Carnet de voyage: Fare Hape : l’oasis de la Papenoo


Fare Hape offre un ensemble comprenant vingt fare et des installations collectives bénéficiant d’eau chaude et d’électricité.
Dix-huit longs kilomètres après avoir quitté la route de ceinture, à Papenoo, on arrive sur un plateau fiché entre deux cours d’eau. En hauteur, le Relais de la Maroto ; plus bas, les installations de Fare Hape, gérée par l’Association Haururu, qui tente de redonner vie à ce lieu magique…

Il y a longtemps, lorsque l’île de Tahiti était densément peuplée, ses rivages étaient occupés, certes, mais les vallées l’étaient tout autant. C’était particulièrement le cas au centre de l’île, dans l’ancienne caldeira du volcan originel, dans la haute vallée de la Papenoo où les espaces cultivés, les lieux d’habitation et les sites cultuels étaient nombreux.
Plusieurs centaines de personnes vivaient là, autonomes en nourriture et capables de fournir d’innombrables objets lithiques aux autres groupes humains de l’île : racloirs, herminettes, penu, pointes de lance, etc.). Si la cueillette était une activité importante, l’agriculture, grâce à de savants travaux de terrassements et d’irrigation, permettait à tous de se nourrir, poissons (nato, anguilles), chevrettes, et porcs (élevés) couvrant les besoins en protéines animales.
Au milieu du XIXe siècle, le cœur de Tahiti a été abandonné, les survivants aux maladies introduites (grippe, variole, tuberculose, etc.) ayant été concentrés autour des temples et églises en bord de mer.


Electricité et eau chaude

Les bungalows pour dormir sont rustiques, mais vastes, puisque pouvant accueillir quatre personnes (à condition d’amener son sac de couchage et sa moustiquaire).
Dans les années quatre-vingt, d’importants aménagements hydro-électriques ont bouleversé la vallée, mais dès 1986, le département archéologie du Centre polynésien des sciences humaines (CPSH) a entrepris des travaux de fouilles, de recensement et de restauration. Ainsi pas moins de 190 marae et sanctuaires ont été découverts et les travaux sont loin d’être achevés.
En revanche, le site de Fare Hape, avec le concours de la société Marama Nui, a été restauré et demeure, aujourd’hui, sous la responsabilité de l’association Haururu, le centre de vie de cette haute vallée. On peut le visiter et rayonner à partir de là sur les nombreux sentiers qui en partent.
On peut aussi, grâce à une vingtaine de fare, y dormir, de manière sommaire, certes, mais avec eau chaude et électricité tout de même pour les repas. Plusieurs dizaines de personnes peuvent y être accueillies en même temps et effectuer ainsi un retour aux sources totalement dépaysant.
Les amateurs noteront que le site est également un véritable conservatoire pour la flore locale, avec de très nombreuses espèces indigènes ou introduites (certaines par les Polynésiens, d’autres par les Européens).
L’association a le mérite de faire figurer au pied des espèces les noms des plantes à découvrir rehaussant ainsi l’intérêt de la visite. Indubitablement, Haururu mène là une mission remarquable, aux antipodes des projets mégalos et délirants qui ont pu être avancés récemment pour aménager cette vallée ; elle doit garder sa pureté et son authenticité, loin des brasseurs de subventions, de « défisc » et autres affaires de gros sous…

Textes et photos : Daniel Pardon




L’association Haururu

L’association Haururu existe depuis le 14 février 1994. On lui doit, entre autres, les célébrations de Matari’i (changements de saison). Depuis le 25 août 2017, une Fondation Haururu a été créée, officialisée au Matarii i nia de la fin septembre de la même année.
C’est par l’association que l’on peut réserver à l’avance un ou plusieurs bungalows (4 pers./ fare). Il en coûte 6 000 Fcfp/nuit.
Il faut amener son couchage (sa moustiquaire aussi), sa vaisselle et sa nourriture, mais la cuisine collective est très vaste, tout comme l’espace restauration.
Renseignements et réservations : chanzimoia@gmail.com
Tel Moïa : 87 71 08 10



Une piste quasiment impraticable

Evoquons les choses qui fâchent : avec un ministre de l’Aménagement du territoire, une ministre du Tourisme, un ministre de l’Equipement et un ministre de l’Economie verte, ceux qui nous gouvernent et qui ont le souci de développer le tourisme devraient veiller à l’entretien de la piste qui va de la route de ceinture au relais de la Maroto (18 km) et au Fare Hape. Tahiti n’a pas grand-chose à offrir en termes de plages (comparée à d’autres îles), mais elle abrite en son sein un joyau, la superbe vallée de la Papenoo. Or celle-ci est quasiment inaccessible au grand public compte tenu de l’état de la piste qui la traverse.
Une niveleuse et un compacteur passés cinq ou six fois par an permettraient, à défaut d’un bétonnage qui aurait dû être fait depuis des décennies, d’ouvrir le cœur de Tahiti aux visiteurs et aux Polynésiens eux-mêmes.
Quand il s’agit de présenter des projets ridicules de golf, d’hôtel 5 étoiles et même de téléphérique dans la Papenoo, on voit sortir du bois, aux côtés « d’hommes d’affaires » dont la réputation n’est plus à faire, quelques « huiles » locales, mais quand avec simplicité et rigueur, il s’agit de répondre aux besoins de tous, on est plus discret… Osons le dire et l’écrire, le non entretien de cette piste dans la vallée de la Papenoo est absolument navrant.
Les opérateurs touristiques, qui font quotidiennement la traversée de Tahiti entre Papenoo et Vaihiria, ne devraient pas nous contredire ; cette situation est déplorable pour tous et donne de notre île une bien piètre image. Ce ne sont pourtant pas les moyens en hommes ou en matériels qui manquent pour rendre ce service à la population…



De Gaulle en 1963 : la traversière promise

Le 6 septembre 1966, le général de Gaulle entame une visite officielle en Polynésie française. Les réunions publiques sont nombreuses, et lors de l’une d’entre elles, Jacques Foccart, l’homme de l’ombre du général, demande à Philippe Mazellier, le fondateur de La Dépêche de Tahiti : « Dites-moi vite : qu’est-ce que le général peut offrir à la Polynésie qu’elle ne pourrait espérer autrement ? » Pris de court, Mazellier répond au tac au tac : « La route traversière, peut-être ».
Cette traversière, voilà des années que l’on en parle, un peu comme la fameuse Arlésienne. Mais cette fois-ci, c’est de Gaulle en personne qui va l’évoquer. Autant dire que la chose est à prendre très au sérieux : « La République française, dès mon retour, va faire ce qu’il faut pour que la fameuse route traversière de l’île soit accomplie et que, par conséquent, l’oeuvre, le travail, les résultats du Centre d’expérimentations du Pacifique soient marqués à tout jamais, ici, par un travail pacifique, utile et éclatant. »
1966-2018 : 52 ans plus tard, toujours rien, si ce n’est une piste défoncée que personne n’entretient. La France, pour mille et une raisons, n’a pas tenu sa parole. Depuis 1998, l’Etat a versé à peu près 360 milliards de Fcfp au titre de la compensation de l’arrêt des activités du CEP. Pas un franc n’a été consacré à la traversière qui ouvrirait enfin le cœur de Tahiti à tous et qui permettrait des liaisons entre les deux côtes. Dans le respect des sites et de l’environnement bien entendu…





Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 13 Septembre 2018 à 16:33 | Lu 5302 fois