Vous avez toujours voulu voir le diable ? Le voilà, en la personne de Maximon, entouré de ses grands prêtres. Son temple est une simple maison, décorée de nombreuses guirlandes, où brûlent en permanence cierges, bougies et résine de copal.
AMERIQUE CENTRALE, le 28 mars 2019. “Si tu vas à Santiago Atitlan, ne manque pas de rendre une visite à Maximon” (on prononce Machimon). Fort de cette recommandation, Tahiti Infos est donc allé voir le fameux “Machin-chose”. Suivez-nous pour un face-à-face avec la personnification du diable…
Vous aimez le tourisme “bien carré”, genre club de vacances ? Cette escapade n’est pas pour vous. Nous vous invitons en effet à rencontrer un triple diable, pas moins, réplique méphistophélique de la Sainte Trinité.
Vous aimez le tourisme “bien carré”, genre club de vacances ? Cette escapade n’est pas pour vous. Nous vous invitons en effet à rencontrer un triple diable, pas moins, réplique méphistophélique de la Sainte Trinité.
Rendez-vous avec « Super Satan »
Nous sommes sur la rive sud du lac Atitlan, au Guatemala, dans le petit village de Santiago. Causer avec un super Satan, ça n’arrive pas tous les matins.
Ce jour-là, rendez-vous est calé de bonne heure.
Pour aller à Santiago Atitlan, il faut prendre le bateau à Panajachel et traverser en 45 minutes le grand lac Atitlan dominé par les silhouettes inquiétantes de volcans colériques (le San Pedro, 3 020 m, le Toliman, 3 134 m, et le Atitlan, 3 535 m).
À la descente de la « lancha », sur l’embarcadère, des petites Indiennes, hautes comme trois pommes, assaillent les rares touristes (à cette heure) en leur proposant “Machimon, Machimon ?” Pour quelques piécettes ou quetzals, les enfants conduisent alors leurs visiteurs à travers le labyrinthe des rues de Santiago jusqu’à la maison où réside le “monstre”. De la fenêtre ouverte et de la porte entrebaîllée de la masure abritant la créature s’échappent des fumées bleutées dues au copal, résine brûlée en l’honneur du dieu-diable. Ambiance…
Ce jour-là, rendez-vous est calé de bonne heure.
Pour aller à Santiago Atitlan, il faut prendre le bateau à Panajachel et traverser en 45 minutes le grand lac Atitlan dominé par les silhouettes inquiétantes de volcans colériques (le San Pedro, 3 020 m, le Toliman, 3 134 m, et le Atitlan, 3 535 m).
À la descente de la « lancha », sur l’embarcadère, des petites Indiennes, hautes comme trois pommes, assaillent les rares touristes (à cette heure) en leur proposant “Machimon, Machimon ?” Pour quelques piécettes ou quetzals, les enfants conduisent alors leurs visiteurs à travers le labyrinthe des rues de Santiago jusqu’à la maison où réside le “monstre”. De la fenêtre ouverte et de la porte entrebaîllée de la masure abritant la créature s’échappent des fumées bleutées dues au copal, résine brûlée en l’honneur du dieu-diable. Ambiance…
Bébé hurleur et épileptique
On entre dans une semi obscurité presque palpable.
Autour de la statue sans jambes, habillée de carrés de soie et de pièces de vêtements indiens, s’activent quelques officiants, “grands prêtres” mayas dont le curé voisin ne veut plus entendre parler. Il est à peine 9 heures du matin et l’alcool coule déjà à flot. La statue en bois, fumant en permanence le cigare, reçoit de nombreux visiteurs, car on la consulte comme on va voir un toubib.
Un rien médusé, nous assisterons à deux séances de “médecine” : un “bébé hurleur” qui fera silence au terme de la visite et un épileptique au bord du delirium tremens, pour lequel Maximon ne pourra visiblement rien.
Nous obtenons, moyennant sacrifice (financier) au dieu Maximon, d’assister à ces deux cérémonies matinales, du moment qu’on pense à rajouter des billets au pied de l’incube et à nous tenir tranquille dans notre coin.
Pour les photos, c’est plus compliqué et plus cher. Et il faut le feu vert du prêtre maya. Mais avec force billets (verts), on finit par y arriver, vite fait entre deux séances de guérison…
Autour de la statue sans jambes, habillée de carrés de soie et de pièces de vêtements indiens, s’activent quelques officiants, “grands prêtres” mayas dont le curé voisin ne veut plus entendre parler. Il est à peine 9 heures du matin et l’alcool coule déjà à flot. La statue en bois, fumant en permanence le cigare, reçoit de nombreux visiteurs, car on la consulte comme on va voir un toubib.
Un rien médusé, nous assisterons à deux séances de “médecine” : un “bébé hurleur” qui fera silence au terme de la visite et un épileptique au bord du delirium tremens, pour lequel Maximon ne pourra visiblement rien.
Nous obtenons, moyennant sacrifice (financier) au dieu Maximon, d’assister à ces deux cérémonies matinales, du moment qu’on pense à rajouter des billets au pied de l’incube et à nous tenir tranquille dans notre coin.
Pour les photos, c’est plus compliqué et plus cher. Et il faut le feu vert du prêtre maya. Mais avec force billets (verts), on finit par y arriver, vite fait entre deux séances de guérison…
Un exorcisme
Satanique, le principe de l’exorcisme, puisque c’en est un, est simple ; le malade que l’on croit ou qui se croit possédé amène évidemment un peu d’argent (plus il y en a, plus les chances de guérir sont grandes). Les prêtres de Maximon achètent de l’alcool dont ils versent une rasade dans la bouche de la statue en la penchant en arrière. Ils se partagent le reste en discutant ferme avec leur diabolique interlocuteur, tout en répandant force nuages de copal dans la pièce.
Incantations et discussions contradictoires à voix haute entre les prêtres se suivent, au rythme des verres d’alcool. Le bébé hurleur a ainsi été approché, enfumé, désenvoûté. Sa mère avait l’air tétanisé. Le marmot l’a bouclé en cinq minutes, mais il a fallu que les prêtres donnent toutes leurs tripes pour convaincre Maximon. Il a fallu boire et reboire, donc repayer. Un peu. Maman s’est exécutée.
En plus explicite, à 10 heures du matin, tout le monde était fin saoul et avait les yeux rouges ; preuves d’une grosse fatigue. A quoi cette noble assemblée devait-elle ressembler à 5 heures de l’après-midi, nous préférons ne pas savoir…
Parmi les Indiens attendant leur tour, personne ne bougeait le petit doigt. Maximon, il est vrai, n’est pas un rigolo. Et pour cause, ce diable est triplement redouté : dans ce village, les Mayas Tzutuhil, accablés par tous les malheurs de la terre au moment de la Conquista, ont en effet fondu dans le même creuset trois personnes incarnant pour eux le mal absolu : Judas, qui a trahi le Christ, le dieu de la mort maya et Pedro de Alvarado, le cruel conquistador qui a soumis le Guatemala. Trois diables en un, on comprend que les Indiens en aient une peur bleue.
Incantations et discussions contradictoires à voix haute entre les prêtres se suivent, au rythme des verres d’alcool. Le bébé hurleur a ainsi été approché, enfumé, désenvoûté. Sa mère avait l’air tétanisé. Le marmot l’a bouclé en cinq minutes, mais il a fallu que les prêtres donnent toutes leurs tripes pour convaincre Maximon. Il a fallu boire et reboire, donc repayer. Un peu. Maman s’est exécutée.
En plus explicite, à 10 heures du matin, tout le monde était fin saoul et avait les yeux rouges ; preuves d’une grosse fatigue. A quoi cette noble assemblée devait-elle ressembler à 5 heures de l’après-midi, nous préférons ne pas savoir…
Parmi les Indiens attendant leur tour, personne ne bougeait le petit doigt. Maximon, il est vrai, n’est pas un rigolo. Et pour cause, ce diable est triplement redouté : dans ce village, les Mayas Tzutuhil, accablés par tous les malheurs de la terre au moment de la Conquista, ont en effet fondu dans le même creuset trois personnes incarnant pour eux le mal absolu : Judas, qui a trahi le Christ, le dieu de la mort maya et Pedro de Alvarado, le cruel conquistador qui a soumis le Guatemala. Trois diables en un, on comprend que les Indiens en aient une peur bleue.
Leur âme au Diable…
Si tous, autour du lac Atitlan ou sur les hauts-plateaux d’Amérique centrale, maudissent Maximon (certains, c’est rare, osant quand même s’en moquer), allez savoir pourquoi, dans le même temps ils ont pris le parti non pas de rejeter ce démon, mais de tenter au contraire de s’en faire un allié en lui vouant un culte. Ils ont, ni plus ni moins, vendu leur âme au diable… Quitte à gérer des ennuis, se sont-ils dit, autant traiter directement avec le responsable et tenter de l’amadouer plutôt que de se tourner vers Dieu ou ses saints, ce qui ne pourrait que déchaîner encore plus le courroux de la diabolique trinité.
En changeant Maximon de maison chaque année, ses adorateurs veillent à ce que la statue ne soit pas confinée en un seul lieu, mais circule chez tout le monde (le principe de la tournée générale en quelque sorte).
Est-il besoin de préciser que le curé de Santiago Atitlan n’apprécie guère ce culte satanique ? En attendant, durant la Semaine Sainte, Maximon défile dans les rues, en procession, avec Jésus et tous ses saints. Ainsi va la foi à Santiago Atitlan…
Textes et photos : Daniel Pardon
En changeant Maximon de maison chaque année, ses adorateurs veillent à ce que la statue ne soit pas confinée en un seul lieu, mais circule chez tout le monde (le principe de la tournée générale en quelque sorte).
Est-il besoin de préciser que le curé de Santiago Atitlan n’apprécie guère ce culte satanique ? En attendant, durant la Semaine Sainte, Maximon défile dans les rues, en procession, avec Jésus et tous ses saints. Ainsi va la foi à Santiago Atitlan…
Textes et photos : Daniel Pardon
Une ribambelle de Maximon
Quand on circule sur les hauts plateaux du Guatemala, on est surpris par le nombre de Maximon plus ou moins cachés ici et là. Pour certains, Maximon a été formé par la synthèse d’un dieu maya, Maam, avec un saint catholique, Simon (Maam-Simon ayant donné Maximon prononcé Machimon).
D’autres y ajoutent Pedro de Alvarado, conquistador ayant soumis la région dans un bain de sang, et Judas, traître au Christ. Presque partout, il est représenté par une statue en bois affublée de divers vêtements colorés. Protéiforme, tantôt il est imberbe, tantôt il est barbu, tantôt il est blanc, rarement noir de peau mais il peut même changer de sexe pour devenir une femme !
Deux constantes : la peur que sa statue inspire partout et le fait que toute approche ne peut se faire qu’avec du bel et bon argent. Rien n’est gratuit en ce bas monde et surtout pas sa protection.
Il est vrai que son champ de compétences est vaste : amour, argent, santé, malédictions… Quant à sa cohorte de servants, les petits et grands prêtres (tous des hommes), saouls du matin au soir à force de libations, ils coûtent fort cher en alcool (aguardiente, bière, mezcal, tequila, whisky, rhum…).
Les Indiens Tzutuhils le surnomment Ri Laj Man (le Vieux, le Vénérable, le « Metua » dirait-on chez nous).
Personnage, malsain, dépravé, fornicateur, il est le protecteur de toutes les prostituées qui le fêtent le 28 octobre, jour de la Saint-Simon. Par extension, il protège aussi les homosexuels, les trans, les travestis, etc.
On sacrifie tous les jours de l’année au culte de Maximon, mais c’est le Vendredi Saint que culmine souvent dans les villages sa dévotion ; il est alors porté par ses adeptes en procession, allant inévitablement à la rencontre des processions catholiques célébrant la mort du Christ. Inutile de préciser que le face-à-face est souvent tendu.
Si les prêtres ont réussi à expulser les images de Maximon de leurs églises, en revanche, ceux qui ont essayé de le détruire ont échappé de peu au lynchage.
Maximon et la Trinité cohabitent donc aujourd’hui au Guatemala…
D’autres y ajoutent Pedro de Alvarado, conquistador ayant soumis la région dans un bain de sang, et Judas, traître au Christ. Presque partout, il est représenté par une statue en bois affublée de divers vêtements colorés. Protéiforme, tantôt il est imberbe, tantôt il est barbu, tantôt il est blanc, rarement noir de peau mais il peut même changer de sexe pour devenir une femme !
Deux constantes : la peur que sa statue inspire partout et le fait que toute approche ne peut se faire qu’avec du bel et bon argent. Rien n’est gratuit en ce bas monde et surtout pas sa protection.
Il est vrai que son champ de compétences est vaste : amour, argent, santé, malédictions… Quant à sa cohorte de servants, les petits et grands prêtres (tous des hommes), saouls du matin au soir à force de libations, ils coûtent fort cher en alcool (aguardiente, bière, mezcal, tequila, whisky, rhum…).
Les Indiens Tzutuhils le surnomment Ri Laj Man (le Vieux, le Vénérable, le « Metua » dirait-on chez nous).
Personnage, malsain, dépravé, fornicateur, il est le protecteur de toutes les prostituées qui le fêtent le 28 octobre, jour de la Saint-Simon. Par extension, il protège aussi les homosexuels, les trans, les travestis, etc.
On sacrifie tous les jours de l’année au culte de Maximon, mais c’est le Vendredi Saint que culmine souvent dans les villages sa dévotion ; il est alors porté par ses adeptes en procession, allant inévitablement à la rencontre des processions catholiques célébrant la mort du Christ. Inutile de préciser que le face-à-face est souvent tendu.
Si les prêtres ont réussi à expulser les images de Maximon de leurs églises, en revanche, ceux qui ont essayé de le détruire ont échappé de peu au lynchage.
Maximon et la Trinité cohabitent donc aujourd’hui au Guatemala…
Gros plan sur Maximon ; on notera son cigare en bouche, qu’il ne quitte jamais, ses deux chapeaux superposés, les deux cendriers pleins à sa droite et à sa gauche, ses couvertures indiennes et ses carrés de soie. Les exorcismes ont lieu par terre, à ses pieds. La coupe, devant lui, est remplie de billets de banque amenés par les fidèles. On ne peut le photographier qu’entre deux séances d’exorcisme (il préfère les billets verts américains).
Le diable, les diables, sont omniprésents dans les croyances catholiques et moins catholiques des Indiens Mayas. En témoignent les masques rituels à l’arière-plan de notre photo.
On le remarque sur ce cliché, les deux grands prêtres assis entourant Maximon ne sont pas seuls ; d’autres prêtres moins gradés (mais grands buveurs eux aussi) se tiennent derrière eux.
Vu avec un peu de recul, tout a l’air tranquille dans les villages baignés par le superbe lac Atitlan. Pendant que les prêtres de Maximon « s’arsouillent » à qui mieux-mieux, les Indiens travaillent, achètent, vendent. Mais le diable n’est pas loin…
Pour aller à Santiago Atitlan, nous traverserons le lac en compagnie de ces deux jeunes et belles Indiennes Tzutuhil se rendant au marché vendre leurs tissages. Ne leur parlez pas de Maximon, vous les feriez fuir…
Au départ de Panajachel, il faut compter moins d’une heure sur une petite barque pour se rendre à Santiago. Les plus gros bateaux sont destinés aux excursions de grappes de touristes sur le lac.
Peinture de Diego Ribera ? Plus simplement une Tzutuhil sur le marché de Santiago, avec une brassée d’arums.
Pendant que les hommes discutent avec le diable en “buvant sec”, les femmes, dans la maison d’à côté, ne perdent pas de temps ; elles tissent sur des métiers vieux comme le monde pour vendre leurs produits aux touristes.
Pendant que les hommes discutent avec le diable en “buvant sec”, les femmes, dans la maison d’à côté, ne perdent pas de temps ; elles tissent sur des métiers vieux comme le monde pour vendre leurs produits aux touristes.
A quelques encablures de la maison du diable, ces paysans mettent en commun leur énergie pour préparer des bottes d’oignons qui seront vendues au marché de Solola.