Bill Fishman : “Ce film est une véritable lettre d’amour à la Polynésie”


Bill Fishman (à gauche), le réalisateur de Waltzing with Brando en compagnie de Billy Zane (à droite), l'acteur qui interprète Marlon Brando, sur le plateau de tournage du film.
Tahiti, le 12 novembre 2024 - Prévu en salle pour le premier trimestre 2025, Waltzing with Brando retrace l’épopée polynésienne de l’icône du cinéma, Marlon Brando. Adapté du livre éponyme de Bernard Judge, architecte visionnaire des premières constructions durables sur Tetiaroa dans les années 1970, ce film se veut une véritable “lettre d’amour à la Polynésie”. À quelques mois de sa sortie, le réalisateur, Bill Fishman partage avec Tahiti Infos les coulisses de cette aventure. Interview.
 
 
Comment ce projet a-t-il vu le jour, et comment s’est-il articulé au fil des années ? Vous avez rencontré quelques difficultés durant la pandémie, n'est-ce pas ?

“Ce projet a débuté il y a maintenant huit ans. À l’origine, l’idée de faire ce film m'est venue après avoir lu le livre. J'ai donc commencé à organiser la production, et nous avons tenu de nombreuses réunions avec le gouvernement polynésien, qui était enthousiaste et impatient à l'idée de nous soutenir. Nous avons ainsi entamé les préparatifs aux États-Unis. Puis, malheureusement, la pandémie de Covid-19 est arrivée, entraînant la fermeture de nos studios mais aussi des frontières polynésiennes. Nous avons pu tourner quelques scènes à Los Angeles pendant une semaine, mais pour la majorité du film, qui se déroule en Polynésie, il a fallu attendre la fin de la crise sanitaire et la réouverture de l'île pour poursuivre le tournage. D'autant que la majorité du film est tournée sur place.”
 
Vous teniez absolument à tourner en Polynésie ? D’autres options, comme des studios ou même Hawaii, auraient pu être envisagées, ou souhaitiez-vous véritablement suivre les traces de Marlon Brando ?

“Absolument. De nombreux lieux, notamment Hawaii, Fidji ou Porto Rico, offrent des financements et des crédits d’impôts pour les tournages, et il aurait été tentant d’en profiter. Mais pour nous, tourner à Tahiti avait une signification toute particulière. Ce film est une véritable lettre d’amour, une ode à la Polynésie. Marlon Brando parlait avec passion et un grand respect de cette terre, et il nous semblait naturel de tourner là où il avait lui-même vécu et œuvré. Grâce à un partenariat avec le gouvernement polynésien, nous avons pu filmer à Tahiti, Moorea et Tetiaroa, des lieux chargés de son héritage.”

 

Billy Zane, dans la peau de Marlon Brando, sur les plages de Tetiaroa. Crédit photo : Waltzing with Brando.

Avez-vous constitué votre équipe avec des techniciens locaux ou avez-vous fait appel à votre équipe américaine ?

“Nous avons principalement travaillé avec des locaux : environ 70% de l’équipe était polynésienne. Cela dit, une partie de notre équipe américaine, avec laquelle nous avions commencé le tournage à Los Angeles, nous a rejoints à Tahiti. Ce mélange a créé une cohésion fantastique. Les équipes polynésiennes étaient incroyablement serviables, avec une énergie et un professionnalisme remarquables sur les plateaux. Ils ont tous travaillé très dur. Par ailleurs, leur maîtrise du français et du tahitien était également un atout précieux.”
 

En 2019, vous aviez lancé un appel pour recruter une trentaine de figurants Polynésiens. Ont-ils participé au projet ?

“Oui, bien sûr. Tous les personnages polynésiens, acteurs et figurants, sont interprétés par des locaux. Cela était essentiel pour restituer l'authenticité et la vérité du film. Si nous avions tourné ailleurs, nous aurions dû faire appel à des acteurs extérieurs, leur enseigner le tahitien et le français. Ils auraient dû apprendre à se comporter comme les polynésiens mais aussi à les comprendre. Ici, cette authenticité était déjà présente. Tous les comédiens me renvoyaient du réel. Et pour moi, en tant que réalisateur, cela rend le travail magique : il suffit de pointer la caméra sur eux, et ça devient génial.”
 
Il y a quelques jours, la première bande-annonce du film a été dévoilée, et la ressemblance de Billy Zane avec Marlon Brando a impressionné. Quelle a été votre première réaction en le voyant sur le plateau de tournage ?

“Je connais Billy depuis longtemps, et je savais que sa ressemblance avec Brando allait frapper les esprits. Mais au-delà de l'apparence, c'est son jeu qui est impressionnant : il semble avoir étudié et intégré les moindres gestes, le charme et l’aura de Brando. Toutes les petites choses qui faisaient de Marlon quelqu'un de si spécial. Ce n'est donc pas seulement sa ressemblance physique mais toute sa performance qui est remarquable. Nous avons eu recours à des perruquiers et maquilleurs renommés, mais finalement, nous avons à peine utilisé les prothèses que nous avions préparées, tant il ressemblait naturellement à Marlon. Certains membres de l’équipe, ayant travaillé avec Brando autrefois, étaient émus aux larmes quand ils l'ont vu. C’était vraiment incroyable.”
 

Avec Waltzing with Brando, vous explorez un moment de vie très spécial de l’acteur. Comment avez-vous abordé ce pan de son histoire ?

“Brando a mené plusieurs vies en une : il était à la fois brillant, excentrique et profondément engagé. C'était un génie et un fou. Plutôt que d’essayer de tout capturer, j'ai choisi de me concentrer sur la période de 1969 à 1975, lorsqu’il a découvert Tahiti et s'est détourné de Hollywood pour envisager une vie différente en Polynésie en voulant parler au monde d'une manière différente. Pendant cette période, il s’est investi dans la défense de l'environnement, souhaitant protéger les écosystèmes de Tetiaroa pour les générations futures. Il voulait ardemment protéger les océans. Peu de gens connaissent cet aspect de sa vie, et c'est cette histoire, c'est pour cela que j'ai voulu la raconter.”
 
C’était, d’une certaine manière, une renaissance pour lui ?

“Tout à fait. Brando était profondément désabusé par Hollywood et le mode de vie superficiel de cet univers. En Polynésie, il a trouvé une chaleur, une profondeur et une authenticité qu’il recherchait depuis longtemps. Cependant, ses projets utopiques nécessitaient des fonds, ce qui l’a poussé à accepter des rôles dans des films pour se financer. C'est notamment le cas de l'un de ses plus grands succès, Le Parrain, mais aussi du film Le Dernier tango à Paris. C'est ironique de penser que certaines de ses plus grandes œuvres n'auraient pas vu le jour, s'il n'avait pas eu besoin de financer ses rêves polynésiens.”
 
Avez-vous fixé une date de sortie pour le film ?

“Nous n'avons pas encore de date officielle, mais nous visons le premier trimestre de l’année prochaine.”
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 12 Novembre 2024 à 14:53 | Lu 668 fois