Bilan de l'Ifrecor : Les récifs du fenua tiennent bon, les poissons reculent


Crédit photo : Under the pole - Julien Leblond
Tahiti, le 6 juillet 2021 – Mis à jour tous les cinq ans, le dernier bilan de l'Ifrecor salue la “résilience” des récifs polynésiens, dont 50% sont dans un bon état. Soit le meilleur score derrière la Nouvelle-Calédonie et ses 75%. L'organisme d'État relève cependant la décroissance des peuplements de poissons au fenua ces dix dernières années et le faible niveau de protection de ses récifs.
 
“Plutôt préservés dans les territoires étendus, à faible démographie ou inhabités”, les récifs coralliens du Caillou et du fenua notamment, sont “globalement stable” faisant preuve d'une “bonne résilience”, souligne le dernier bilan de l’Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor). Mis à jour tous les cinq ans par, le rapport indique qu'en 2020, la majorité (70 %) des récifs évalués dans ces territoires sont “en bon état” sur le long terme, malgré des événements extrêmes comme les épisodes de blanchissement, la prolifération d'acanthasters, cette étoile dévoreuse de corail, ou la survenue de cyclones. 

Ainsi en 2010, les îles de la Société sont touchées par une explosion d’acanthasters, suivie du cyclone Oli. Eprouvée, la couverture corallienne à Tahiti et Moorea s'effondre de 40% à moins de 5%. Preuve de résilience du corail polynésien, celui-ci reprend des couleurs, affichant en 2019, soit presque dix ans plus tard, “des valeurs” en recouvrement “parmi les plus hautes jamais atteintes depuis le début des suivis en 1992”.

Erosion des terres et particules fines

Mais compte tenu de “l’étendue particulièrement vaste du territoire polynésien en latitude et en longitude, l’état des récifs est naturellement variable selon les archipels”, nuance cependant le bilan. “Les récifs des îles de l’archipel de la Société présentent, en particulier, sur les quinze dernières années de très fortes variations du recouvrement corallien”, soit de “forte dégradation suivie d’une remarquable régénération à la suite des perturbations”. Résultat en 2020,50% des récifs du fenua sont dans un bon état. Les récifs les plus touchés se trouvent sans surprise dans les îles de la Société, l'archipel le plus peuplé. “Couplé au développement urbain, le développement de l’agriculture entraîne une déforestation et une mise à nu des terres qui se traduit par une érosion très importante et l’arrivée dans les lagons de particules fines qui recouvrent le corail et entrainent d’importantes mortalités”, développe le bilan.

Si dans l'ensemble le corail polynésien fait de la résistance, “les biomasses totales de poissons décroissent sur les dix dernières années”. Une décroissance dont l'origine est difficile à identifier si ce n'est “la combinaison d’efforts de pêche accrus” et "un effet de l’environnement”. Côté peuplement de poissons, la Calédonie se porte bien mieux que son voisin polynésien avec des “biomasses et des diversités parfois exceptionnelles”. Par ailleurs, la résilience des récifs polynésiens n'est pas immuable. Les événements de plus en plus récurrents de hausse de température, auxquels les coraux sont particulièrement vulnérables, pourraient avoir raison de leur état de santé. Les projections réalisées par le Criobe montrent effectivement que l’on peut s’attendre à un “blanchissement annuel récurrent en Polynésie à partir de 2040, ce qui aura des répercussions importantes sur l’équilibre des récifs coralliens”.

Très variables selon les territoires, “l’intensité de ces pressions est souvent dépendante de la densité de population”, précise le bilan. En l'occurrence, la Nouvelle-Calédonie affiche la densité la plus basse, avec 15 habitants par km² pour environ 36 000 km² de récifs, suivi en deuxième position par la Polynésie et ses 74 habitants par km2 pour 16 200 km2 de récifs coralliens. A l'inverse, Mayotte présente la plus forte densité de population de tous les outre-mer français, avec 690 habitants par km² pour seulement 1 400 km² de récifs. “L'augmentation particulièrement rapide de la population humaine et des pressions associées” à Mayotte pèse sur la santé du corail dont 60% présentent un état dégradé explique l'Ifrecor.

0% de récif sous "protections fortes" au fenua

Avec ses 10% de la surface mondiale de récifs (4e position mondiale), la France s'est déjà engagée à protéger 100% de ses récifs coralliens dans les outre-mer d'ici 2025.Un objectif qui semble à sa portée étant donné que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française comptent à eux seuls pour “près de 90 % de la surface totale des récifs français”, note l'Ifrecor. A ce jeu-là, le Caillou a pris une certaine avance affichant “le ratio de protection forte le plus élevé” : 88% de ses récifs sont sous protection et 41% sous protection forte. Si du côté du fenua l’ensemble de la zone économique exclusive (5,5 millions de km2) est classé en aire marine gérée (AMG) “Te Tainui Atea” depuis 2018, l'Ifrecor relève que seulement 23% de ces récifs sont sous protection et 0 % sous protections fortes, au même titre que Wallis et Futuna.

L'Ifrecor note toutefois “les difficultés de mise en œuvre des suivis” en Polynésie, dont les 3 500 km² de terres émergées sont éclatées en près de 120 îles. “Avec 14 stations pour 15 000 km² de récifs en Polynésie (…) contre 14 stations pour 16 km² de récifs à La Réunion (…) les écarts de représentativité sont très importants d’une collectivité à l’autre”, nuance le bilan. 
Dans ce contexte géographique très particulier, “le développement d’un réseau de science participative pouvant servir de réseau d’alerte semble indispensable”, suggère l'Ifrecor. D'autant que la valeur des services rendus par les récifs polynésiens pèse lourd dans l'économie locale : soit 55 milliards de Fcfp. “Au total 1 500 entreprises et près de 21 000 emplois dépendent, à différents degrés, des services écosystémiques fournis par les récifs coralliens et les écosystèmes associés”.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 6 Juillet 2021 à 21:47 | Lu 1566 fois