Bus : la grève est prolongée


Tahiti, le 8 septembre 2024 – Les patrons étant absents à la réunion relative à la convention collective vendredi, la grève dans les transports en commun continue. Willy Chung Sao, le P-dg de Tere Tahiti, assure qu’il faut que toutes les sociétés, surtout celles des îles, participent à ces réunions. “Je ne veux pas mettre les collègues en péril”, dit-il. Il compte d’ailleurs inviter les syndicats ce mardi.
 
Vendredi matin, syndicats, direction générale de l’éducation et des enseignements (DGEE) et celle des transports terrestres (DTT) avaient rendez-vous à la direction du travail où était également présent le délégué interministériel du dialogue social, Pierre Frébault. Il était question pour eux de parler notamment de la mise en place d’une convention collective pour le secteur des transports en commun. Sauf que les patrons étaient, pour la seconde fois, absents de la table des négociations alors que le secteur est en grève depuis le 3 septembre.
 
À leur sortie, Cyril Le Gayic de la CSIP a assuré que la réunion s’est “mal passée, les employeurs ne sont pas venus”. Il a annoncé que la grève est prolongée. “On est très loin de la signature d’un protocole d’accord”, a-t-il dit en précisant que la convention collective est le point bloquant. “À partir du moment où ils acceptent de venir discuter de la convention collective sectorielle, on met en place un calendrier puis un protocole pour lever la grève.”

“On veut un statut, une reconnaissance et une grille salariale”

Aporina est chauffeur de bus à mi-temps depuis plusieurs années pour la société Réseau de transport en commun de Tahiti (RTCT). Elle affirme que les salariés n’ont “pas de grille salariale et surtout de convention collective et c'est ce que nous demandons”. Selon elle, leur salaire “augmente et baisse. On ne sait pas exactement quel est le fixe”.
 
Le secrétaire adjoint de la fédération du Réseau du transport urbain (RTU) Steven Kaimuko dénonce, lui, le fait qu’ils ne soient pas “reconnus (…). On veut un statut, une reconnaissance et une grille salariale”. Il ajoute qu’à Nouméa ou en France métropolitaine, une convention collective existe et les chauffeurs ont également droit à des “primes et des avantages”.
 
Il avance qu’au niveau du code du travail, “c’est zéro (…). On a le même salaire qu’un balayeur (…). À la CPS, nous sommes considérés comme un ouvrier OP1 et pas comme un chauffeur avec notre carte professionnelle (…). On transporte des vies (...) pour un misérable salaire, nous sommes des Smigards.”
 
Il dénonce également le dépassement d’heures de travail des chauffeurs non-grévistes. Selon lui, vendredi dernier, certains chauffeurs ont dépassé leur taux horaire, donnant l’exemple de l’un d’entre eux : “Il doit être à 14 heures de travail, c’est un chauffeur à mi-temps. Il doit faire 4 heures par jour. C’est dangereux pour sa sécurité d’abord et la sécurité des gens.”

Faire participer les sociétés des îles aux discussions

Contacté, le P-dg de Tere Tahiti, Willy Chung Sao, regrette quant à lui de ne plus avoir eu de nouvelles des syndicats, alors que lors de leur dernière rencontre, “on a bien discuté et la grève a été suspendue”. Il s’est dit étonné de recevoir un courrier de la direction du travail l’invitant à une réunion jeudi relative à la convention collective. Il précise d’ailleurs avoir toujours été présent lors des discussions relatives la convention collective.
 
Par ailleurs, Willy Chung Sao assure ne pas être le seul concerné par cette convention et qu’il serait normal d’inviter tout le monde autour de la table. “Plusieurs fois je l’ai répété, je ne suis pas la seule société concernée, on est plusieurs à faire du transport scolaire ou régulier comme à Moorea ou Raiatea.”
 
Une demande faite déjà l’an dernier mais qui est restée lettre morte, même si selon lui, lors de ces réunions, on lui a proposé de “signer d’abord et puis on va élargir son application (…). Je leur ai dit que je ne veux pas mettre les collègues en péril (…). Ceux des îles n’ont rien demandé. Est-ce qu’ils ont les moyens de mettre en place une convention collective ?” Il précise d’ailleurs qu’une grille salariale existe bien au sein de sa société ainsi qu’un accord d’entreprise. 

Surcharge : “Ils sont tous au courant”

Outre l’absence de convention collective, les grévistes dénoncent également la surcharge des bus. Aporina l’assure : “Tous les patrons et les responsables le savent (...). Il ne faut pas faire les aveugles, ils sont tous au courant.” Elle appuie sur le fait que tous les bus sont concernés, qu’il s’agisse des bus scolaires ou des lignes régulières.
 
Côté passagers aussi, la surcharge des bus est pesante. Interrogé en fin de journée vendredi, un passager qui habite à Papara et qui est un habitué des transports en commun affirme qu’avec cette surcharge des bus, “on est même obligé de rester debout. Souvent, cela arrive surtout en fin de journée.”
 
De son côté, le P-dg de Tere Tahiti Willy Chun Sao dément les propos des chauffeurs. “Vous m’apprenez quelque chose”, nous a-t-il dit. Il rappelle que tous les chauffeurs ont “des consignes”. S’il y a du monde, “ils doivent appeler la direction pour qu’on leur envoie un véhicule en renfort pour ramener tout le monde”. Et s’il arrivait un accident, il précise que la société et le chauffeur – car “il est maître de son véhicule” – seraient tenus pour responsables. Ils risquent d’ailleurs une amende de près de 45 000 francs.
 
Une enquête devrait d’ailleurs être menée “pour savoir qui n’a pas respecté cela”, assure le P-dg. Les chauffeurs concernés risquent une sanction administrative et un changement de ligne. 

“Ils nous ont incités au grattage”

De son côté, le secrétaire adjoint de la fédération du RTU regrette le temps des trucks. Il raconte qu’à cette époque, les chauffeurs pouvaient toucher jusqu’à 100 000 francs par semaine. Quant au phénomène de “grattage”, qui consiste pour un chauffeur à se servir dans la caisse du bus, il considère qu’aujourd’hui, le patron “gratte aussi de son côté, ça gratte bien dans la caisse. Et les patrons nous disaient que cela est pour le casse-croûte et qu’il ne faut pas non plus en prendre trop.” Il explique ensuite que ce sont eux qui “nous ont incités à cela. Si on ramène toutes les recettes, le Pays ne va plus donner de subventions.”
 
En réponse au syndicaliste Steven Kaimuko et au “casse-croûte” dont il fait état, Willy Chung Sao assure que “tous les passagers doivent être enregistrés” et que les chauffeurs doivent “ramener toute la recette au bureau (…). S’ils avouent aujourd’hui qu’ils font mal leur travail, on va faire aussi une enquête.”  
 
Alors que la grève est effective depuis une semaine, Willy Chung Sao compte inviter les syndicats pour de nouvelles négociations ce mardi.


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 8 Septembre 2024 à 16:29 | Lu 2392 fois