Cancer : le coût des "molécules onéreuses" plombe le budget du CHPF


PAPEETE, 11 août 2017 - La prise en charge en 2016 par le centre hospitalier de Polynésie française, sur la Dotation globale de fonctionnement, des traitements du cancer, cause un manque à gagner d’environ 850 millions Fcfp pour l'établissement.

Le projet de délibération portant adoption du budget de l’exercice 2016 du Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) a été adopté à l’unanimité des 21 représentants de la commission permanente de l’assemblée, jeudi. Le compte administratif 2016 de l'hôpital enregistre, en section de fonctionnement, 22,46 milliards Fcfp de recettes pour 22,65 milliards de dépenses, soit un résultat déficitaire de 184,3 millions. En section d’investissement, le CHPF a eu à gérer 1,9 milliard Fcfp de recettes mais n’a réalisé que 996 millions de dépenses, finissant l’exercice avec résultat excédentaire de 900,1 millions Fcfp.

L’établissement public termine l’année 2016 avec un résultat excédentaire de 715,8 millions Fcfp qui peine à masquer de sérieuses difficultés de financement. Cette situation n’a pas rassuré les élus de Tarahoi, au moment d’adopter ses comptes pour 2016.

"Son budget doit être à la mesure des missions que l’établissement assure pour le compte de tous", a insisté la représentante souverainiste Eliane Tevahitua, en comparant l’hôpital du Taaone "qui concentre à lui seul 80% de l’offre de soins en Polynésie" à un "colosse aux pieds d’argile".

En effet, le mode de financement du CHPF n’a pas permis en 2016 de couvrir les dépenses liées à une augmentation de 6,1 % de son activité en hospitalisation, malgré des recettes en hausse de 9 % à périmètre constant. L’établissement est contraint par l'effet ciseau d’une augmentation annuelle moyenne de ses coûts structurels (charges de personnels, entretien des bâtiments, énergie…) de près de 500 millions Fcfp et de la baisse depuis plusieurs années de sa principale source de recettes, la Dotation globale de fonctionnement. En 2016, la DGF versée par la Caisse de prévoyance sociale a été utilisée à 94% pour couvrir les dépenses de personnel de l'hôpital.

Les promesses du futur

En diminution constante depuis 5 ans cette DGF est passée de 14,4 milliards en 2011 à 12,74 milliards en 2016. Mais le coup dur vient de la décision prise par la CPS en 2016, de demander à l'hôpital de prendre en charge, sur cette DGF, le coût des médicaments pour traiter le cancer. "Les instances de la CPS ont considéré que l’on pourrait en quelque sorte geler ces dépenses en les incorporant à la dotation globale à hauteur de 750 millions de francs", a noté le représentant RMA Jules Ienfa à propos de la charge de ces "molécules onéreuses". "Sauf que la dépense réelle constatée sur les postes correspondants est de 1,1 milliard de francs, ce qui nous donne un déficit de 350 à 400 millions sur le budget du CHPF du seul fait de cette mesure". Et d'étayer son propos en rappelant que pour le CHPF "les dépenses à caractère pharmaceutique s’établissent à 3,381 milliards, en hausse de 13,7 % par rapport à 2015" en pour que tout le monde se rende bien compte, que "les traitements innovants particulièrement onéreux de trois patients ont généré 170 millions de francs de dépenses en 2016".

La diminution de la DGF depuis plusieurs années est une conséquence de la situation financière déficitaire des régimes en charge de l’assurance maladie à la CPS (-4,6 milliards pour le régime des salariés ; -740 millions Fcfp pour le régime des non-salariés et -2,1 milliards pour le régime de solidarité).

Cette problématique sera en partie résolue avec l’apurement partiel du déficit du RSPF dès ce mois-ci. "Dans le collectif que vous aurez à voter très prochainement, une dotation sera faite sur le RSPF. Laquelle bénéficiera au CHPF pour équilibrer ses comptes", a rappelé aux élus de Tarahoi le ministre de la Santé, Jacques Raynal, en allusion à la dotation exceptionnelle de 1,6 milliard que le gouvernement envisage d’inscrire en faveur du régime de solidarité, via le Fonds d'aide pour l'emploi et la lutte contre la pauvreté (Felp), de manière à couvrir une partie du déficit du RSPF. La mesure sera présentée dans le cadre du collectif budgétaire inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire convoquée le 17 août prochain.

Le ministre a surtout promis une "stabilisation" de la dotation globale de fonctionnement, "en accord avec les administrateurs de la CPS" et la création d'un "budget annexe" pour les dépenses liées aux molécules onéreuses "de façon à ce que nous ayons une meilleure visibilité de leur coût réel".

Jacques Raynal n'a pas caché, dans ce contexte, l'espoir que fonde le Pays dans la demande faite à Paris d'une rallonge d’un an de la convention 2015-2017 pour la participation de l’Etat au financement du RSPF (1,4 milliard Fcfp par an). L’ambition du Pays est de négocier en 2018 un prolongement de 3 années supplémentaires de cette aide exceptionnelle, jusqu’en 2020 "pour l’accompagnement par l’Etat dans le cadre de la prise en charge de maladies qui sont particulièrement coûteuses".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 11 Aout 2017 à 15:21 | Lu 2991 fois