Carnet de voyage - La sanchezia à l’assaut de la Vaihiria !


Le lac Vaihiria est le seul plan d’eau naturel de Tahiti. Il est situé à 473m d’altitude et mesure jusqu’à 800 m en longueur lorsqu’il est plein.
TAHITI, le 08 novembre 2018. En Polynésie française, 57 plantes ont été recensées comme étant des espèces envahissantes, menaçant, parfois gravement, la flore endémique ou indigène de nos îles. Sanchezia speciosa ne figure pas parmi cette liste ; cet arbuste buissonnant, atteignant trois mètres de hauteur, a pourtant pris une ampleur exceptionnelle dans au moins une de nos vallées, celle de la rivière Vaihiria, qui conduit au lac du même nom. Balade…

La promenade, à pied, à vélo ou en 4x4 est spectaculaire ; de bonne heure le matin, lorsque l’on se glisse, « à la fraîche », dans cette vallée de Mataiea, le soleil est encore loin d’éclairer l’onde qui ricoche de bloc de basalte en bloc de basalte. Elle n’en paraît que plus froide.

Une végétation très dense

La piste, dans sa partie basse, est une véritable route asphaltée, accessible à tous les véhicules. La suite du parcours, un total de neuf kilomètres, est plus difficile, le dernier tronçon, bétonné, demandant un véhicule avec une garde au sol importante pour passer les caniveaux. En une heure, vous serez au lac, en un peu plus de temps si vous marquez des arrêts, certains paysages et points de vue méritant une photo.

Sur les pentes, compte tenu de l’abondance des pluies dans ce secteur de Tahiti, la végétation est d’une rare densité, malheureusement encombrée d’un certain nombre d’espèces invasives, au premier rang desquelles le triste miconia (Miconia calvescens), innocemment introduit à Tahiti en 1937 par le collectionneur Harrison Smith.

Encore des miconias

Apparemment, il se rit des campagnes d’arrachage (il est hors de portée) et la lutte biologique n’a pas encore produit tous ses effets. Un champignon pathogène (Colletotrichum gloeosporioides forma specialis miconiae) très spécialisé a été introduit depuis l’an 2000 à Tahiti et a déjà entraîné une défoliation et une mortalité importante des miconias. Mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche pour que ce petit champignon vienne enfin à bout de cette peste végétale.

A notre grande surprise, c’est un autre envahisseur que nous avons découvert, dont on peut mesurer la puissance au développement exceptionnel de ses buissons bordant la piste.

Explosion des sanchezias

Sanchezia speciosa est un petit arbuste ornemental qui a été planté avec bien d’autres espèces le long de ce chemin ; mais si les autres plantes ornementales ont su se développer en demeurant dans des proportions raisonnables, il n’en est rien des sanchezias qui ont littéralement explosé ces dernières années sur certains tronçons.

Certes, la plante est bien moins dangereuse que le miconia, puisqu’elle fleurit toute l’année, mais que, fort heureusement, elle ne produit, quand elle est cultivée, que très rarement des fruits (d’étroites capsules cylindriques).

Or, petit souci dans la Vaihiria, les massifs ébouriffés de sanchézias ne sont plus cultivés et sont retournés à l’état sauvage. La plante s’est parfaitement naturalisée dans cet environnement chaud, humide, sur des sols relativement bien drainés et surtout riches en alluvions. Potentiellement, elle est donc apte à produire des fruits, qui seraient alors largement dispersés dans la nature, par les oiseaux notamment.

Une tendance à tout envahir

Le visiteur a parfois l’impression d’être complètement cerné par ces buissons verts, chaque feuille étalant dans la lumière ses veines jaune clair. L’inflorescence orange n’est pas forcément d’une extraordinaire beauté et il est évident que c’est pour son feuillage que la plante, originaire d’Amérique du Sud (Equateur notamment), connaît un franc succès dans toute la ceinture tropicale.

Dans plusieurs pays, elle fait d’ailleurs l’objet d’une surveillance, car, de fait, elle a une nette tendance à tout envahir si on lui laisse prendre ses aises. Ce qui est le cas aujourd’hui dans la vallée de Vaihiria que nous vous proposons de parcourir en quelques photos. En espérant que cette invasion de sanchezias demeurera limitée…

Textes et photos : Daniel Pardon

Costus woodsonii, une superbe petite canne d’eau.

Un petit plan d’eau juste en aval du lac.

Inflorescence de Sanchezia speciosa ; il reste à espérer que ces plantes envahissantes demeurent stériles, ce qu’elles sont en général lorsqu’elles sont cultivées. Mais là, elles sont redevenues sauvages…

Cette photo donne une idée de l’envahissement des sanchezias sur certains tronçons de la vallée de la Vaihiria, des plantes classées comme envahissantes dans certains pays.

Les eaux de la Vaihiria sont très claires et les bassins le long de la piste prennent de allures de piscine (la plupart sont interdits d’accès car relevant des installations d’hydro-électricité.

Alpinia vittata est une Zingibéracée reconnaissable à son splendide feuillage.

La flore de la vallée est d’une extrême densité et les pentes, le plus souvent ombragées, sont des jungles impénétrables.

La superbe rose de porcelaine, Etlingera eliator, s’offre aux regards de visiteurs en bord de piste.

Il est interdit de se baigner dans cette retenue d’eau ; mais avouez que l’on peut être tenté d’y piquer une tête !

Les opuhi (Alpinia pupurata var.) sont omniprésents tout au long de la montée au lac.

Un cocotier peut-être pas très à l’aise dans une telle humidité.

Les buissons d’acalypha (Acalypha wilkesiana) paraissent allumer des incendies le long de la piste dans la basse vallée.

La bonne santé de la rivière est évidente lorsqu’on prend le temps d’observer sa faune, sa flore et ses eaux cristallines.

La bonne santé de la rivière est évidente lorsqu’on prend le temps d’observer sa faune, sa flore et ses eaux cristallines.

La rivière regorge de petits mollusques ; parmi eux, les clythons, reconnaissable aux « cornes » que leur coquille arbore.

Rédigé par Daniel PARDON le Jeudi 8 Novembre 2018 à 09:13 | Lu 2409 fois