Boujenah jouera ses “magnifiques” en janvier


Tahiti, le 19 novembre 2023 - Michel Boujenah clôt une trilogie humoristique avec “Adieu les Magnifiques” en janvier au grand théâtre. Entretien avec un homme touchant qui veut s’assurer que la passerelle entre jeune génération et ancienne tient toujours.

Ce spectacle que vous venez jouer en Polynésie est particulier. C’est le retour de personnages bien connus. Pourquoi ce besoin de revenir avec ces personnes ?
Parce que c’est le dernier volet d’un spectacle en fait. Un des personnages dit : ‘Tant qu’il y aura des auteurs pour nous écrire et des acteurs pour nous jouer, on sera éternels.’ Le théâtre sert à ça. Cela rend éternel les choses, les gens, les histoires… Je me suis rendu compte que ce spectacle, tous les 20 ans, je le jouais. Je l’ai joué il y a 40 ans, il y a 20 ans et je le joue maintenant… Et je ne le jouerai plus.”

Pourquoi ?
“Mais parce que dans 20 ans, je serai mort mon ami.”

Les personnages ne peuvent pas vivre après vous ?
“Ah, peut-être qu’un jour, il y aura un jeune acteur qui tombera sur ces textes et qui trouvera ça bien et qui se dira, ‘je vais le jouer’.” Est-il facile de dire adieu à ces personnages ? “Non, pas du tout. C’est pour cela que j’ai voulu encore les jouer une fois. C’est parce qu’ils me touchent, ils me bouleversent, ils sont très forts. Je n’ai pas envie qu’ils meurent, mais qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il faut aussi avoir le courage de dire ‘je suis fatigué’. J’en ai fait beaucoup quand même. Et puis j’ai envie de faire encore d’autres choses avant de finir la danse. Après, je vais faire encore plein de trucs, je ne vais pas m’arrêter de travailler.”

La retraite, ce n’est pas pour tout de suite ?
“Pas de tout, mais eux, je les joue tous les 20 ans et là, je pense que c’est la dernière fois. C’est pour cela que cela s’appelle ‘Adieu les Magnifiques’.”

Qui sont-ils, ces Magnifiques ?
“Ce sont trois petits vendeurs de pantalons qui sont détenteurs d’une chose très importante. C’est leur mémoire, leur identité, leur histoire. Ils veulent transmettre ça aux générations futures, comme en Polynésie. Ils sont la mémoire. Le problème, c’est que les générations qui suivent, pour elles, ces trois petits vendeurs de pantalons, ce sont des ‘sauvages’. Et ils en sont très malheureux. Sauf que le bon Dieu, dans mon spectacle, il parle. Et en le faisant intervenir, je lui donne le pouvoir de dire : ‘Vous ne pouvez pas mourir tant qu’il y a un de vos enfants qui n’a pas repris le flambeau de la mémoire. Mais tout cela n’est pas triste. Le traitement que j’en fais est très drôle. Les gens rient beaucoup, mais ils sont touchés aussi par la problématique. C’est valable pour les Bretons, les Marseillais, les Polynésiens, pour plein de gens en fait. Les gens se posent la question de leur identité culturelle et de qu’il va rester plus tard.”

La transmission de valeurs, d’histoires, de savoirs est importante pour vous ?
“Pas que pour moi. Pour tout le monde, à une époque où l’on va tellement vite avec les réseaux sociaux, et tout ça. Quand un enfant demande à son grand-père, ‘comment c’était l’amour à 20 ans ? Parce que nous, on rame. Entre le préservatif pour le Sida et le masque pour le Covid, il reste plus qu’un orifice pour respirer… Et quand je m’assois, je m’étouffe’, c’est drôle, mais c’est aussi un constat terrible.”

Parlons réseaux sociaux justement. On a beau chercher sur internet, on ne trouve jamais de critiques vous concernant ou même un embryon de polémique. Michel Boujenah est si sympathique que ça ?
“Pourtant j’en reçois, des insultes. Mais c’est vrai, je suis gentil.”

Les personnages sont Michel Boujenah ou Michel Boujenah est les personnages ?
“(Rires) Bonne question, il faut demander à mon psy. Il y a les deux. Dans la vie, je ne suis pas comme mes personnages heureusement, sinon, je serais à l’hôpital. Je pense que sur scène, vous avez le meilleur de moi… Et le moins bon, il est au téléphone avec vous (rires). Pas de bol ! Ces personnages me ressemblent évidemment, mais je ne suis pas eux. Dans la vie de tous les jours, je n’ai pas grand intérêt. Je suis nul dans plein de domaines. Ce que je fais, c’est moi, mais on est dans un monde imaginaire. Je me projette dans un monde que j’invente. Quand je joue une vieille dame, c’est moi. Le fait de mettre un masque me permet de m’exprimer mieux. Ces trois vieux, ce sont des vendeurs de pantalons. Quand ils rentrent sur scène, ce sont des vendeurs de pantalons. Mais quand le spectacle avance, ils prennent une dimension légendaire parce qu’ils sont détenteurs de la mémoire.”

Vous auriez pu créer ces mêmes vendeurs aujourd’hui à l’époque d’Amazon, des commandes en ligne ?
“Oui, absolument. Il y a toujours des gens qui ont des petits magasins. En ville, en province, ils sont toujours là. Il y a encore ces hommes et ces femmes qui ont cette dimension-là. Je les aime beaucoup. Mais ce n’est pas un spectacle sur les vieux. C’est un spectacle sur la jeunesse. Ce sont eux qui regardent la jeunesse. Il y en a un qui ne sort plus de chez lui parce qu’il a peur de tout. Il angoisse, il a peur qu’on ne se souvienne plus de lui. Il a peur que les jeunes pensent que la Tunisie, c’est une marque de fromage. C’est leur angoisse. Mais ça parle aussi du rapport de la jeunesse avec la mémoire.”

C’est un spectacle transmission, pas un spectacle testament…
“Effectivement. On ne peut pas savoir où l’on va dans la vie si on ne sait pas d’où l’on vient. C’est simple. Si vous oubliez vos racines, qui vous êtes, d’où vous venez, comment voulez-vous savoir où vous allez ?”

Les personnages ont-ils changé ? Toujours chemise rouge, chapeau, bretelles ?
“Oui, sauf qu’ils sont confrontés à des situations nouvelles par rapport au spectacle précédent. On voit ces personnages, toujours les mêmes, à chaque fois confrontés à des évolutions différentes. C’est le constat de la fracture qu’il y a entre les grands-pères et les petits-enfants. En 25 ans, les choses ont énormément changé. Les comportements, la technologie… Quelqu’un qui a 70 ans aujourd’hui, vous vous rendez compte de ce qu’il a traversé ! Comment il voit le monde ? Quelle perception il en a ? Il a une de ses filles qui s’est mariée quatre fois, avec quatre hommes différents et a eu des enfants avec chacun d’entre eux. Comme elle ne veut pas que les enfants souffrent, elle vit toujours avec eux. Mais eux aussi se sont remariés, et ont eu des enfants… Mais quand le papy arrive chez sa fille pour voir ses petits-enfants, il dit ‘je vais m’acheter un logiciel de reconnaissance faciale’. Il dit ‘il y en a même un par terre qui joue avec une machine. J’ai demandé à ma fille, c’est qui ?’ Elle lui répond : ‘On ne sait pas, il est là depuis deux ans, on l’aime beaucoup. (rires)”

L’actualité touche-t-elle ces personnages aussi ?
“Ce que je dis à la fin c’est, ‘il y a des gens qui continuent de me demander pourquoi je fais rire alors que le temps est sombre, je leur réponds que je ris, parce qu’il est sombre.’ Si on arrête de rire, on est mort. Le rire, c’est comme une petite bougie dans le noir… ça n’éclaire pas beaucoup, mais si vous l’éteignez, le monde est dans le noir. Cette bougie est fondamentale dans la vie des hommes.”

Un mot sur Tahiti que vous allez découvrir ?
“J’attends avec impatience. Je précise que si on ne m’emmène pas à la pêche, ça va barder. J’adore la mer. Je suis le plus mauvais pêcheur du monde, mais j’adore ça. Ce qui me plaît, c’est être sur l’eau. Je vais venir, je vais jouer et après, je vais à la pêche. Je veux la pêche au bord de l’eau. Je veux la pêche à la traîne. J’ai un bateau, je ne suis pas un amateur, mais quand je sors le bateau, toutes les mamans poissons disent à leurs enfants ‘c’est bon, c’est lui, vous pouvez y aller, vous ne risquez rien.’ Je viens avec ma perceuse dans les valises et si on m’emmène pas à la pêche, je perce tous les bateaux !”

Adieu les Magnifiques

Tarifs
 
Billets Bronze

16 ans et plus : 5 900 francs
Moins de 16 ans : 5 500 francs

Billets Silver
16 ans et plus : 6 900 francs
Moins de 16 ans : 5 900 francs

Billets Gold
16 ans et plus : 7 500 francs
Moins de 16 ans : 6 900 francs

Infos et billetterie en ligne : https://www.monspectacle.pf

Horaires
Le 20 janvier 2024, de 19 h 30 à 21 heures

Rédigé par Propos recueillis par Bertrand Prévost le Dimanche 19 Novembre 2023 à 18:27 | Lu 1387 fois