Camille Ley, tout pour la Terre


TAHITI, le 22 juin 2022 - Elle a 25 ans, elle est bijoutière à Moorea. Depuis quelques mois, elle s’engage pour des causes environnementales. Elle est membre de Te Mana O Te Umara, l’association qui organise une marche la marche pour le climat qui aura lieu ce samedi 25 juin.

"Avec Te Mana O te Umara, nous combinons nos compétences, nous répartissons la charge de travail pour organiser des événements comme la marche pour le climat, et surtout nous créons du lien, nous sensibilisons", résume Camille Ley. À 25 ans, ses convictions et ambitions environnementales l’ont poussée à s’engager. Depuis toujours, elle sait et constate autour d’elle le changement climatique. Elle a, à titre individuel, changé ses habitudes. Aujourd’hui, elle se sent légitime à parler et agir. Elle est passée à l’action.

"Je suis de partout"


Camille Ley est née en 1991 à Tahiti. Ses deux parents, Suisse, se sont installés à Moorea avant sa naissance. "Ils ont refait leur vie avec des Polynésiens, chacun de leur côté, après m’avoir eue, j’ai grandi dans une famille recomposée." Et métissée. À l’école et au collège à Moorea, puis au lycée professionnel de Saint Joseph à Outumaoro, elle était la "Popa’a". En métropole où elle a suivi des études pour devenir bijoutière, elle était la "Tahitienne". "Je me suis dit, soit je suis de nulle part, soit je suis de partout", se rappelle Camille Ley.

Elle a choisi de se lancer dans la bijouterie car c’était manuel et créatif. "J’ai toujours su que je ne voulais pas travailler dans un bureau." Elle a par ailleurs pris la décision de partir pour la métropole pour aller plus loin dans son apprentissage mais aussi pour "voir du pays". En grandissant à Moorea, "j’étais un peu coupée du monde, surtout à l’adolescence." Elle a suivi un brevet des métiers d’art à Morteau en Franche-Comté puis obtenu un diplôme des métiers d’art au lycée professionnel Amblard à Valence. Avant son départ pour la métropole, elle n’avait "rien écrit dans le marbre pour ne me fermer aucune porte, mais j’avais tout de même dans l’idée de revenir". En 2018, donc, elle a retrouvé son île et ouvert son entreprise. Elle y travaille le métal, l’argent notamment qu’elle considère comme un faire-valoir d’autres matériaux. Elle a commencé par mettre en valeur la perle. Elle souhaiterait maintenant se tourner vers des matériaux recyclés. Une tendance, qui suit de près son évolution personnelle.

"J’ai toujours été très liée à la nature"


L’éveil de sa conscience environnementale ne date pas d’hier. "J’ai grandi à Moorea, et j’ai toujours été très liée à la nature, mes raisonnements d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux d’hier." Mais, enfant, ses convictions n’ont pas été entendues. Elle se rappelle avoir eu des discussions avec des adultes qui ne voulaient pas ouvrir les yeux à l’époque, campés sur leurs positions climatosceptiques. Elle a fait, malgré ses intimes certitudes, ce qu’elle était autorisée à faire. "On se moquait de moi, on me disait : mais tu ne changeras pas le monde ! "

Petit à petit, elle a tout de même fait évoluer les habitudes acquises. Elle a réduit sa consommation de viande, "en France, j’ai choisi d’en manger moins, mais de meilleure qualité". Elle a visé le zéro déchet dans son quotidien. Elle a limité ses achats en supermarché, opté pour des produits non emballés ou seulement dans du carton, privilégié le vrac, les emplettes en bord de route. "Je consomme différemment." Elle a d’abord eu un peu peur de ne pas pouvoir trouver toujours ce qu’elle voulait par exemple. "En fait, je trouve tout ce dont j’ai besoin, je tisse des liens avec les vendeurs et tout cela n’est pas si compliqué. C’est même devenu normal."

Une fois toutes ces étapes franchies, Camille Ley s’est demandé ce qu’elle pouvait faire de plus. Elle s’est renseignée sur les milieux militants d’ici et d’ailleurs. Elle a pris conscience que les grandes avancées se faisaient souvent grâce à des mouvements et actions menées dans la rue. Elle cite : le droit de vote pour les femmes, à l’avortement, la fin de l’apartheid. "Sans manifestations, notre quotidien aujourd’hui ne serait sans doute pas le même. Et on doit cela aux gens qui n’ont pas eu peur de dire ce qu’ils pensaient, de déranger." Selon elle, nombreux sont les femmes et les hommes qui ont pris conscience de l’urgence climatique et des problématiques environnementales, mais elles et ils n’osent pas franchir le pas de l’action et du changement. "Il n’y a plus de secret, la planète est déréglée. Toutes les prédictions des scientifiques se concrétisent." Ceci étant dit, autour d’elle, le nombre d’engagés grandi. Elle s’autorise à parler de ses valeurs et positions, elle veut dire et agir. En mars, elle a participé à la précédente marche pour le climat.

"On est là pour célébrer la vie"

Samedi il y aura deux événements. La marche pour le climat et une vélorution (qui promeut les mobilités douces à la place des voitures). Ce sont deux initiatives internationales, déclinées localement. Des animations musicales sont prévues, ainsi qu’une élection du plus beau costume végétal, de la plus belle pancarte… "C’est un peu le carnaval du climat."

Ce qu’elle attend de ce rendez-vous ? "Montrer au dirigeant que le peuple se soucie des problématiques environnementales." Elle veut de plus créer du lien entre les personnes concernées, les associations, les entreprises, susciter des vocations chez les marcheurs qui viendraient par curiosité, permettre à tous les participants de se sentir moins seuls dans leur démarche. "On est plus nombreux que ce que chacun imagine dans son coin", assure-t-elle. Le tout dans une ambiance joyeuse. "On a cette image un peu triste des gens qui se battent pour la planète, alors qu’au contraire, cela se fait dans la joie, on est là pour célébrer la vie."

Le parcours de Camille Ley illustre parfaitement ses convictions. Il s’est fait par étapes. "On ne peut pas devenir parfait et tout bouleverser du jour au lendemain, et ce n’est d’ailleurs pas recommandable". En effet, les changements à opérer son tels, que les prendre dans leur globalité constitue un frein, "et une excuse pour ne rien faire finalement". Aussi, selon Camille Ley, chaque petit geste compte. D’abord parce que l’impact de ces petits gestes cumulés peut-être "colossal " ! Elle prend pour exemple le fait de manger un steak de moins par rapport à ses habitudes. "cela change déjà et de beaucoup l’empreinte carbone du consommateur. " Ensuite, parce que c’est un pas vers de nouveaux changements. "Il faut déculpabiliser, faire mieux et de mieux en mieux, sinon, on ne saute jamais le pas."

Camille Ley conclue en rappelant que, bien sûr, les petits gestes ne suffiront pas. "Il faut des décisions politiques fortes." Pour qu’elles soient prises, "il faut le peuple montre qu’il a envie de changement". Sans cela, le peuple se cache derrière l’absence de décisions tandis que les politiques, eux, se cachent derrière l’absence de volonté ce qui fait le lit de l’inaction. Pour le briser, Camille Ley insiste : "j’espère vraiment qu’on sera nombreux samedi".

Pratique

Marche pour le climat le samedi 25 juin à partir de 14 heures place Tarahoi.


Contacts

FB : Te Motu pour connaître le programme de la marche de samedi
FB : Tamahine
Insta : Camille Moorea
Chaîne Youtube : Atelier Tamahine by Camille Ley

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 22 Juin 2022 à 20:49 | Lu 2202 fois