : en réalité, avec deux femmes (Cathrine Fryer et Mary Haysoning), elle avait volé un bonnet de soie, des bijoux et de la monnaie. Elle fut condamnée à mort. Mais à l’époque, Albion avait besoin de commencer le peuplement de sa nouvelle colonie de la mer du sud et le moins que l’on puisse affirmer est que l’on ne se battait pas pour aller tenter sa chance en Australie. Aussi fut-il décidé que les condamnés à mort seraient souvent graciés et expédiés aux antipodes. Ce fut le cas de Mary, sa condamnation étant commuée en sept années de bagne.
Mariée à un autre bagnard
A Plymouth, enchaînée, elle fut conduite à bord du Dunkirk, un ponton prison, puis elle fut amenée à bord de la H.M.S. Charlotte, un des onze navires de la première flotte anglaise partie le 13 mai 1787 à destination de la lointaine Botany Bay (l’actuelle baie de Sydney). En cours de voyage, Mary accoucha à Cape Town, en octobre, d’une petite fille, baptisée, c’était de circonstance, Charlotte (de père inconnu).
La flotte arriva à Port Jackson début février 1788. Le révérend du bord, presque immédiatement, procéda à cinq mariages. Le 10 février 1788, à Sydney Cove, Mary épousa un pêcheur contrebandier des Cornouailles de 31 ans, William Bryant. L’homme était, lui aussi, un bagnard embarqué sur la HMS Charlotte, condamné en 1784 à cause de ses indélicatesses répétées avec le fisc. Il devait être envoyé en Amérique, mais il partit finalement pour l’Australie.
Le garçon était dégourdi : très vite, compte tenu de son savoir-faire et de son efficacité, il se vit autoriser à vivre dans une petite hutte, entreprit de faire un potager et devint pêcheur, en charge d’approvisionner en poissons frais la petite colonie. Malheureusement, reconnu coupable de détournements de poissons à son profit, il fut condamné à recevoir cent coups de fouet en février 1789 et, s’il resta pêcheur, ce fut sous haute surveillance.
Le 6 mai 1790, Mary accoucha de son second enfant, un petit Emmanuel (dont Bryant était le père).
Une fuite de 5 237 km !
Tout bascula en octobre de la même année, quand Bryant parvint à obtenir d’un navire hollandais, le Waaksamheyd, une carte, un compas, deux fusils, des munitions, de la nourriture. William ne pouvait pas digérer ses cent coups de fouet ; il était résolu à s’évader, quel qu’en soit le prix. Avec femme et enfants, … et quelques compagnons d’infortune.
Le 28 mars 1791, profitant d’une nuit sans lune, sans navire au port pour la prendre en chasse, la famille Bryant prit le large, avec sept autres bagnards ; pour ce faire, les évadés “empruntèrent” le canot du gouverneur, une barque non pontée équipée de deux petits mâts, de voiles neuves et d’avirons en parfait état. En prime, de l’eau et des vivres. Un seul des évadés avait une expérience de la mer, les autres savaient tout juste ramer ; mettre le cap sur le Timor dans ces conditions était une folie. Pourtant, au prix de privations drastiques, après avoir parcouru, en 66 jours, 3 254 miles marins (5 237 km), ils arrivèrent vivants à Kupang. Ils n’avaient pas perdu leur temps en route, puisqu’ils avaient découvert du charbon près de l’actuelle Newcastle, et qu’ils explorèrent de nombreuses îles de la Grande Barrière et de la mer d’Arafura ; parfois en grand danger à cause des attaques des Aborigènes, de plus en plus hostiles au fur et à mesure de la remontée au nord du canot.
Pour mémoire, Bligh, marin expérimenté, avec un équipage de professionnels, avait parcouru 3 618 miles nautiques (6 702 km), entre les Samoa et le Timor, en 47 jours, deux ans auparavant.
Rattrapés par… la HMS Bounty !
Pris en charge par les autorités hollandaises, les évadés se firent passer pour des naufragés, mais la supercherie ne tint pas longtemps la route et ils furent incarcérés (il semblerait qu’un soir de beuverie, William Bryant, en se vantant, avait tout avoué dans une taverne. Ses aveux décidèrent le gouverneur hollandais à “garder au frais” ses évadés pour ne pas froisser les Anglais)
Manque de chance pour eux, le 17 septembre 1791, le capitaine Edward Edwards, qui commandait la HMS Pandora, venue à Tahiti capturer les mutinés de la HMS Bounty (la Pandora ayant coulé sur les récifs de la Grande Barrière) arriva à son tour à Kupang, avec les survivants du naufrage. Il interrogea les Bryant, qui durent avouer leur évasion de Botany Bay. Le 5 octobre, ayant loué un navire, le Rembang, Edwards chargea les mutinés de la Bounty rescapés de son naufrage et les évadés du bagne pour les ramener en Angleterre.
Décès du fils et du mari
Mary est, depuis l’évasion, complètement absorbée par ses jeunes enfants, soumis à un régime extrême pendant des mois. Elle les sait faibles, malades, et le climat du Timor, avec ses fièvres, n’arrange rien.
A bord du Rembang, le capitaine hollandais offre à Mary une cabine pour elle et ses enfants malades. Furieux, Edward Edwards, avec cruauté, exige qu’ils soient maintenus aux fers dans des conditions d’hygiène atroces. Ils ont, pour se nourrir à peine de quoi ne pas mourir de faim. Arrivés à Batavia, William et son plus jeune fils, très malades, sont admis à l’hôpital. Mary, avec sa fille, peut les rejoindre. Mais malgré les soins de da maman, le 1er décembre, le petit Emmanuel, 19 mois, meurt dans les bras de Mary, effondrée de chagrin. Trois semaines plus tard, le 22 décembre, Mary assiste, impuissante, à la mort de son époux, William Bryant, victime, lui aussi, de fièvres.
Charlotte meurt à son tour
Pendant ce temps, Edwards cherchait un passage pour retourner au Cap, en Afrique du Sud, où il savait qu’il trouverait un bateau anglais lui permettant de rentrer dans son pays. Le cruel capitaine anglais parvint à embarquer à bord du Horssen avec ses prisonniers, dont Mary et la petite Charlotte. L’un des anciens bagnards s’évadera dans le détroit de la Sonde et deux autres mourront de fièvres. Toujours sous l’autorité inflexible d’Edwards, Mary, sa fille et les quatre survivants de l’évasion du bagne furent mis aux fers tout le voyage.
Au Cap, en Afrique du Sud, Mary, Charlotte, très malade, et les quatre prisonniers furent transférés à bord de la HMS Gorgon. Le capitaine, John Parker, touché par la détresse de la prisonnière et le calvaire qu’elle endurait, lui donna une cabine et interdit à Edwards d’exercer tout acte de cruauté envers elle. Mais à ce moment là du périple, Charlotte était déjà au plus mal. Le 6 mai 1792, la petite fille, qui n’avait pas encore 5 ans, décéda à son tour, victime, comme son père et son petit frère, des fièvres et des mauvais traitements infligés par Edwards. Mary est alors, psychologiquement, au fond du gouffre.
Soutenue par un avocat
Début juin, ayant donc perdu ses deux enfants et son mari, Mary Bryant est débarquée en Angleterre, à Porthsmouth, amenée à Londres et emprisonnée à Newgate. Les évadés furent jugés dès le 7 juillet ; ils échappèrent à la peine de mort, mais furent condamnés à rester emprisonnés jusqu’à la fin de leur peine initiale de prison.
Un avocat influent, James Boswell, ému par cette affaire, décida de soutenir à ses frais Mary et ses compagnons, car leur histoire en avait fait des personnages devenus très populaires ; il avait été informé de leur héroïque odyssée, il savait ce que Mary avait subi (et subissait encore), il connaissait ses souffrances, sa solitude, sa détresse absolue et il fit appel au Home Office pour obtenir sa grâce, ou, à tout le moins, sa libération. Il l’obtiendra, un an plus tard, le 3 mai 1793. Ce jour-là, Mary sortit de la prison de Newgate, brisée par les souffrances. Ses quatre compagnons d’évasion encore vivants furent remis en liberté le 2 novembre 1793 (l’un d’eux retournera en Australie, mais cette fois-ci comme militaire, au sein du New South Wales Corps).
Un symbole de la liberté
Complètement libre aux yeux de la Justice anglaise, mieux même, “pardonnée” grâce à Boswell, Mary n’avait que 27 ans, mais après tant d’épreuves, elle était plus que fatiguée par le bagne, son odyssée maritime et la prison. Elle décida de quitter Londres, malgré l’affection que lui témoignait Boswell et rejoignit sa famille à Fowey.
L’avocat, généreux, continua à lui verser une pension de 10 livres pour qu’elle subvienne à ses besoins et ce jusqu’à sa mort, le 19 mai 1795 à l’âge de 54 ans
Que devint Mary après le décès de son protecteur ? Nul ne le sait. Mais aux yeux de beaucoup d’Australiens (et d’Anglais), elle symbolise la liberté, qui, parfois, se paye au prix fort.
Daniel Pardon
L’affiche de la série australienne retraçant l’odyssée de Mary. Son époux était joué par le comédien Alex O’Loughlin, devenu célèbre dans le rôle de Steve McGarrett, le patron du service “Hawai Five 0”.
Deux femmes du bagne, telles que vues par un peintre, à l’époque où l’Australie était surtout peuplée de prisonniers exilés.
L’arrivée des bagnards de la “First Fleet”, d’après une gravure d’époque.
Pourquoi cette fuite ?
En mars 1791, William Bryant avait fini de purger sa peine et avec son travail de pêcheur, il aurait pu acheter son retour en Angleterre ; malheureusement pour lui, Mary devait rester au bagne encore deux années. Qui plus est, le gouverneur de la colonie avait interdit aux hommes mariés devenus libres de rentrer en Grande-Bretagne s’ils avaient des femmes et des enfants à charge. Et Mary, occupée à élever deux enfants en bas âge, ne pouvait pas effectuer un travail rémunéré susceptible de lui payer de quoi financer son retour et celui de ses enfants. Elle était en Australie pour le reste de sa vie. Se sentant “coincés”, les Bryant en conclurent que la seule solution pour eux était de fuir…
En mars 1791, William Bryant avait fini de purger sa peine et avec son travail de pêcheur, il aurait pu acheter son retour en Angleterre ; malheureusement pour lui, Mary devait rester au bagne encore deux années. Qui plus est, le gouverneur de la colonie avait interdit aux hommes mariés devenus libres de rentrer en Grande-Bretagne s’ils avaient des femmes et des enfants à charge. Et Mary, occupée à élever deux enfants en bas âge, ne pouvait pas effectuer un travail rémunéré susceptible de lui payer de quoi financer son retour et celui de ses enfants. Elle était en Australie pour le reste de sa vie. Se sentant “coincés”, les Bryant en conclurent que la seule solution pour eux était de fuir…
Lors de sa fuite du bagne, Mary avait à veiller sur ses deux jeunes enfants en bas âge, qui passeront 69 jours sur une barque non pontée avant de rejoindre le Timor.
11 évadés, 5 survivants
Outre William, Mary, Emmanuel et Charlotte Bryant, sept autres bagnards avaient fui Botany Bay le 28 mars 1791 : James Martin, William Allen, Samuel Bird alias John Simms, Samuel Broom alias John Butcher, James Cox alias Rolt, Nathaniel Lillie, et William Moreton (le seul marin).
De toute cette équipée, seuls Mary Bryant, Allen, Broom, Lillie et Martin arrivèrent vivants en Angleterre. Cinq sur onze au départ…
Outre William, Mary, Emmanuel et Charlotte Bryant, sept autres bagnards avaient fui Botany Bay le 28 mars 1791 : James Martin, William Allen, Samuel Bird alias John Simms, Samuel Broom alias John Butcher, James Cox alias Rolt, Nathaniel Lillie, et William Moreton (le seul marin).
De toute cette équipée, seuls Mary Bryant, Allen, Broom, Lillie et Martin arrivèrent vivants en Angleterre. Cinq sur onze au départ…
L’avocat au grand cœur
On a beaucoup spéculé sur la générosité de l’avocat James Boswell envers les évadés de Botany Bay, et spécialement sur ses relations avec Mary Bryant. Les mauvaises langues assurèrent, à l’époque, qu’elle était devenue sa maîtresse, lui qui passait pour aimer faire des conquêtes dans des classes sociales défavorisées. Un poème au vitriol, écrit par un de ses amis, William Parson, raconte cette supposée idylle en faisant mourir les deux amants pendus ensemble… Le pamphlet était, certes, bien tourné, mais Boswell resta de marbre.
On sait, en revanche, qu’il reçut de Mary un paquet de feuilles séchées, du “thé de Botany Bay”. Ce paquet de feuilles fut retrouvé au Boswell's Malahide Estate, en Irlande, en 1930. Les feuilles séchées et les papiers de Boswell sont, aujourd’hui, conservés à la librairie de l’université de Yale. En 1956, deux de ces feuilles regagnèrent la Mitchell Library (Nouvelle Galles du Sud). Elles ont été identifiées comme appartenant à l’espèce Smilax glyciphylla, une petite liane poussant essentiellement sur la côte est de l’Australie.
On a beaucoup spéculé sur la générosité de l’avocat James Boswell envers les évadés de Botany Bay, et spécialement sur ses relations avec Mary Bryant. Les mauvaises langues assurèrent, à l’époque, qu’elle était devenue sa maîtresse, lui qui passait pour aimer faire des conquêtes dans des classes sociales défavorisées. Un poème au vitriol, écrit par un de ses amis, William Parson, raconte cette supposée idylle en faisant mourir les deux amants pendus ensemble… Le pamphlet était, certes, bien tourné, mais Boswell resta de marbre.
On sait, en revanche, qu’il reçut de Mary un paquet de feuilles séchées, du “thé de Botany Bay”. Ce paquet de feuilles fut retrouvé au Boswell's Malahide Estate, en Irlande, en 1930. Les feuilles séchées et les papiers de Boswell sont, aujourd’hui, conservés à la librairie de l’université de Yale. En 1956, deux de ces feuilles regagnèrent la Mitchell Library (Nouvelle Galles du Sud). Elles ont été identifiées comme appartenant à l’espèce Smilax glyciphylla, une petite liane poussant essentiellement sur la côte est de l’Australie.
Des écrits très rares
- William Bryant avait tenu un journal de bord, que le capitaine Bligh put consulter lorsqu’il fit escale au Timor en 1792. Il en conclut que l’homme ne manquait pas de courage et de persévérance. Bligh prit des notes, s’engagea à recopier le manuscrit mais ne le fit pas et l’original de Bryant a été, depuis, perdu.
- Mary Bryant dicta à Boswell, juste avant son départ de Londres, un texte de deux pages, des feuillets qui n’ont jamais été retrouvés.
- En 1930, un récit inconnu de la fuite de Botany Bay, intitulé “Memorandoms” et signé James Martin, fut découvert dans les papiers de Jeremy Bentham, à l’University College de Londres. Ce texte aurait été écrit pendant que Martin était emprisonné à Newgate. On peut le consulter sur Internet depuis janvier 2014 (UCL's Bentham Project).
- William Bryant avait tenu un journal de bord, que le capitaine Bligh put consulter lorsqu’il fit escale au Timor en 1792. Il en conclut que l’homme ne manquait pas de courage et de persévérance. Bligh prit des notes, s’engagea à recopier le manuscrit mais ne le fit pas et l’original de Bryant a été, depuis, perdu.
- Mary Bryant dicta à Boswell, juste avant son départ de Londres, un texte de deux pages, des feuillets qui n’ont jamais été retrouvés.
- En 1930, un récit inconnu de la fuite de Botany Bay, intitulé “Memorandoms” et signé James Martin, fut découvert dans les papiers de Jeremy Bentham, à l’University College de Londres. Ce texte aurait été écrit pendant que Martin était emprisonné à Newgate. On peut le consulter sur Internet depuis janvier 2014 (UCL's Bentham Project).
Arthur Philipp, le gouverneur de la colonie anglaise fondée en Australie, grand patron du bagne.
La “First Fleet” ancrée à Botany Bay, qui amena Mary Bryant en Australie.
Pot Jackson, qui ne s’appelait pas encore Sydney, et d’où s’évadèrent les membres de la famille Bryant.
Mary Bryant était originaire du petit port de Fowey, où elle retourna vivre dans l’anonymat après son odyssée qui la fit connaître de toute l’Angleterre.