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Cannabis thérapeutique : on repart à zéro


Tahiti, le 20 novembre 2023 – Quarante-et-un pour et 16 contre. Les élus Tavini et AHIP ont voté l'abrogation de la loi du Tāpura du 5 janvier 2023 relative aux substances vénéneuses. Le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, promet un nouveau texte “plus équilibré” et “plus applicable” d'ici février prochain qui intègrera les tradipraticiens.
 
Les élus de l'assemblée étaient convoqués en urgence ce lundi matin pour voter l'abrogation de la loi du Pays du 5 janvier 2023 relative aux substances vénéneuses, dont le cannabis thérapeutique. Une urgence qui s'explique par le fait qu'il faut “un mois et dix jours pour qu'une loi soit promulguée” comme l'a expliqué le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, répondant ainsi à Tepuaraurii Teriitahi (Tāpura Huira’atira) qui s'étonnait de cette précipitation.
 
Un nouveau texte “garanti” d'ici février
 
Or le temps presse justement puisque ce texte prévoit, dans son article 56, que le 6 janvier prochain, la délibération du 18 août 1978 qui règlemente l'importation, l'exportation, l'achat, la vente, la détention et l'emploi des substances vénéneuses sera abrogée. Autrement dit, plus rien n'encadrera les substances vénéneuses, y compris le cannabis, ce qui créerait un vide juridique. “Donc aujourd'hui, l'abrogation de cette loi (du 5 janvier 2023) va nous permettre de ne pas perdre cette règlementation”, a argumenté le ministre qui a “garanti” aux élus qu'un nouveau texte serait “déposé d'ici fin décembre”, pour être transmis ensuite au Cesec, et “voté en février” par l'assemblée.
 
Un texte qui, a-t-il encore expliqué, a fait l'objet d'un comité de pilotage (Copil) réunissant plusieurs ministères (santé, secteur primaire, économie), mais aussi les associations, les pharmaciens et l'Arass (agence de régulation de l'action sanitaire et sociale) et surtout, qui intègrera les tradipraticiens, ce qui n'était pas le cas dans l'ancienne mouture.
 
“À qui la faute ?”

Mais pourquoi ne pas avoir prorogé le délai prévu par l'article 56 comme le préconisait d'ailleurs le Cesec, s'est interrogée Cathy Puchon du Tāpura Huira’atira, rappelant que le Tāvini avait lui-même admis que, sur les nombreux articles que comporte la loi du 5 janvier 2023, tout n'était “pas à jeter à la poubelle”. Mais pour la majorité, comme pour les élus non-inscrits AHIP, le texte du Tāpura manquait de “lisibilité” et “d'intelligibilité” et était trop compliqué à mettre en œuvre. Preuve en est qu'il nécessitait de nombreux textes d'application (une douzaine de délibérations et 5 arrêtés du conseil des ministres) qui n'ont jamais été adoptés.
 
Résultat des courses, un an après sa promulgation, cette loi du Pays du 5 janvier 2023 n'est pas appliquée. “À qui la faute ?”, a lancé Nicole Sanquer. “À l'ancien gouvernement qui cherchait à récupérer des voix pour s'assurer une victoire aux dernières élections ? (...) Au nouveau gouvernement ? Une belle promesse de campagne assortie d'une belle communication après les élections (...) mais qui se retrouve aujourd'hui dans l'obligation d'abroger la loi.”
 
“On déconstruit beaucoup”

Édouard Fritch n'a pas manqué de relever cette petite pique : “Nous avons été sanctionnés par les électeurs mais vous continuez de blâmer le Tāpura (...) Nous sommes tous là pour construire la Polynésie de demain, pas pour se taper dessus”, a-t-il regretté mettant en garde le gouvernement : “On déconstruit beaucoup, alors attention”. Ce à quoi lui a répondu le ministre de la Santé : “Ce n'est pas déconstruire, mais reconstruire ensemble et autrement”. Le Tāpura a voté contre cette abrogation. Logique. Le Tāvini pour et AHIP aussi, souhaitant “faire confiance” à la majorité sur ce nouveau texte.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 20 Novembre 2023 à 14:29 | Lu 2838 fois